J’ai relancé ma carrière de rugbyman au pays des All Blacks

Je l’ai repéré par hasard en lisant ses tweets alors qu’il se trouvait en Nouvelle-Zélande. Aucun mérite pour ma pomme : un jeune rugbyman de chez nous revendiquant à grands renforts de hashtag son statut de Jiff (Joueurs issus des filières de formation, ndlr) au pays des All Blacks, ça ne passe pas inaperçu ! Je lui ai écrit à la mi-mars. Il s’est fendu d’une longue réponse, en m’expliquant son incroyable parcours. J’ai accroché. On est resté en contact permanent jusqu’à sa signature à Auch, au début de l’été. Il effectue ses grands débuts avec le club gersois, ce vendredi soir, en match amical, à Colomiers. Gaëtan Chagnaud cultive sa liberté de parole, une qualité devenue trop rare dans le cénacle du rugby français, et cela le rend passionnant. Demi polyvalent formé à La Rochelle, il aurait pu, comme beaucoup d’autres espoirs des générations actuelles, manquer le train du professionnalisme et rester dans l’anonymat. Son témoignage empli de maturité et de lucidité fera réfléchir tout le monde à quelques heures du coup d’envoi du Top 14 2016-2017.

Gaëtan Chagnaud qui introduit la balle en mêlée lors d’un match entre son équipe de La Rochelle et le Racing 92 en Espoirs.

« Un système professionnel qui ne favorise pas les jeunes Français issus des centres de formation, des managers avec des lubies d’ailier fidjien, de pilier géorgien ou de troisième ligne sud-africain… Après six ans passés dans l’un des centres de formation les plus reconnus de France, j’ai été en difficulté pour trouver un club, même en Fédérale 1. En plus, au pire moment, je me suis blessé gravement. Bizarrement, c’est à partir de là que j’ai pris un nouveau virage. Un mal pour un bien ? Un pari fou ? De toute façon, le rugby, c’est mon plaisir et personne n’allait me l’enlever. Je me suis soigné et je suis parti jouer en Nouvelle-Zélande. Mes potes m’ont dit : “t’es fou !”, “c’est énorme !”, “c’est dingo !”… Beaucoup m’ont encouragé, d’autres se sont inquiétés… Je témoigne aujourd’hui surtout pour les jeunes joueurs des centres de formation qui se trouvent peut-être eux aussi à la croisée des chemins, entre espoir et inquiétude.

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Tout commence alors que j’ai 19 ans. Je suis pensionnaire du centre de formation du Stade rochelais, que j’ai rejoint trois ans plus tôt, venant de La Rochefoucauld, près d’Angoulême, où résident mes parents. A cette époque, je rêve secrètement de pouvoir jouer un jour au rugby en Nouvelle-Zélande. Toutefois, mes deux objectifs prioritaires restent de réussir sportivement avec le Stade rochelais et d’obtenir mon BTS NRC (négociation et relation client). Je prépare ce diplôme en trois ans, selon un régime spécial accordé aux sportifs de haut niveau qui permet de lisser la charge de travail des étudiants. Au centre de formation, le club nous oblige à suivre des études. Cela tombe bien : je n’imagine pas les choses autrement.

Cette saison-là, en 2013-2014, j’alterne les matches entre les juniors Reichel et les Espoirs. J’évolue de temps en temps à l’ouverture même si, avec les Espoirs, je joue le plus souvent au poste de demi de mêlée, celui auquel j’ai été formé. On dispute la finale de la poule 2 du championnat de France. On perd contre le Racing (5-34) qui a envoyé du lourd en faisant jouer Wisniewski, Desmaison ou encore Gérondeau, tous des joueurs professionnels habitués du Top 14.

C’est, selon moi, la dernière génération d’Espoirs “à la dure”. Je veux dire par là que, ici, on a moins d’argent que dans d’autres clubs professionnels. Mais on est logés, nourris, blanchis, et c’est déjà très bien ! Si on veut les choses, il faut aller se les chercher soi-même. Tous les trois mois, nos statuts sont remis en cause et on peut évoluer dans la pyramide que la direction du centre de formation a mise en place pour notre développement. Au mérite, chacun peut réussir.

