Connan Mockasin, indie rock, Nouvelle Zéalande
© Mexican Summer

FYI.

This story is over 5 years old.

Music

Connan Mockasin adore les erreurs

« La musique maintenant, c'est comme les portables. Les gens prennent plein de photos, et puis ils suppriment toutes les bonnes, celles qui seront bien dans 20 ans. Genre : 'Oh je suis trop moche sur celle-là.' C'est trop con. »

« Je ne suis pas vraiment pressé de sortir de la musique », s’empresse de préciser Connan Mockasin, s’installant pour notre rencontre - devançant une des immanquables questions à venir. Lors de la promo de son deuxième album déjà, la même phrase ressortait dans les interviews du Néo-Zélandais, ainsi qu'une intention manifeste d’échapper aux circuits de l’industrie musicale. « J’habitais dans ce quartier quand j’ai emménagé pour la première fois à Londres », glisse-t-il depuis son canapé du café de Soho où nous nous rencontrons. « Moi aussi ! » répond l’attachée de presse, « Moi aussi » répond tout le monde, nous ramenant à une époque où la classe créative fauchée avait domicile dans ce quartier. Manière de mesurer le temps qui passe, Connan Mockasin déroule la bobine.

Publicité

Cinq ans après son dernier album, Connan Mockasin revient sous le nom des Jassbusters ; groupe fictionnel d’un personnage des bandes dessinées qu’il faisait enfant avec ses frères et son voisin.

Connan Mockasin

Entre temps, il a vécu à Manchester, Los Angeles, vient juste de déménager à Tokyo. Il a pas mal traîné en France, qu’il reconnait volontiers comme le pays qui a lancé sa carrière. À l’écouter, il semble avoir vogué au gré des projets, et sauté sur n’importe quelle occasion qui le sorte de cette routine. Cette fois, son nouveau truc, son excuse pour ce disque, c’est le film qui va avec. Véritable bande-son et running gag de la série en cinq épisodes que le chanteur a tourné avec son ami d’enfance, vieille lubie à laquelle il voulait se consacrer depuis longtemps.

La vérité vraie, c’est qu’il semble n'en avoir rien à foutre. À la dichotomie studio ou live, il tente une troisième voie : « Je suis plutôt : traîner avec mes amis, rester chez moi ». Ici invité par Charlotte Gainsbourg à lui écrire une chanson, ils tournent ensemble puis s’enferment pendant six semaines pour écrire un album, qui ne sortira malheureusement jamais. Là, interpelé par une voyante qui l’alarme sur l’urgence de faire des choses avec son père qui vient d’avoir un arrêt cardiaque, il l’invite à sa résidence à Marfa, Texas, et enregistre un album improvisé en quelques jours. Entre les deux, lorsqu’il s’ennuie à Los Angeles, il convoque son vieil ami d’enfance, Jake Pryor, pour figurer avec lui dans son projet de série. Le sujet ? Les aventures de Bostyn et Dobsyn, des personnages qu’ils commencent à bien connaitre ; « On fait des BD avec lui et mes deux frères depuis plus de vingt ans… Plus de 200 BD de Bostyn and Dobsyn, et des vidéos ».

Publicité

Les deux s’improvisent réalisateurs avec une caméra, une histoire écrite sur le tas et un salon de coiffure loué pour une semaine. Quelques copains pour aider à peindre le décor ; trois panneaux participant de l’humour très premier degré de la série. Rien n’a changé depuis les vidéos qu’ils tournaient à la maison, en Nouvelle Zélande. Le canevas, les personnages et leurs interprètes sont toujours les mêmes : Bostyn, professeur de musique sur le retour joué par le chanteur, s’entiche de son élève Dobsyn, Jake Pryor qu’il prend pour une fille. Tout en malaise et en longueur, les cinq épisodes hilarants incluent les titres de l’album - ceux des Jassbussters, le groupe des années glorieuses de Bostyn.

Connan Mockasin aimerait continuer, faire d’autres films plus tard. Touche à tout, il voudrait surtout retourner à ce qu’il préfère : « Le dessin, et la peinture. La peinture a toujours été mon intérêt principal. Et la musique venait après. » Pour l’instant, la musique continue à l’exciter, projet après projet. Il cherche à rester en marge, mais reste néanmoins clairvoyant : « Je ne crois pas que j’aurais pu faire ça il y a dix ans… J’ai dû être patient avec ça.» Un plan de carrière au long cours ? Difficile d’aller jusque là ; « Je ne sais pas, c’est devenu un travail par erreur. »

Une bonne leçon d’honnêteté en bref, et un regard très direct sur son parcours – cristallin comme sa musique, spontané, comme sa manière d’enregistrer. « J’aime bien laisser des erreurs. Parce que ce ne sont plus des erreurs, quand tu les entends plus tard. C’est la même chose avec les portables… Maintenant quand les gens font des photos ils en prennent plein, et puis au final ils suppriment toutes les bonnes, enfin celles qui seront bien dans 20 ans. Tu vois, genre : 'Oh je suis trop moche sur celle là'. C’est trop con. »

Le soir, il monte sur scène grimé en Bostyn, le prof de musique, aux côtés de son comparse. Interviewé, il joue avec son interlocuteur, avec ses accessoires (un mulet peroxydé, une bouteille de cristalline contenant du rouge) devant le (bon) public hilare. À Los Angeles, il faisait du stand up. « Les gens détestaient ça… ça les mettait mal à l’aise. » Il est indéniablement doué pour incarner des personnages. C’est ce qu’il fait dans la musique qu’il enregistre, chaque album formant des univers à soi dans lesquels on voit un nouveau Connan, évoluer dans son nouveau film. Tantôt Pierrot la lune à la voix fluette, tantôt crooner moderne et séducteur, ici « zikos » qui « se fait plaisir » et jamme tranquille avec son groupe. En témoigne son nouvel album, un disque confortable, du dad rock qu’on aurait envie d’écouter pour une fois. « Je ne voulais pas non plus être trop près du concept où la musique… Je voulais quelque chose que je pourrais écouter aussi. Quelque chose de facile à écouter, et relaxant. Ouais… » Simple et relaxant. Difficile de ne pas reprendre les mots du personnage, tant celui-ci insuffle l’empathie, et « joue » tellement bien « à » qu’on s’y laisse prendre.

Le nouvel album de Connan Mockasin, Jassbusters, est sorti le 12 octobre sur Mexican Summer.

Benjamin Leclerc est sur Noisey.

Noisey est sur Facebook, Twitter et Flipboard.