Si la musique d’Insecure Men était un film, alors ce serait une suite de Withnail & I encore plus fauchée, absurde et désespérée que le premier volet, et qui donnerait quelque chose comme Withnail & I vont à la plage. Je vois difficilement autre chose que ce classique de la comédie noire britannique qui traite des mésaventures de deux aspirants acteurs dans le Londres ravagé économiquement des années 70, pour décrire la musique du duo rock londonien, formé notamment par Saul Adamczewski de Fat White Family, sans doute le dernier grand groupe de rock anglais sur le marché, et de son ami d’enfance Ben Romans-Hopcraft.
Sur leur premier album éponyme, qui sort aujourd’hui sur Fat Possum, on entend de l’exotica en plastique, des cuivres enfantins, du clavecin guilleret et un paquet de pop songs immédiates. Mais également une ambiance claustrophobe malgré les refrains accrocheurs, des morceaux sinueux et en dents de scie, ce « dark underbelly » dont parle Saul et qui prend les airs d’une résignation sourde, d’un ramassis d’acrimonie, d’humour noir et de désespérance déguisée en torpeur gouailleuse.
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De la gouaille, les deux acolytes en sont pourvus lorsque je les rencontre. Passés par des tas de groupes depuis leur adolescence, ils ont très bien conscience qu’ils ne pourront jamais totalement vivre de leurs chansons, en particulier lorsque celles-ci traitent de rock stars pédophiles et de bords de mer décharnés, n’ont pas une once d’espoir en elles et font constamment montre d’une ironie grinçante. Un joyeux programme pour toute la famille, qui jure absolument avec l’endroit où je les rencontre. Soit un loft énorme dans le 3e arrondissement de Paris, près de Saint-Sébastien Froissard, où je suis accueilli par Ben, le teint frais et un sourire jusqu’aux oreilles, tandis que Saul a l’air d’agoniser sur le canapé, emmitouflé dans une couverture, rachitique et grelotant. Forcément, la première question que je me pose, c’est où je viens de mettre les pieds.
Noisey : On est où là, en fait ?
Saul : Chez ma copine, enfin chez ses parents.
Tu habites où le reste du temps ? J’imagine que tu n’as pas les moyens de te payer un appart’ comme ça à Londres.
Saul : Pas vraiment, non. J’habite chez ma mère. Parfois.
Vous avez toujours vécu à Londres, tous les deux ?
Ben : Ouais.
Saul : Ouais.
Vous avez beaucoup bougé ?
Ben : Lui ouais, pas moi.
Saul : J’ai vécu un peu ici, à New-York aussi, quand on enregistrait chez Sean Lennon. Mais ouais, surtout à Londres. J’ai essayé d’habiter à Sheffield, mais c’était… particulier [les deux se marrent].
Il y a une raison en particulier ?
Saul : Pas vraiment, c’est juste une grosse ville de merde [Rires].
Ben : On s’y fait tellement chier, surtout. On a fait cet album, et ça allait pour enregistrer, mais dès que tu sors du studio, ça devient… dévastateur [Rires].
Saul : Désolé, mec, je ne suis pas trop en état. Je n’ai pas vraiment dormi cette nuit, j’avais une rage de dents affreuse.
Oh ne t’en fais pas, j’ai interviewé Anton Newcombe et Yung Lean, rien ne pourra jamais être pire.
Saul : Cool alors [Rires].
Tu as vécu à New-York quand tu enregistrais avec Sean Lennon, c’est ça ?
Saul : Ouais. Il a produit le nouvel album.
Ben : Mais on l’a fait ensemble, tout de même.
Les deux : Ouais…
Ça m’a toujours surpris de voir l’association entre Sean Lennon et vous, on pourrait croire que vos styles sont opposés. Pas seulement musicalement d’ailleurs.
Saul : Ouais, enfin les choses se sont faites naturellement. On a fait un concert avec Fat White Family avec lui à South By Southwest. Et on est devenus potes. Sa musique est différente de ce qu’on fait, mais il a vraiment bon goût. Il comprend ce qu’on fait, et c’est un très bon musicien. Donc à partir de là, ça ne fait pas vraiment de différence…
Mais financièrement et en termes de confort, ça doit en faire une, non ? Vous qui venez d’un truc très D.I.Y, où vous enregistriez avec trois bouts de ficelle et dans des conditions matérielles pas forcément évidentes, vous retrouver en studio avec toutes ces guitares hors de prix à portée de main, ça ne change pas votre rapport à la musique ?
