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J’ai tenté d’éliminer mes poignées d’amour au laser

Depuis un peu plus de dix ans, je suis à la lettre les recommandations de toutes les agences de santé. Je suis ce que l’on pourrait appeler un daron healthy : je vais à la salle, je mange plutôt sainement. Pire, deux à trois mois par an, je fais l’expérience d’une sorte d’angoisse existentielle qui me pousse à faire du crossfit et à manger des kilos d’épinards.

Mon corps apprécie cette hygiène de vie irrégulière mais globalement bonne, et c’est avec une grande satisfaction que j’observe un homme mince et ferme lorsque je me regarde dans le miroir. Hélas, quelques zones résistent encore et toujours à ce lifestyle admirable. Un petit dépôt de graisse en forme de bagel entoure mon nombril ; il est accompagné d’une paire de poignées d’amour rebondies, qui se sont installées à la puberté et ne m’ont jamais quitté depuis. Paradoxalement, plus je sue sur mon vélo elliptique, plus elles sont visibles. Je ressemble actuellement à un homme athlétique à qui on aurait glissé 3 kilos de saucisse de Morteau sous la ceinture. Avec le temps, cette silhouette bizarre m’a découragé de m’entrainer comme un beau diable puisque j’ai le sentiment désagréable d’être de plus en plus difforme.

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Il y a quelques années, sur les recommandations d’un ami, j’ai commencé à m’intéresser à la méthode Coolsculpting – une procédure non-invasive qui permet de détruire les cellules adipeuses par l’application de froid et a l’immense avantage de ne pas me priver de fromage. Poussé par la curiosité, j’ai fait un premier essai qui a eu des effets très encourageants. J’aurais volontiers souscrit à 3 ou 4 séances supplémentaires, si ce n’avait été le truc le plus douloureux que j’ai fait de ma vie. La procédure elle-même n’est pas atroce. L’horreur, c’est la manipulation de la technicienne qui pétrit votre graisse à pleines mains comme si elle préparait une énorme tarte tatin, afin de casser et résorber les cellules adipeuses après exposition au froid.

Deux ans plus tard, le souvenir du Coolsculpting est flou et lointain. Parce que je suis un être candide, j’ai oublié tout ce que je savais sur ma faible tolérance à la douleur. J’ai donc résolu, un matin où je me sentais un peu mou, de rappeler Rebecca Weston, la technicienne qui m’avait torturé, pour une seconde session. Rebecca travaille aujourd’hui dans une autre entreprise, Centre Aesthetic. Elle m’a proposé un nouveau traitement d’élimination des cellules adipeuses utilisant la chaleur plutôt que le froid. Rebecca explique que cette méthode, baptisée Sculpsure, a été conçue par la société Cynosure. Il s’agit de chauffer le tissu adipeux entre 42 et 47°C à l’aide d’un faisceau laser à haute intensité. Comme avec la méthode Coolsculpting, les cellules endommagées par le traitement ne disparaissent pas immédiatement, mais sont excrétées par le corps au cours des semaines suivant la séance. “Les gens commencent à voir des résultats après six semaines, mais les résultats optimaux peuvent prendre jusqu’à douze semaines“, m’explique-t-elle, ajoutant que deux traitements Sculpsure sont généralement nécessaires pour observer un vrai amincissement. Sur le papier, le chaud m’a paru beaucoup plus engageant que le froid. Alors, tel en crétin se sentant d’humeur pour l’aventure, je me suis lancé.

Plusieurs études ont tenté de quantifier la réduction de la masse graisseuse que pouvait induire 25 minutes de lipolyse au laser à 1060 nanomètres. L’une d’entre elle a montré que l’infiltration macrophagique du tissu adipeux commençait deux semaines après le traitement, et se terminait six mois plus tard. On parle d’infiltration macrophagique lorsque les globules blancs interviennent pour bouloter les détritus et les éliminer. Tels des petits Pac Man besogneux, ces macrophages ont la responsabilité d’absorber toutes les cellules mortes, corps étrangers, microbes et autres cellules cancéreuses qui encombrent le corps – dont les cellules adipeuses ayant été détruites par laser.

La même étude a comparé la masse graisseuse traitée deux mois, trois mois et six mois après la méthode Sculpsure, et observé une réduction de 14%, 18% et 18% (i.e., absence de réduction adipeuse après trois mois de traitement) respectivement. Lorsque les chercheurs ont examiné la réduction moyenne du volume de graisse à trois et six mois via IRM, ils ont constaté que celle-ci était de 24% et de 21%, respectivement. L’étude, ainsi que plusieurs autres, concluent que le traitement est sans danger, efficace et bien toléré. Cependant, comme je l’ai appris à mes dépens, la notion “de tolérance” est ici beaucoup plus relative qu’il n’y parait.

Quand j’ai demandé à Rebecca si chauffer mon gras au rayon laser serait moins douloureux que se faire malaxer après une séance de Coolsculpting, elle est restée très, très évasive.

