Music

Un rencard avec Sean Paul

Toutes les photos sont de Christoper Bethell

Je ne vais vous faire l’affront de présenter cet homme : tout le monde sait qui est Sean Paul, tout le monde a déjà entendu, à son insu ou pas, « We Be Burnin’ », « Get Busy », « Temperature », « Gimme the Light », « Breathe » avec Blu Cantrell, « Baby Boy » avec Beyoncé, ou son apparition sur « Cheap Thrills » de Sia – qui a été le morceau le plus diffusé dans les clubs et les Uber du Monde Libre durant l’été 2016. Chacun de vous a probablement une histoire intime liée à une chanson de Sean Paul. Peut-être avez vous choisi un de des morceaux lors d’un karaoké et regretté ce choix au bout de 5 secondes car vous n’êtes pas Jamaïcain. Peut-être avez vous rencontré votre partenaire actuel(le) après l’avoir pressé dans le coin d’un club sombre au son du rythme toxique de « Ever Blazin ». Peu importe, vrai reconnaît vrai comme on dit et l’humanité ne vous a pas attendu pour reconnaître Sean Paul.

Mais qui est vraiment Sean Paul ? Qui se cache derrière la plus grosse star de Jamaïque ? A quoi cet homme carbure ? Eh bien il s’est avéré que Sean Paul est un homme qui commande des jus de pomme au bar, parce qu’il n’a pas bu d’alcool depuis un an. Un des chanteurs préférés de Sean Paul est Kurt Cobain. Sean Paul peut entrer dans une pièce et distribuer des beignets à la viande à tout le monde, en gardant une balle de tennis dans son autre main, sans besoin d’expliquer pourquoi, parce que c’est Sean Paul. Comment je sais tout ça ? Parce que mon rédacteur en chef m’a récemment envoyer en rencard avec lui à l’hôtel Sanderson de Londres, dans lequel nous avons devisé longuement devant des peintures à l’huile de chiens, à propos de ses premiers baisers avec la langue, de son pays et du fait que tout le monde a cru qu’il était mort en 2006.

Videos by VICE

undefined


Noisey : Salut Sean Paul. Comment ça va ?
Sean Paul : Je vais bien, merci. Jolie coupe.

Merci.
La mienne est un peu plus courte que la tienne.

C’était le cas la semaine dernière mais j’ai laissé pousser quand j’ai su que j’allais te rencontrer.
[Rires].

Merci pour les beignets d’ailleurs.
Pas de problèmes. T’es végétarienne ? 

Vegan, ouais.
J’ai suivi un régime 100 % jus récemment, pendant une semaine et demi. Cinq jus par jour. Un truc detox. Orange, curcuma, noix du Brésil, graines de lin et noix de coco ; un jus vert avec de la citronnelle. Hyper bon. Quand j’ai arrêté le régime, je me suis senti un peu plus végétarien. Je mange toujours de la viande, mais bien moins qu’avant. Ma mère est végétarienne depuis quelque chose comme 6 ans.

Tu crois que tu le deviendras un jour ?
Je sais pas. Quand j’ai voyagé en Inde, je me suis dit que j’allais le devenir. Tout était tellement bon ! Depuis que j’ai fait mon nettoyage, j’ai bougé à L.A. et je n’ai pas du tout eu envie de remanger de la viande, j’ai juste pris de la salade, de la soupe, un sandwich, et je me suis senti super bien. Puis j’ai bouffé une galette au boeuf aujourd’hui, donc…

Et le reste de ta journée s’est bien passé ?
Bien ! Ouais, ouais. On a bu de bonnes choses ici [Rires]. On revient juste du Bestival, qui était ouf. Je ne pensais pas que le public aurait été aussi chaud. Il y avait au moins 50 000 tentes, donc encore plus de gens. Super énergie. J’ai adoré. Quand on est rentrés ce matin, j’ai dormi un petit peu et j’ai passé le reste du temps sur le net à mater des documentaires sur le dancehall – sur les problèmes de certains artistes etc – et d’autres sur le hip-hop. Je fais beaucoup ça, jusqu’à ce qu’il soit l’heure de jouer au tennis.

Tu joues au tennis ?!
Ouais ! Pas vraiment pour la gagne, mais j’aime bien que la personne en face m’entraîne. J’en fais depuis 5 ans maintenant.


Tu viens d’une famille très sportive, non ?
Ouais, ouais. Ils nagent beaucoup, tu sais.

Tu te souviens du lieu où tu as eu ton premier rencard ?
Le premier, hmmm… Sûrement au cinéma, en Jamaïque. Il y avait un drive-in près de l’aéroport et on allait voir plein de films là-bas. Nos parents nous déposaient devant et on allait dans les gradins s’asseoir les uns à côté des autres. C’est dans ce ciné en plein air que j’ai eu mes premiers rendez-vous, et donné mes premiers baisers.

Devant quel film ?
À l’époque, ça devait être vers 1987 donc.. La Mouche, j’imagine.

Sexy !
C’était mon année. Tu sais, cette période où tu commences à sortir avec des filles, à faire des bisous et à leur tenir la main…

Et la fille devient ta petite amie après quelques heures seulement.
Voilà ! On est ensemble. On a un mot en Jamaïque pour le baiser sur la bouche, on appelle ça  « throats » . Vous le dites aussi ?