Saul : Bah…non. En fait Sean nous fait dormir dehors et on doit vivre dans une tente dans le jardin, histoire qu’on ne s’embourgeoise pas trop quand même [Rires].
Ben : Moi j’ai pas compris ce qu’il se passait jusqu’au moment où on se retrouve à New York en train d’enregistrer dans ce studio dingue. On ne pouvait pas rêver mieux, donc on ne va vraiment pas se plaindre. En fait ça influence le temps que tu y mets, plus que la musique en elle-même. Les heures qu’on y passait étaient inimaginables pour nous. C’est un tel privilège que si tu veux, tu peux décider de t’arrêter un moment, de faire des pauses !
Saul : Sean a tout un tas de vieux synthés et claviers, et des instruments d’enfants, qu’on a adoré utiliser sur le disque.
On le ressent sur le disque, ça donne un aspect assez excentrique aux textures. Je ne sais pas si vous êtes familiers de l’expression « novelty rock » [« rock gadget »], que Lawrence de Felt, Go-Kart Mozart et Denim a plus ou moins inventée, ni même si c’est plus une blague qu’autre chose, mais c’est quelque chose que je retrouve pas mal sur votre disque. Il y a un côté faussement enjoué, qui n’a l’air d’être là que pour révéler un certain malaise.
Saul : Carrément. Denim est une de nos plus grosses influences. J’espère qu’on aura des concerts ensemble, il ressort un album là.
Ben : On a le même tour manager, je crois. Mais ouais, Denim c’est sûrement la référence la plus proche à laquelle pourrait nous rattacher au Royaume-Uni.
C’est une figure culte dans votre pays, Lawrence ? En France il y a eu un livre sur lui, et globalement j’ai l’impression que c’est un truc très français d’être fan de lui.
Ben : Pas vraiment, enfin il est culte pour certaines personnes. Mais honnêtement, je crois que dans mon entourage je suis le seul à le connaître. Il ne voit presque personne, c’est quelqu’un de très secret, très solitaire.
Saul : Quand Denim jouait, ou quand Go-Kart Mozart fait des concerts, c’est toujours dans des endroits minuscules. Mais de toute façon je ne crois pas qu’il aime spécialement faire de live. J’ai entendu dire qu’il ne voulait même pas aller à Manchester pour faire un concert, tu vois le genre.
On sent que ça vous intéresse, ce genre de figures un peu élusives, un peu rentre-dedans aussi. Forcément, on a dû vous parler de Mark E Smith également vu qu’il est mort récemment.
Saul : Ouais. Disons que je n’étais pas surpris quand il est mort. Ça faisait un an qu’il était sur le point de mourir, et il est mort. C’est à peu près tout ce que je peux dire à ce sujet. [Rires]
Ben : Ouais…
Saul : Il s’est donné, quand même. Il prenait plein de speed, il picolait comme un trou. Mais il a sorti des disques et fait des concerts jusqu’à la fin. Je dirais qu’il a eu une mort héroïque, dans un sens. Il ne tenait pas spécialement à la vie, je pense.
Ou aux gens.
Saul : Ouais.
Ben : C’est comme Shane MacGowan, c’est dingue qu’il soit encore là. Je crois qu’à ce stade-là, il ne mourra jamais. [Rires]
Mark E Smith a aussi sorti des tas d’albums pertinents, même ces dernières années. C’est quelque chose de très rare, aujourd’hui. Vous-mêmes, vous aspirez à cette longévité et cette consistance ?
Saul : Ouais, enfin il a fait tellement de merdes aussi. Mais il est allé jusqu’au bout.
C’est bizarre de penser que même vieux, il était moins chiant que la plupart des jeunes groupes anglais aujourd’hui.
Saul : En même temps c’est pas très dur, hein.
Tu as une explication à ça ?
Saul : Les labels promeuvent les groupes les plus safe, qui vont plaire au plus grand nombre. La musique se retrouve diluée dans les trucs les plus fades, ennuyeux, très middle of the road. Parce qu’ils se disent que ça va plaire à toute une variété de gens différents, ne froisser personne. Et rapporter plus de thunes. C’est assez basique, en fait.