Tout le monde est différent, vous savez“, m’a-t-elle répondu en regardant ailleurs. “Certaines personnes tolèrent le traitement sans problème, d’autres ne sont pas à l’aise.” Elle explique que la surface de l’applicateur refroidit la peau et que le chauffage cible uniquement la zone située en-dessous du derme, ce qui réduit fortement la réaction à l’agression thermique. Si les patients trouvent que la chaleur reste malgré tout intolérable, explique Rebecca, ils peuvent lui demander d’appuyer sur un bouton qui délivre une sorte de “rafale de frais” qui interrompt immédiatement l’inconfort. “Toute douleur causée par la chaleur sera stoppée au bout de 1 à 2 secondes après que vous m’ayez prévenue“, ajoute-t-elle, ajoutant que le fait d’appuyer sur le bouton d’urgence raccourcit la durée d’exposition des cellules adipeuses, et donc diminue l’efficacité du traitement.

Depuis que le traitement a été approuvé par la FDA en mai 2015, les effets secondaires officiels de Sculpsure sont l’inconfort, la douleur, les ecchymoses et le gonflement des zones traitées. Cela ne signifie pas pour autant que ce sont des effets observés de manière systématique chez tous les patients. Coolsculpting a été autorisé par la FDA en 2012, mais en 2014, une étude a inventé l’expression d’”hyperplasie adipeuse paradoxale” pour décrire un effet secondaire très rare où le sujet voit sa masse adipeuse gonfler au lieu de diminuer ; cela reste un phénomène exceptionnel.

Le dispositif Sculpsure de base se compose de quatre tentacules mécaniques attachés à une machine cuboïde qui arbore un écran tactile. À l’extrémité de chacun des tentacules se trouve un applicateur possédant une face plate et rectangulaire de la taille d’une carte à jouer. Ceux-ci sont enrobés de plastique de sorte qu’ils ne touchent pas directement la peau. Le cadre est lui-même fixé sur une sorte de ceinture que Rebecca fixe autour de ma taille tandis que je m’étends sur un lit dans l’une des salles de traitement du centre.

Le traitement se concentre sur les zones où les graisses résistantes au sport et aux régimes s’accumulent généralement chez les hommes. La première séance de 25 minutes s’attaque à mon ventre, la seconde à mon flanc droit, et la troisième à mon flanc gauche.

Bien que les têtes d’applicateur en métal soient très froides lorsque Rebecca les fixe autour de mon nombril, j’essaie de me rappeler que dans quelques minutes, je ressentirai une chaleur presque intolérable.

Les premières minutes, c’est juste du pré-chauffage“, m’explique t-elle, le doigt suspendu au-dessus du bouton de démarrage. “Après ça, l’intensité de la chaleur augmente par vagues. Si ça commence à devenir vraiment intolérable, on arrête tout. Prêt ?” En quelques secondes à peine, une chaleur agréable se diffuse tout autour de mon ventre. Brutalement, elle se transforme en brûlure atroce qui me fait suer instantanément.

Objectivement, 42-47°C n’est pourtant pas une température si élevée que cela ; n’importe quel coffee shop vous servira votre boisson préférée à 70-85°C, par exemple. Cela ne m’a pourtant pas empêché de hurler tout ce que je savais, réclamant ma “rafale de frais” avant même la fin de la phase de pré-chauffage. Le soulagement a été bref, et quelques secondes plus tard j’étais revenu en enfer.

À la fin de la première session de 25 minutes consacrée à mon ventre, qui a semblé duré une éternité, Rebecca a glissé au détour d’une phrase ces mots terribles : “ça fait généralement un peu plus mal au niveau des flancs“. Pâle comme un linge, j’ai arraché un Advil des mains de l’infirmière en attendant la suite. Mais curieusement, la carbonisation de ma poignée d’amour gauche au laser n’était pas si atroce que cela, et j’ai pu discuter avec Rebecca tout du long. Immédiatement après j’ai fait la poignée d’amour droite, et l’affaire était dans le sac. Je suis un surhomme.

Ma seconde session complète de Sculpsure a eu lieu quatre semaines plus tard, à l’issue du délai minimum recommandé. Rebecca m’a conseillé de ne pas être trop vorace durant les fêtes de fin d’année afin que les premiers résultats du traitement soient les plus visibles possibles. J’ai échoué misérablement à suivre ses conseils, tant à Noël qu’au Premier de l’an, puis j’ai mangé des crêpes à la Chandeleur. Malgré tout, à la fin février, c’est-à-dire 12 semaines après ma seconde session, les effets du traitement étaient bien là en dépit de ma gloutonnerie. La réduction du tissu adipeux était plus importante au niveau du ventre que sur les poignées d’amour, sans doute parce que c’était là ma zone la plus grasse. Sculpsure ne m’a pas offert des abdos de compétition comme par magie, mais personne ne m’avait promis un truc de la sorte.

Sculpsure est donc une méthode efficace, à réserver aux perfectionnistes qui n’ont pas de véritable problème de poids, dont l’hygiène de vie est bonne et le porte-monnaie solide. Ma petite couche de gras familière a en partie fondu, et je pense qu’il me sera désormais plus facile de rester athlétique en dépit de mes excès alimentaires réguliers.

En plus, j’ai à peine pleuré.