Aujourd’hui, les jeunes des centres de formation sont trop payés, vivent le cul dans la graisse et ils sont hélas trop nombreux à se voir déjà en Top 14, confinés dans leur bulle, coupés de la réalité de la vie. Il faut bien se rendre compte que les clubs sont des entreprises et que la dimension humaine ne signifie plus grand-chose dans nombre d’entre eux depuis quelques années. A La Rochelle, on avait ça et je ne voudrais être en centre de formation nulle part ailleurs si c’était à refaire.

Il est né de cette période-là une amitié profonde entre les joueurs du groupe des Espoirs rochelais, une grande solidarité, qui perdure d’ailleurs toujours. Certains joueurs pros du club se joignaient parfois à nous pour faire la fête, tellement on s’éclatait ensemble. Je me revois encore trinquer avec des mecs extras comme Jean-Philippe Grandclaude ou Gonzalo Canale, des gars qui avaient dix ans de plus que nous, qu’on regardait jouer à la télé. Ils aimaient retrouver auprès de nous ces fameuses “valeurs” du rugby qui partent en fumée aujourd’hui.

La saison suivante, en 2014-2015, une réforme des compétitions est mise en place. Un Top 14 Espoirs est notamment créé, fort d’une saison longue de 26 matches. Je joue un peu à la mêlée, un peu à l’ouverture et je suis parfois remplaçant. A partir de février 2015, je subis une période de flottement. Des joueurs de l’équipe première, comme Fabien Fortassin et Jules Le Bail, “descendent” jouer avec nous. Conséquence : je joue moins, je ne suis pas serein. Je me trouve en fin de contrat avec le Stade rochelais et je sais que le club ne me gardera pas.

Je me mets donc à la recherche d’un club, au minimum de niveau Fédérale 1. Vannes et quelques autres se renseignent mais rien de sérieux n’aboutit. Je commence à m’inquiéter. Je me rends compte qu’on a beau passer six ans dans un centre de formation reconnu et évoluer plusieurs années en Espoirs, les clubs ne sont pas intéressés par les jeunes joueurs. Ou bien ces derniers doivent avoir figuré sur des feuilles de matches avec les pros, ce qui n’est pas mon cas.

J’en suis là quand, le 11 avril 2015, je joue à Agen avec les Espoirs rochelais. Je suis remplaçant. J’entre en jeu. Quelques instants plus tard, sur un appui, mon genou droit se dérobe. Je ne me suis jamais blessé auparavant et je sens que c’est grave. Diagnostic : rupture des ligaments croisés. J’ai 21 ans et tout s’effondre, si je puis dire…

Immédiatement, je stoppe ma recherche d’un club en France. Je décide de réaliser mon rêve d’aller jouer en Nouvelle-Zélande. J’en parle à ma petite amie, je lui dis que, si je veux avoir une chance de me relancer dans l’Hexagone, je dois accomplir quelque chose de différent. Jouer là-bas est non seulement une aspiration mais aussi presque une obligation pour espérer intégrer l’effectif professionnel d’un club en France. Coup de chance, le timing est idéal par rapport au calendrier des compétitions du rugby : si tout se passe bien, je dois en effet pouvoir postuler auprès d’un club français à la fin du printemps 2016.

Je précise que le fait de partir en Nouvelle-Zélande n’est pas un caprice soudain. Je m’explique : en novembre 2013, Régis Lespinas rentre en France. Il vient de disputer l’ITM Cup avec les Magpies, l’équipe de la province de Hawke’s Bay, après avoir commencé son aventure quelques mois plus tôt chez les Old Boys Marist, un club amateur de Napier. Régis est un rugbyman professionnel confirmé, passé par Brive, Montauban ou Lyon. A l’été 2013, il choisit de rallier la Nouvelle-Zélande à un moment délicat de sa carrière, en nourrissant l’ambition de rebondir en France par la suite. Il gagne son pari : dès son retour, il s’engage à Oyonnax. Je le contacte à l’époque, fin 2013, pour discuter de son expérience. Il me renseigne sur le système néo-zélandais, sur les opportunités offertes par le rugby ainsi que sur la vie là-bas.