Ben : Je pense que ça a toujours été comme ça, l’industrie musicale en Angleterre. Elle a toujours eu un costume trop grand pour elle. Il y a une énorme culture de l’industrie du disque, mais qui en fait ne se rassemble qu’autour d’une poignée de personnes. Quand Denim a commencé par exemple, ils ont eu du temps pour se développer. Aujourd’hui tout est tout de suite pillé par l’industrie, et ce qui est cool peut devenir merdique hyper rapidement. Il y a presque plus d’industrie qu’il n’y a de groupes, si tu vois ce que je veux dire. Ça étouffe la musique, tu vois ? Ça l’empêche de se développer.
Mais là on parle de musique à guitares. Il n’y a pas vraiment, ou en tout cas on n’a pas l’impression, que la même chose se passe avec le grime, par exemple. Ou une certaine musique électronique.
Ben : Je crois que c’est parce que ce genre de musique, et je ne dis pas ça de manière péjorative, est intrinsèquement commerciale, dans le sens populaire plus que dans le sens mercantile. Je veux dire, c’est fait pour faire danser les gens, tu vois ? Alors que l’idée d’indie music, au fil des années, est devenue essentiellement un truc de classe moyenne.
Saul : Ces musiques dont tu parles sont le vrai son de la classe ouvrière, surtout.
Ben : Ouais. Il y a toujours cette prétention liée à la musique à guitares. Un truc assez suffisant, qui dit genre « on est meilleurs que vous », alors que pour le grime, ils n’ont pas peur d’être commerciaux. Ils ne s’excusent pas, ils n’ont pas de complexes. Il y a toujours une fausse vérité, ou une certaine hypocrisie de classe je pense, dans l’idée de musique indie.
Et qu’est-ce qui explique ce glissement, vous pensez ?
Ben : Parce que tout devient middle class en Angleterre, aujourd’hui. À Londres, en tout cas.
Saul : J’ai l’impression que c’est la direction que prend le monde, aujourd’hui. En Occident, en tout cas. Comme si absolument tout était en train de devenir la devanture d’une boutique de fringues merdique. Même chaque endroit de chaque ville est en train devenir un enfer de la classe moyenne. Du coup c’est pas surprenant que la musique le soit aussi. Franchement, tu le vois partout. Même à Sheffield. [Rires]
Et à Londres, ça devient comment ? À Paris, c’est de plus en plus difficile de se loger notamment à cause des plans Airbnb depuis des années. Enfin ici ça n’a pas l’air trop difficile, visiblement.
Ben : Je crois que je n’ai jamais été dans une pièce aussi grande à Paris. Mais être middle class n’est pas vraiment un problème en soi, tu vois ce que je veux dire ? C’est juste accepter sa réalité.
Saul : Londres, c’est la même chose que New York ou ailleurs, c’est la culture dans laquelle on baigne. C’est partout pareil, on vend des trucs aux gens qui n’en ont pas besoin, sauf que maintenant on le leur vend de manière un peu plus maline. Tout le monde veut de la bouffe distinguée, ou quelque chose qui n’existe qu’en un exemplaire, quoi que ce soit. C’est toujours la même chose, c’est juste du consumérisme, mais en un peu plus malin.
Ben : Je pense que le problème vient aussi du fait que les gens n’assument plus d’être de classe moyenne. Certains font semblant d’être de la classe ouvrière. C’est tellement de la connerie. Et on retrouve ça avec l’indie music, ce mirage où tu essaies de faire semblant que tu es plus pauvre que ce que tu ne l’es vraiment. Tout le monde est devenu un peu plus intelligent avec son petit business.
Mais vous, vous êtes une des exceptions à ce niveau.
Saul : Merci.
Ben : C’est certainement un compliment.
Et pourquoi n’y en a t-il pas d’autres ?
Saul : J’en sais rien. Je pense que les gens écoutent quand même de la merde, globalement.
Même les gens dans les groupes, ils n’en ont pas grand-chose à foutre, de la musique. Ils n’y connaissent pas grand-chose, pour la plupart, on ne va pas se mentir. Ils en font parce qu’ils pensent que c’est la chose cool à faire. Mais c’est dur de voir de quoi on parle, exactement. Il y a toujours eu de la musique mainstream de merde, en Angleterre.
