Il n’existe, techniquement, que deux types de musique : celle qui fait tout pour rester au niveau de l’être humain – ordinaire, faible, lâche, dégueulasse – et celle qui fait ce qu’elle peut pour le dépasser. En 2015, avec leur quatrième album This Is Not Supposed To Be Positive, les parisiens de Hangman’s Chair avaient définitivement prouvé qu’ils s’inscrivaient dans la seconde catégorie. Un disque dont les sommets atteignaient des hauteurs proprement vertigineuses, faisant entrer le son des grands espaces désolés dans les ruelles sordides de la capitale. Un genre de Black Sabbath paumé Porte de la Chapelle, un Alice In Chains en rade à Stalingrad.
Hangman’s Chair revient aujourd’hui avec Banlieue Triste, un disque qui remet les compteurs à zéro, annule définitivement les 4 précédents et met 10 wagons supplémentaires dans la vue à la concurrence. L’engin est serré, compact, abondant – 10 titres en un peu plus d’une heure, absolument rien à jeter. Et inutile d’aller chercher vos repères dans le petit Tommy Iommi illustré : Banlieue Triste c’est le Disintegration de Cure version « malaise 2018 », une couche de distortion en plus, les synthés en moins (même si Perturbator figure parmi les invités du disque, aux côtés de Marc De Backer de Wolvennest) – même ampleur, même ambition, même désespoir abyssal. Par contre, n’attendez pas de « Lullaby » ou de « Love Song » pour reprendre votre respiration, ici tout s’écoute d’un bloc, d’une traite, dedans jusqu’au cou, jusqu’au bout du bout. Tout juste isolera-t-on les deux instrumentaux « Tara » et « Sidi Bel Abbes » (avec ses guitares à la Kirin J. Callinan) et l’enchaînement « 04/09/16 »/« Tired Eyes »/« Negative Male Child » -20 minutes de dévastation absolue.
C’est justement -et ce n’est pas un hasard- « 04/09/16 » que le groupe a choisi pour le premier clip de l’album. Et ça se passe juste en-dessous, pour la première fois dans l’Histoire des grands espaces désolés, des ruelles sordides et du bout du bout.