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Qui es-tu, Jean Nipon ?



Il est là, présent, réel, toujours dans un coin, prêt à pointer un doigt sur vous tel un chanoine dément : d’Institubes à Teamtendo, du Pulp à ClekClekBoom, Jean Nipon trace sa route depuis plus de deux décennies sans se soucier des normes et des conventions, balançant à la face du monde mixes ingérables et maxis excessifs avec tellement d’amour, de conviction et de spontanéité qu’il est, techniquement, impossible de le détester. À l’occasion de la sortie de son nouveau EP, Nice Seeing You, sur ClekClekBoom, j’ai donné rendez-vous à Jean pour lui poser la question que finalement, personne ne lui avait jamais vraiment posée : « qui es-tu, Jean Nipon ? »

Il est arrivé à l’heure et en vélo, me brandissant un catalogue Jouéclub sous les yeux en hurlant : « Regarde-moi ça ! Des mixeurs ! Des platines ! Des tours Eiffel en bois ! Le monde du jouet est en ébullition ! », après quoi on est entrés dans un bar, il a commandé une verveine et j’ai mis mon magnéto en route, sans me douter que les 75 minutes qui allaient suivre allaient m’embarquer dans un voyage 100 % motocross entre Paris et Bergerac, au long duquel Prince, les Boredoms et les Beastie Boys croisent Les VRP, Infectious Grooves et Jamal Moss.

Noisey : On connaît ton nom mais finalement assez peu ton parcours. Qui es-tu Jean Nipon ?

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Jean Nipon :
Purple Rain « » :
Tu écoutais déjà de la musique à l’époque ou pas du tout ?
Ton premier concert, c’est quoi ? Woodstock

Ah ouais ? Le film ?
Ouais, mais tu sais en province, beaucoup de fougères, de granges, de vieilles bâtisses et de « hey, y’a Karine qui passe nous chercher en bagnole pour aller à Agonac chez Elsa parce que grosse soirée tout le week-end » [Rires]

Ouais, je connais, je viens du fin fond de la Haute-Saône, je te le rappelle. Ok, Licensed To Ill des Beastie Boys, donc.
Licensed To Ill Rires
Là, tu étais déjà à Bordeaux ou encore en Dordogne ?
Rires
Lawnmower Deth ?? Putain mais on était 10 à écouter ce truc. Tu sais qu’ils viennent de se reformer et de rééditer leurs disques ? Ok, donc D.R.I., Agnostic Front, Lawnmower Deth.
Rires
Du coup, l’électronique, le DJing, ça part de là ? Avec Homework ou avec le maxi Da Funk / Rollin & Scratchin ?
On oublie souvent à quel point ce disque a traumatisé tout le monde à l’époque, tous cercles confondus. Comment tu te retrouves à Paris, du coup ? C’était l’époque où tu t’appelais DJ Aï ?
Rires

Comment tu connectes avec Institubes ?
Via un autre projet, Teamtendo, un duo de musique sur Gameboy. On jouait avec des costumes qu’on avait importé des Etats-Unis.

Ah oui, je me souviens très bien !
C’était un enfer, on suffoquait à moitié sous les costumes, on ne voyait rien sur les écrans de Gameboy, on était obligé de jouer avec des loupes. [Rires]. On s’est rencontrés avec TTC pendant une date au Batofar, vers 2000. Eux, ils venaient de faire le maxi Game Over avec des sons assez similaires, donc ça a cliqué.

Tu étais aussi en cheville avec toute la clique Sister Iodine.
Oui, en parallèle de tout ça, je faisais des sets plus expérimentaux / radicaux avec un collectif qui s’appelait BÜRO, dans lequel gravitaient tous ces gens-là. On jouait une fois par mois le mercredi au Pulp, c’était génial. On mixait DJ Assault avec Grauzone.

Je sais, j’étais venu plusieurs fois à ces soirées. Il y avait tout le temps plein de trucs cools, dans tous les styles. On avait l’impression d’écouter une bonne radio [Rires]
C’était l’idée. On pouvait balancer des morceaux des Boredoms ! En club ! T’imagines ça aujourd’hui ?

Ce que je trouve cool c’est que, malgré les époques, tu n’es jamais resté bloqué sur un truc et tu as toujours su évoluer. Au point de te retrouver aujourd’hui chez ClekClekBoom, au milieu de producteurs hyper doués mais nettement plus jeunes que toi, comme Manaré, Bambounou…
les deux labels qui ont découlé d’Institubes Rires
C’est un échange. Eux t’apportent une énergie, une motivation. Toi, tu leur apportes l’expérience.
tape hiss
Cela dit, ton dernier maxi est assez différent. Plus personnel, plus intime, limite. Akira
Et puis ça revient en force là le funk, le boogie-funk, ça va être la grosse pignolade l’an prochain. Au lycée, j’avais appris le slap, uniquement pour jouer les morceaux de Faith No More et la reprise d’ « Immigrant Song » de Led Zeppelin par Infectious Grooves. [Rires]

Ouais, c’était pas si dur en fait.
Est-ce que tu savais jouer « Violent & Funky » ?

Ah non, mec, ça c’était beaucoup trop balèze.
Putain, Robert Trujillo. C’était une de mes idoles ce mec. Déjà, rien que le nom. TRUJILLO. Merde. Par contre Faith No More, je déteste. J’ai envie de mettre des pains à Mike Patton. Putain, mais Angel Dust, c’était de la merde ! [Rires] Quitte à écouter un truc un peu ridicule, autant écouter Tool ! Avec machin, là, Maynard ! Je les avais vus en concert en 92.

La tournée avec Fishbone ? Rires
Il y a des gens dont tu voudrais parler qu’on aurait mis de côté ?
C’est un peu ton rêve initial ça, de décloisonner, de tout mélanger. Rires
C’est quoi la suite du coup ?

Nice Seeing You est disponible sur ClekClekBoom. Vous pouvez le commander ici.


Lelo Jimmy Batista est le rédacteur en chef de Noisey France. Il aurait également aimé savoir jouer le générique de Seinfeld, mais il n’a pas eu le temps. Il est sur Twitter – @lelojbatista