Il y a une époque où la musique en haut des charts pouvait être géniale.
Saul : Ouais, mais c’était avant même qu’on soit nés, tout ça.
Vous êtes nés quand ?
Ben : En 1990.
Saul : Moi en 1988. On a pu expérimenter dès notre plus jeune âge toute la pente merdeuse des années 90. [Rires]
On a l’impression que c’est toi qui a tout composé sur le disque, Saul.
Saul : Ah non pas du tout, en réalité je n’ai rien fait tout seul. On a tous collaboré. J’ai surtout fait de la production, j’ai écrit des trucs. Lias [le chanteur de Fat White Family] a écrit pas mal de paroles aussi sur le disque.
Ah oui ? Je ne savais pas qu’il était impliqué.
Saul : Ouais, et Nathan aussi, son frère qui est aussi dans Fat White Family.
Ben : C’est sûr que c’est surtout la musique de Saul, mais la porte est ouverte.
Saul : Mais Lias a énormément aidé au niveau des paroles, oui. J’aime vraiment beaucoup la façon dont il écrit.
Tu as dit que l’album représentait « de la jolie musique en dessous sombres ».
Saul : Je pense que c’est la manière dont certaines choses peuvent sembler jolies ou agréables en surface, alors qu’elles sont en fait tragiques. Comme ces banlieues sans âme qu’on trouve en Angleterre, ou ces bords de mer, ou tous ces paysages-là. Mais c’est toujours à une petite échelle de tragédie, je n’arrive pas vraiment à l’articuler. C’est plus un sentiment qu’autre chose.
Ben : En tout cas c’est quelque chose de très anglais. C’est tous ces clichés d’ambition qu’on prend de notre culture, du genre de développement personnel aussi, et on se rend compte à quel point ils sont drôles en fait quand on les regarde. Drôles et déprimants à la fois, ouais. Notre album, c’est comme aller à Blackpool. Cette station balnéaire où tout est absolument déprimant, gris, laid. [Rires]
C’est peut-être pour ça aussi que la musique des groupes anglais actuels est chiante, parce qu’ils ne laissent pas rentrer ce genre de sentiments ?
Saul : Mec, franchement j’en sais rien. J’écoute aucun groupe actuel. Et je m’en branle, pour être tout à fait honnête.
Ben : C’est comme je te disais avant, il y en a qui forcent leur nature, et ça se voit tout de suite. Qui font semblant d’être dark, ou je ne sais pas quoi.
Saul : La plupart sont juste complètement cons, surtout. J’ai rencontré des tas de groupes, et ils étaient tous très gentils. Mais ils n’ont juste rien à dire. Le pire, c’est qu’ils n’essaient même pas, en plus. Ça ne les intéresse même pas d’essayer de faire quelque chose de vaguement original. Mais bon, qu’ils aillent se faire foutre, j’ai même pas envie de parler d’eux.
Je n’essaie pas de vous soutirer des noms, hein.
Saul : Non mais t’inquiète, pas de souci.
Ben : Mais les gens croient absolument qu’il faut être intéressant pour faire de la musique. Alors qu’en fait, tu peux très bien être chiant, c’est bon, quoi. [Rires]
Il y a beaucoup d’humour noir, dans votre musique, ce qui est plutôt rare aussi, aujourd’hui. Des morceaux comme « Mekong Glitter », sur Gary Glitter, « Whitney & I », sur Whitney Houston… Vous êtes un peu les seuls à blaguer sur ce genre de sujets, aujourd’hui, non ?
Saul : Ouais, mais bon, quand t’es un artiste, je pense que ton rôle est de regarder le monde et d’interpréter ce que tu vois. Et d’en parler. Ou juste de parler de n’importe quel sujet dont tu as envie de parler. Les gens ont tendance à penser que la musique est une forme d’art au rabais. Et que tu es juste censé chanter à propos du fait que tu aimes ta copine, ou je ne sais pas quoi. Alors que quand tu es peintre, personne ne va te faire chier. Tu peux très bien peindre un portrait de Gary Glitter à poil, et ce sera accepté en tant qu’art. Alors que quand tu es musicien, il y a quand même ce truc insidieux qui te dit de rester à ta place. C’est-à-dire au bas de l’échelle culturelle. Et c’est con, je trouve. Enfin c’est con que la plupart des groupes intègrent cet état d’esprit.