C’est donc presque logiquement que je le rappelle juste après ma blessure au genou. Je lui explique mon problème et je lui dis que je veux partir. Grâce à la structure qu’il a montée entre-temps, Overseas Connect (overseas-connect.com) et à son réseau sur place, il va beaucoup m’aider.

Le moral regonflé par mon projet, je me concentre sur l’obtention de mon BTS et sur ma rééducation. On m’opère du genou le 4 mai 2015. Je passe les dernières épreuves du BTS sur des béquilles. Au regard de ma blessure et de l’incertitude sur la suite de mon parcours sportif qu’elle peut engendrer, la réussite à l’examen prend d’autant plus d’importance à mes yeux. Je tiens à souligner que, même si je m’apprête à le quitter, le club de La Rochelle ne me laisse pas tomber. Il m’aide jusqu’à la fin de mon contrat, au mois de juin 2015.

En Nouvelle-Zélande, Gaëtan, ici de dos, jouait demi d’ouverture.

En juillet 2015, je rentre chez mes parents. Six ans après être parti de la maison, cela n’est pas facile. Je ne peux pas me déplacer seul, je n’ai plus de voiture, je ne suis pas autonome. Je me rends chez le kiné trois fois par semaine. Je passe par des moments de doute, bien sûr. J’ai parfois envie de tout envoyer balader, de renoncer à la Nouvelle-Zélande. Je m’accroche tant bien que mal.

Et puis, en septembre 2015, je passe trois semaines au centre de rééducation de Capbreton. Ce séjour me fait beaucoup de bien sur le plan mental. Je côtoie des champions, comme le tennisman Julien Benneteau, et des sportifs amateurs venus d’horizons différents. Leur histoire me permet de relativiser mon cas. Je suis notamment marqué par ce quinquagénaire qui pratique le trail en compétition. Il a été fauché par une voiture, lourdement blessé à la nuque et à la cheville. Il ne sait pas s’il pourra courir à nouveau un jour.

Après Capbreton, je retourne chez mes parents. Tous les jours, j’enfourche ma bicyclette, je me rends au stade de foot du coin pour m’imposer une séance de physique. Début décembre 2015, je veux reprendre le jeu au pied. Après quelques frappes, et alors que je me trouve à un mois du départ pour Napier, je sens que mon genou n’est pas stable. Heureusement, ce n’est qu’une mauvaise impression. Le kiné qui me suit alors me rassure très vite. Après cette expérience, néanmoins, je ne touche plus le moindre ballon.

Je débarque en Nouvelle-Zélande le 14 janvier 2016 non sans une certaine appréhension. Mon genou va-t-il tenir ? De l’autre côté de la planète, c’est l’été, les terrains sont très durs et ce n’est pas forcément très rassurant. Dès les premiers jeux à toucher, je sens que tout va bien, j’ai l’impression de revivre. Je reprends le contact dès la deuxième semaine : je plaque normalement et c’est un vrai soulagement.

KJ Dooney, le directeur du développement du rugby des Napier Old Boys Marist, ancien joueur du club, désormais assureur et associé de Régis dans Overseas Connect, me loge chez lui. Je lui verserai un petit dédommagement dès que j’aurai trouvé un travail. Ici, je suis complètement amateur, je ne gagne pas un sou avec le rugby. De toute façon, en Nouvelle-Zélande, même en ITM Cup, le rugby ne paie pas : les contrats, d’une durée de quatre mois en général, restent faibles sur le plan financier. Je passe un entretien d’embauche dans un restaurant mais je suis recalé. Mon niveau d’anglais n’est pas jugé assez bon.

Je postule alors dans une agence d’intérim qui propose des missions longues. Je trouve un job à la chaîne : je deviens responsable d’une étape de production dans une usine de packaging de légumes surgelés. Problème : pour pouvoir m’y rendre, j’ai besoin d’une voiture. KJ m’emmène à une vente aux enchères. Je remporte un break blanc Hyundai pour la somme de 750 € environ. Une bonne bagnole, que je revendrai quasiment au même prix à un Français lors de mon départ !