Non, mais c’est superbe. On dit plutôt « snog » nous.
« Snog » ! Ca y ressemble. Quand je parle de « throats » [gorges] ou de « throatsin » [gorger] à quelqu’un de plus jeune, il me regarde perplexe,  « quoi ?! pourquoi t’appelles ça comme ça ? »  J’imagine que c’est juste parce que que tu descends loin dans la gorge de la personne… 


Tu as déjà eu des problèmes pour parler aux femmes ?
Ouais, il y a des moments où ça te stresse. Ca dépend de la situation. J’étais très proche de ma mère et elle m’a éduqué en me dictant comment il fallait que je me comporte. Elle m’a dit qu’il fallait juste que je sois moi-même. Donc ouais, je suis plutôt à l’aise maintenant. Mais ça n’empêche pas l’angoisse de ressurgir par moments. Quand j’apprends que je vais avoir un rencard, je me dis, « Mon vieux… va falloir que tu mettes tes tactiques à jour ! »

C’est quoi tes tactiques ?
À l’époque du ciné en plein air, c’était « oh, je crois que tu as un truc sur l’oreille… [il fait un bruit de bisou]. » Mais ma technique s’est développée et je suis devenu un peu plus smooth depuis.

Je vais rester moi-même avec toi Sean… Je n’ai aucune tactique.
C’est bien. Marche au feeling ! 

Si tu devais abandonner le sexe ou la nourriture, tu choisirais quoi ?
Wow.

Je sais.
C’est une question difficile. Si j’abandonne la nourriture, je mourrai, non ?

Au bout de quelques temps, ouais.
Mais bon… Si j’arrête le sexe, je mourrai probablement avant. Je crois que je préfère laisser tomber la nourriture et je mourrai avec le sourire aux lèvres.

Où est-ce que tu faisais la fête quand t’étais plus jeune ?
Ma tante possédait un sound-system et on avait un très grand terrain devant chez nous, avec de la pelouse, on y organisait des fêtes pour Halloween où l’on rejouait tous les hits. Tu faisais ça aussi ?

Comme l’émission Stars in Their Eyes, mais chez soi ? 
Ouais ! Comme ça les gens pouvaient débarquer et prétendre être Boy George ou autre, c’était très marrant. On en faisait au mois d’octobre, à Noël, l’été et pour Pâques. Donc ça a été mes premières fêtes. J’adorais regarder nos familles installer le dancefloor, les enceintes, etc. Ils étaient toujours là : « Ok les enfants, quand ça va commencer, vous filez dans vos chambres pour regarder la télé, manger des bonbons, ne veillez pas trop tard… » Mais moi je faisais tout pour rester dehors. La première chose qui m’a plu c’est de ressentir la musique jouée forte, dans ma poitrine, et de voir des femmes magnifiques faire leurs trucs ; et puis voir les gens s’amuser.

Imaginons que tu organises une soirée et que tu peux inviter n’importe qui, vivant ou mort. Tu choisis qui ?
Héhé ! Bordel. J’inviterais Jimi Hendrix… et Cindy Crawford. Et des gens géniaux, Muhammed Ali devra être de la partie, par exemple. Des gens que j’admire mais que je n’ai jamais rencontré, comme Michael Jordan. Parce que j’aime bien le sport, comme tu l’as compris, j’aime bien donner de l’alcool à des sportifs pour voir ce qu’il se passe. Donc tous ces gens, et puis aussi ma famille et mes amis

Bien vu. Ce n’est pas une vraie fête si la famille et les amis sont absents… ainsi que Cindy.
Ouais, il faut qu’elle soit là.

J’ai lu qu’en soirée, il t’arrivait de faire l’équilibre sur les mains pendant que Ies gens essayaient de te faire tomber.
Quoi ? [Rires]​ Elle est pas mal celle-là. Qui t’a raconté ça ? 

C’est noté sur ta page Wikipedia.
Wow, Wikipedia me fait bien marrer. Une fois, je lisais ma propre page et c’était marqué « Sean Paul a fait ci et ça… et il est mort en 2006. » J’ai sursauté ! « Bordel, je suis mort ! » C’était assez choquant de le découvrir de cette façon. Il y a une période où à chaque fois que je postais une vidéo sur YouTube, les kids commentaient en disant « mais je croyais que t’étais mort ?! »


Mis à part celle-là, quelle a été la rumeur la plus folle qui a circulé à ton sujet ?
Que je ne suis pas un vrai Jamaïcain. Mais ce n’est pas si fou, parce que je ne ressemble pas à un Jamaïcain typique, mais ça me fatigue quand même. Les gens croient que je prends un faux accent, alors que pas du tout. J’ai grandi là-bas et j’y vis toujours.

Quels sont tes chansons préférées de tous les temps ? 
Ce sont des mélanges… Celles de Bob Marley, des Beatles, de Kurt Cobain… Je ne peux pas dire que je suis incollable sur le rock, mais j’ai beaucoup aimé Nirvana.

Ah ouais ? Qu’est ce que tu as aimé chez eux ?
Au début des années 90, j’avais juste besoin de quelque chose de différent. Je suis un gros fan de hip-hop, mais à l’époque, c’était toujours la même chose, répétée encore et encore. J’écoutais toujours du dancehall, j’adorais ça, mais les mélodies et les harmonies de Kurt Cobain, elles me rappelaient celles des Beatles, que ma mère écoutait beaucoup quand j’étais enfant. Je n’ai pas été aussi fan des Foo Fighters ensuite, sa voix me manquait. J’écoute encore ses disques.

Il paraît que c’est la tante de Kurt Cobain qui lui a donné sa première guitare, et les premières chansons qu’il a écoutées et qu’il a apprises étaient celles des Beatles.
Ah ouais ? Ce titre où il chante « All in all is all we are… » [Sean Paul chante Nirvana] me rappelle beaucoup les Beatles.

Ok, je pense qu’on va abréger ce rendez-vous maintenant pour ne pas que je devienne folle devant Sean Paul qui me chante des morceaux de Nirvana. Tu peux la chantonner encore, quand même ? Et peut-être me laisser ton numéro ?
[Rires]​