Il y a aussi cette idée que les gens se font de Fat White Family, comme si tout ce qu’on voulait c’était de choquer les gens. Alors que ça n’a rien à voir. On veut juste parler de choses qui nous intéressent. À l’opposé, de, je ne sais pas, le cul de nos copines.
Et puis c’est vraiment compliqué de choquer les gens, aujourd’hui.
Ben : Les gens s’indignent pour un rien, aujourd’hui quand même.
Saul : Ouais, mais il parle de vrai choc, pas de choc-Internet [Rires]. Harvey Weinstein a vraiment choqué des gens, récemment. Mais ne parlons pas de ça.
Il y a quand même un truc de sale gosse chez vous qui est assez jouissif. Tu me parles de Weinstein, et je me dis que si cette affaire était arrivée un peu plus tôt par exemple, on aurait eu droit à une chanson sur lui sur l’album de Insecure Men.
Saul : Oh t’inquiète, j’en ai une de prête pour le prochain album de Fat White Family ! [Rires] Une sorte d’âge d’or d’Hollywood des fils de pute. Le tout avec des chœurs d’enfants. Très franchement, j’en suis assez fier.
C’est marrant, je pensais que tu t’étais barré de Fat White Family.
Saul : Ouais, c’est vrai. Mais j’y suis retourné. Je me suis barré, et ensuite j’ai voulu recommencer.
Donc tu vas refaire des tournées ? Parce qu’il était surtout question que tu arrêtes les concerts, je crois.
Saul : Mouais… Je crois. Je vais sûrement participer à certains des concerts. J’essaie d’être le Brian Wilson du groupe, tu sais. Et ne pas avoir à faire trop de live. Faire des trucs dans le studio surtout, pour mon bien-être.
C’est pas très bon pour la santé quand même, d’être Brian Wilson, non ?
Saul : Certes. Mais c’est pas très bon pour la santé d’être moi, de toute manière. [Rires]
Ben : Je confirme !
Mais pourquoi tu t’es barré à la base ?
Saul : Bon, la vérité, c’est pas vraiment que je me suis barré. Je me suis plutôt fait virer, en fait.
Ah.
C’est confus. Je me suis fait virer, je suis revenu, je me suis fait virer, je suis revenu… J’imagine que mon style de vie était problématique, même pour The Fat White Family. Je ne me pointais pas aux concerts, ce genre de trucs. C’est pas très drôle de faire toutes ces tournées folles et interminables. Surtout que tout le monde dans le groupe est un junkie. Ça a changé récemment, donc ça devrait aller, mais quand même.
Vous jouez avec plein de monde sur scène avec Insecure Men. C’est pas compliqué de garder tout le monde concentré ?
Saul : Ouais, on doit être huit. Parfois on est même neuf.
Ben : Ouais, mais si tout le monde garde de l’intérêt pour le groupe dans le futur proche, je serai surpris de toute manière.
Pourquoi ?
Saul : Pfff… Tu dois investir de ton temps, en sachant que de toute façon tu ne gagneras pas d’argent. Mais ils sont géniaux, et je les aime, et j’espère qu’ils resteront dans les parages. For the record. [Rires]
La dernière fois que j’avais interviewé Lias, c’était il y a deux ans. C’était une période pré Brexit, pré Trump, pré Theresa May. Et même si le climat politique était en tous points inquiétant, il se disait tout de même que des gens comme Jeremy Corbyn ou Bernie Sanders pouvaient inverser la tendance.
Saul : Ça ne s’est pas vraiment passé comme ça au final, hein ? [Rire jaune]
Tu n’as pas l’air d’être aussi concerné que lui par ces choses-là.
Saul : C’est surtout que je ne me fais aucune illusion sur l’avenir.
Il y a bien quelque chose qui te fait garder une certaine espérance ?
Saul : Ouais. Essayer de passer du bon temps. Si possible.
L’album de Insecure Men sort aujourd’hui, 23 février, chez Fat Possum Records.