Food

La France, pays de la gastronomie qui aime arnaquer ses touristes

Prix différents selon la nationalité du touriste, menu à la tête du client et escargots à 50 euros le kilos, tout est bon pour accueillir dignement les visiteurs de la capitale française.
Justine  Reix
Paris, FR
La France, pays de la gastronomie qui aime arnaquer ses touristes
Crédits : Pawel Libera. Paris, 2021.

Casquette vissée sur la tête, sac à dos sur les épaules et surtout regard hagard sont mes armes alors que je m’apprête à me promener dans les hauts lieux touristiques parisiens. Entre une fausse signature de pétition et un bracelet qu’on tente de m’attacher pour m’extorquer quelques euros, je parviens enfin à apercevoir les vitrines des restaurants appelés “attrapes pigeons”. 

Publicité

Cordon bleu probablement surgelé à 25 euros, fondue à 40 balles ou encore boeuf bourguignon à 33 euros… Pour des prix prohibitifs, les touristes attablés dégustent un petit goût de la France (seulement un petit). Avec vue sur la Tour Eiffel ou encore directement place du Tertre à Montmartre, lorsque vient le moment de l’addition, trop salée, le seul réconfort reste le lieu magique devant lequel ils ont choisi de déjeuner – malgré la horde de touristes.

À Saint-Michel, trois ruelles concentrent une centaine de bistros, crêperies et autres kebabs. Devant l’entrée, des serveurs attendent patiemment pour attirer le chaland et tendre une carte trilingue à quiconque s'approcherait un peu trop d’eux. La plupart semble respecter les règles, à savoir présenter des prix fixes, que le client soit touriste ou non. « La police passe souvent dans le coin, on doit toujours être réglo », me raconte un restaurateur du quartier, spécialisé dans la cuisine française.

Les restaurants qui dépouillent le plus les touristes se trouvent aux alentours du Champ-de-Mars avec des imitations du café de Flore à tous les coins de rue

Pourtant, en face de son échoppe, une brasserie n’hésite pas à gonfler les prix selon la nationalité de ceux qui passent leur porte. Une carte à l’extérieur affiche la carte et les prix comme il se doit. Jusqu’ici tout va bien. Mais sur la vitrine, quelques produits, absents de la carte, sont inscrits au feutre gras. Vin rouge, escargots et menu végétarien font de l’oeil aux touristes. Aucune précision sur le contenu ou le prix du menu n’est indiqué. J’entre dans le restaurant, la gérante m’indique tout de suite une chaise pour m’installer. J’explique en anglais vouloir seulement le prix du menu végétarien. « Sit, sit » insiste-t-elle, avec un fort accent français. De dépit, je décide de m’installer. Elle me tend la carte, toujours dénuée des produits indiqués en vitrine. Je réclame une nouvelle fois le prix du menu végétarien. 19 euros me répond-elle. Je fais mine de réfléchir pour m’échapper.

Publicité

Une semaine plus tard, je reviens à la charge. Cette fois, perchée sur des bottines à talons, les cheveux ébouriffés et la mine maussade en bonne parisienne. Le menu passe à 15 euros. Le prix est bien à la tête du client. Mais les restaurants qui dépouillent le plus les touristes se trouvent aux alentours du Champ-de-Mars avec des imitations du café de Flore à tous les coins de rue, les restaurants se veulent plus classieux qu’à Saint-Michel. Pourtant, rares sont ceux qui indiquent des prix ou une carte en extérieur. La loi française étant étant que la liste des menus ou la carte du jour doivent être affichées, pendant toute la durée du service, et au moins à partir de 11h30 pour le déjeuner et 18h00 pour le dîner. Les plats sont directement indiqués, sans leur prix, sur les vitrines ou des ardoises disposées devant les clients.

Attablée à une table avec vue sur la Tour Eiffel, un couple de touristes américains déguste du vin rouge et une douzaine d’escargots. « Nous n’avons pas acheté de guide pour se laisser porter par nos envies. On est content de notre trouvaille », raconte Tom, en riant. Lorsque je les interroge sur les prix, les deux affirment avoir choisi leurs plats directement sur la vitrine sans faire attention aux prix. « J’imagine que ce ne doit pas être trop cher dans tous les cas, ça doit être aux alentours de 20 euros ». Après vérification sur la carte "disponible à la demande”, l’assiette à 22 euros les 12 escargots sur la carte, le couple a visé juste. Et c’est aussi le problème, en vacances beaucoup ont cette tendance à se relâcher et dépenser sans compter, au risque de s’étonner d’une facture salée à la fin du voyage. 

Publicité

Il arrive parfois que certains osent quelques différences de prix entre la carte française et celle à destination des touristes.

Seule une poignée de restaurants du quartier ose afficher une carte. Le reste se contente de serveurs tirés à quatre épingles à l’entrée. S’ils sont moins insistants qu’à Saint Michel - ils savent qu’ils auront dans tous les cas du passage - les prix sont encore plus démesurés. Il arrive parfois que certains osent quelques différences de prix entre la carte française et celle à destination des touristes.

C’est le cas d’un restaurant italien à la terrasse bondée. Ici, quelques euros de différence pour les mêmes plats selon la carte. Une variante presque insoupçonnable pour qui n’aura pas les yeux rivés sur les deux cartes en même temps. J’interroge le serveur en anglais sur les prix. “No, no, the new menu is here“, me dit-il en pointant du doigt la carte franco-anglaise. À mon retour une semaine plus tard, j’interroge un autre serveur de ce même restaurant, cette fois en français. Il semble mal à l’aise face à mes questions et m’indique la carte française. Je peux donc cette fois payer un peu moins cher ma pizza margherita.

La carte à destination des touristes
La carte à destination des Français

Aveline affirme avoir été victime de cette pratique en France, il y a quelques années, qu’elle a dénoncé sur ses réseaux sociaux et qu’elle considère pires pour les communautés asiatiques. « J’étais avec ma famille au restaurant. On nous a donné des cartes plastifiées avec peu de choix. On remarque qu’il n’y a que des plats types fast-food sur la carte alors qu’autour de nous certains mangent des plats que nous n’avons pas du tout sur notre carte », affirme-t-elle. Sa famille demande alors s‘il manque un menu ou une carte car il souhaiterait le même plat que la table d’à côté : « il nous a dit super surpris : “ah mais vous êtes Français” et il nous a ramené une carte en cuir. J’étais indignée ».

Durant notre enquête, nous n’avons pas été témoins d’un phénomène similaire à cette utilisation de faux menus. Aveline raconte être régulièrement la cible de tentatives d’arnaques au restaurant, les serveurs pensant qu’elle est une touriste : « Certains jouent sur les différentes cartes entre celui “bistro” et celui “resto” ». Une règle à retenir : toujours demander la carte avec les prix avant de s’installer où que ce soit pour vous éviter une mauvaise aventure. La Direction générale de la concurrence de la consommation et de la répression des fraudes, chargée de ce genre de tromperie, n’a pas souhaité s’exprimer sur le sujet.

VICE France est aussi sur Twitter, Instagram, Facebook et sur Flipboard.
VICE Belgique est sur Instagram et Facebook