A l’usine, je gagne un salaire de 350 € par semaine. Cela me permet de vivre sans avoir à trop compter. J’ai l’habitude de gérer mon argent, je suis indépendant financièrement depuis mes 18 ans. Et puis, je ressens ce job à l’étranger un peu comme un jeu, comme si je n’étais pas dans la vraie vie. Je sais que tout cela n’est que provisoire et c’est plus facile à vivre.

Je travaille à l’usine de 6 heures à 14 heures, du lundi au vendredi. C’est un grand changement car, depuis mon entrée au centre de formation de La Rochelle, je ne fais que jouer au rugby et étudier un peu en parallèle. Mais ce changement est épanouissant. Je me sens dans le monde réel. J’ai l’impression de mûrir plus vite et de devenir quelqu’un de “normal”. Les horaires de travail sont bien adaptés pour moi car, dès mon boulot fini à l’usine, je peux partir m’entraîner. Je me suis même bâti un planning pour coller au fonctionnement d’un club pro, avec des séances de gym, de jeu au pied, en plus du rugby avec l’équipe.

La présaison se passe bien. Nous jouons quatre matches de préparation. Un autre Français évolue dans l’équipe : Boris Bouhraoua, le frère aîné de Terry Bouhraoua, le capitaine de l’équipe de France à VII. Boris me prend sous son aile. Il doit rentrer en France dans un mois. Il aura passé deux ans ici. Je ne perds pas de vue mon ambition sportive : je vais tenter de jouer au maximum et, pourquoi pas, de décrocher un contrat en Heartland Championship, la deuxième division qui se dispute de la mi-août à fin octobre, voire en ITM Cup à la même période. Pour l’heure, je témoigne de mon aventure au quotidien sur Twitter où l’on me suit grâce au hashtag #JIFFoverseas.

Premier match de championnat le 25 mars 2016 contre une équipe dénommée MAC (Maori Agricultural College), première victoire, et premier essai ! J’aurais aimé buter mais le numéro 12, l’ancien de la ligne de trois-quarts, a voulu prendre la responsabilité. Avant ce match, je suis surexcité. Je me trouve en voiture avec Boris, en route vers le stade. Il me demande « Comment tu te sens ? » Je lui réponds : « Je conduis, j’ai pas le temps d’y penser ! » Pour ce “bizutage”, je suis vite mis au parfum sur la façon dont on joue ici : tout à fond ! Lorsque je quitte le terrain à la 65e minute, nous menons 26 à 5. Nous gagnons finalement de justesse 33 à 29 ! Un truc m’avait déjà étonné lors du week-end des 5 et 6 mars : en amical, nous avions joué 80 minutes le samedi, fait une petite fiesta le soir, puis disputé à nouveau 80 minutes le dimanche. Impensable chez nous !

A l’usine, les gars se demandent vraiment ce que je fais là. J’y côtoie de nombreux Maoris. Assez vite, je sympathise avec l’un d’entre eux, qui se prénomme Israel. Il a la trentaine. Dans la chaîne de production, il s’occupe de l’étape qui se trouve juste avant la mienne et il bosse bien. C’est ainsi qu’on en vient à se parler, notamment au moment des pauses. Il apprécie ma façon de travailler et m’appelle systématiquement « French number 1 » !

Comme prévu, Boris nous quitte et repart en France. Son absence ne me perturbe pas outre mesure lors des premiers jours. Je reste à fond dans mon truc.

C’est pourtant un deuxième voyage, une nouvelle histoire qui commence alors pour moi. Je me retrouve vraiment seul, très loin de tout, au bout du monde. J’ai consenti des sacrifices personnels importants pour venir en Nouvelle-Zélande, j’ai mangé mes économies, j’ai perdu ma petite amie (et je peine toujours à m’en remettre aujourd’hui). Au fil du temps, malgré tout, je baisse de pied. Je joue un peu moins avec l’équipe. La concurrence n’est pas en ma faveur. Il me sera impossible d’intégrer une équipe pour le Heartland et encore moins l’ITM Cup. La priorité est clairement accordée aux joueurs locaux. Régis, lui, y était parvenu mais il avait alors un tout autre pedigree que le mien, plus âgé, plus expérimenté, et ayant joué plusieurs saisons chez les pros en France.

Après ma journée de boulot à l’usine, je me retrouve seul à la salle de musculation. Je tiens encore le coup pendant quelques semaines mais c’est dur. L’éloignement familial, la vie sans les copains, tout cela pèse. Je me mets à me poser beaucoup de questions. Je sais aussi qu’à cette période de l’année, les clubs français commencent leur recrutement.

C’est d’ailleurs à ce moment-là, vers la mi-mai 2016, qu’arrive le coup de fil que j’attends tellement. Un matin, très tôt, alors que je me rends à l’usine, mon agent m’appelle. Le club d’Auch, qui évoluera en 2016-2017 dans la poule Elite de Fédérale 1, s’intéresse à moi. J’en arrive rapidement à cette conclusion : en signant un contrat professionnel à Auch, j’aurai atteint l’objectif que je m’étais fixé après ma blessure.

Sans tarder, j’annonce à KJ que je veux partir. Il tente d’abord de me retenir en me disant que je regretterai cette décision puis il finit par me féliciter quand il apprend que je vais signer un contrat pro dans le Gers.

Lors de mon dernier jour de travail, à la sortie de l’usine, Israel m’invite chez lui. Il vit très modestement à Flaxmere, une banlieue pauvre de Hawke’s Bay occupée essentiellement par des Maoris. Il me présente à sa famille. On boit un coup dans son garage. A chaud, je ne me rends pas compte du caractère exceptionnel de ce que je suis en train de vivre. En Nouvelle-Zélande, les gens s’invitent très rarement les uns chez les autres. Ce n’est pas dans leur culture. Et les Maoris ne laissent pas facilement entrer un inconnu dans l’intimité de leur communauté. Ce moment simple restera l’un des meilleurs souvenirs de mon aventure.

Le 24 mai 2016, je quitte la Nouvelle-Zélande. J’ai joué au total 14 matches au poste de demi d’ouverture des Napier Old Boys Marist. Un fort sentiment de culpabilité m’habite. J’ai l’impression de ne pas être allé au bout de l’aventure, d’avoir en quelque sorte abandonné les gens qui m’ont aidé, notamment Régis et KJ. Je pense quand même qu’ils comprennent ma décision. J’y retournerai un jour pour découvrir l’île parce que je perçois un manque, j’éprouve le sentiment de ne pas avoir pu suffisamment en profiter.

J’ai repris l’entraînement en juillet 2016 avec le club d’Auch. J’ai signé un contrat d’un an. Il règne une super ambiance dans l’équipe. Une vingtaine de joueurs bossent, ils sont pluriactifs. Je suis moi-même en train de chercher du boulot. Je ne joue pas au rugby pour l’argent même si, évidemment, je ne crache pas dessus. J’ai surtout conscience que tout peut s’arrêter du jour au lendemain.

J’aurai 23 ans en septembre 2016. J’observe le monde du rugby professionnel avec beaucoup de recul, de distance. Les jeunes de ma génération se taisent mais ils sont pourtant nombreux à se demander si leur avenir se trouve vraiment dans ce monde-là, tel qu’il est aujourd’hui.

Parmi les plus anciens, peu de voix s’élèvent, même si j’ai remarqué quelques pensées bien senties du Grenoblois Jonathan Best. Dans tous les clubs, pourtant, les comportements de certains joueurs interpellent : l’individualisme prime sur l’esprit d’équipe et l’argent fausse les rapports humains. J’en parle souvent avec des copains qui évoluent déjà chez les pros.

J’aimerais parvenir à jouer au moins en Pro D2, pour ma satisfaction personnelle d’avoir été capable d’atteindre un très bon niveau sportif, pour le plaisir du jeu, pour que mes parents et mes proches me voient parfois à la télé. Je vais tout donner pour y arriver.

Si ma carrière de rugbyman s’arrêtait avant cela, je gagnerais ma vie autrement et je n’en ferais pas un drame. Or, j’ai l’impression que la plupart des joueurs se mettent une pression dingue et, comme s’ils n’étaient pas capables de s’assumer d’une autre façon, ils jouent toute leur existence à travers leur carrière. Ce n’est ma conception ni du rugby, ni de la vie. »

Propos rapportés par Philippe Kallenbrunn.

D’ailleurs, Philippe se balade sur Twitter.