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Culture

Interstellar est le seul DVD que vous devriez éviter à tout prix ce mois-ci

En revanche pour ceux qui veulent voir des trucs bien, il y a Le Prestige, Howard the Duck et Fargo.

Antonin et Étienne sont les fondateurs et présentateurs du Cinéma est mort, la meilleure émission de cinéma sur les radios françaises, diffusée sur Canal B. Ils parleront chaque mois sur VICE.com des sorties DVD et Blu-Ray qu'ils adorent et des sorties DVD et Blu-Ray qu'c'est pas la peine.

INTERSTELLAR
Réalisateur : Christopher Nolan
Éditeur : Warner, sortie le 1er avril 2015

Comme la plupart des films de Christopher Nolan, Interstellar est une gentille fumisterie dont on n'aurait que faire si son auteur n'était pas devenu le seul réalisateur de ce drôle de truc, le « blockbuster adulte ». À savoir, des thématiques ambitieuses servies par une mise en scène et un scénario qui viennent sans arrêt souligner avec une subtilité pachydermique que tout ce qui se déroule sous nos yeux est d'une importance primordiale, et qu'on n'est pas là pour rigoler.

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Je suis le premier à penser que Hollywood vit un véritable âge de plomb en terme artistique, mais voir que certains considèrent le Cinéma de Nolan comme le dernier bastion où s'opère encore cette fusion entre intelligence et spectacle me désespère un petit peu. Car en définitive, les concepts (l'écologie, l'avenir de l'Humanité, le continuum espace-temps, la vie, la mort, tout ça) sont chez Nolan ce que sont les explosions au cinéma de Michael Bay, un gimmick. Interstellar a autant de conscience politique et écologique que 2012 de Roland Emmerich (« seule une poignée sera sauvée, mais c'est cool »), le continuum espace-temps et les trous noirs ça permet juste de faire des twists inédits, et puis la vie, la mort, tout ça, c'est quand même chouette pour se donner un petit air métaphysique.

On ne reviendra pas sur les invraisemblances du film, le blog « Un odieux connard » s'en est admirablement chargé (et mon collègue aussi d'ailleurs). Le tout pour aboutir à une conclusion philosophico-scientifique du film, qui substitut au monolithe noir de 2001 un gros rubik's cube, où l'on apprend qu'en plus d'être le cinquième élément, l'Amour est également la quatrième dimension, ce qui fait tout de même un paquet de responsabilités. Et, le tout dure trois heures. Les films de Nolan sont comme des limousines avec des moteurs de 2 chevaux, imposant en apparence, mais avec rien sous le capot.

LE PRESTIGE
Réalisateur : Christopher Nolan
Éditeur : Warner, sortie le 1er avril 2015

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À la fin des années 1990, on a vu débouler sur les écrans une flopée de films à twist dont les réalisateurs sont tous devenus des grands noms à Hollywood. Usual Suspects de Bryan Singer, Le Sixième sens de M. Night Shyamalan, Seven de David Fincher, et cette purge de Memento de Christopher Nolan. Le twist final est d'ailleurs devenu chez ces trois derniers une véritable marque de fabrique. Chez Nolan, c'est même devenu de l'auto-caricature (Inception et Interstellar). Pourtant c'est lui qui a fourni le film définitif sur le sujet avec son film le moins réputé, Le Prestige, réalisé entre deux Batman en 2006, grand film réflexif sur l'esbroufe cinématographique. Ce récit de la rivalité entre deux magiciens est centré sur l'obsession par chacun d'entre eux de découvrir le mécanisme derrière leurs tours de passe-passe respectifs. Ce qui leur permet d'atteindre le fameux « prestige » du titre, ce troisième acte d'un tour de magie, qui permet à un magicien d'asseoir sa gloire en épatant la galerie. Précisément, les twists scénaristiques de la plupart des films de Nolan.

Ce qu'il y a d'assez génial dans le film, c'est que Nolan ne fait pas l'impasse sur le côté très terre à terre des fameux « trucs » des magiciens (belle scène de canaris crevés), et va à l'encontre des propos inauguraux du narrateur du film statuant avec une solennité toute nolanienne que « la seule chose que le public désire, c'est d'être mystifié » (un peu la base du succès de Nolan). Or il n'y a rien de plus décevant que de découvrir le mécanisme d'un tour de passe-passe. Essayez d'ailleurs de regarder Memento chronologiquement (version dispo sur son édition vidéo), ça a encore moins d'intérêt que de le regarder à l'envers comme il est monté initialement – ça prouve juste que le film est une vaste arnaque. Un tour de passe-passe.

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Toute la dramaturgie du Prestige est d'ailleurs tendue vers l'annihilation du caractère spectaculaire du tour de magie, chacun des magiciens voulant à tout prix découvrir les mécanismes du spectacle de son rival. Le film carbure au retardement du dévoilement de ceux-ci, et quand ça arrive enfin, c'est immanquablement plus proche de l'usine à gaz que d'un climax spectaculaire. Le Prestige est un très beau film déceptif, une sorte de crypto mea-culpa de la part d'un cinéaste spécialisé dans les effets de manche.

FARGO
Showrunner : Noah Hawley
Éditeur : Fox, sortie le 10 avril 2015

En matière de ce nouveau mode de série « anthologique » on a beaucoup causé de True Detective l'année passée. J'ai moi-même plutôt apprécié la chose, mais on ne m'ôtera pas de l'idée que la série de Nic Pizzolatto sent tout de même l'arnaque à plein nez. En revanche j'ai été complètement ébloui par Fargo, un projet dont l'annonce m'avait pourtant bien fait rire. Adapter en série Hannibal Lecter ou L'armée des 12 singes, pourquoi pas. Il y a suffisamment de matière narrative inexploitée au sein des films et romans pour justifier les interminables circonvolutions fictionnelles propres aux séries contemporaines – mais étirer sur une dizaine d'épisodes ce chef-d'œuvre des Frères Coen, c'était selon moi une idée délirante. Tellement délirante d'ailleurs, que ça aurait dû me mettre la puce à l'oreille quant à l'ambition de son auteur, le showrunner Noah Hawley.

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Du Fargo des Coen, la série ne reprend principalement que le personnage d'un homme rabroué et lâche qui va s'enfoncer inextricablement dans le crime, le personnage de flic honnête, simple et droite à ses trousses, le décorum frigorifié du Minnesota, et surtout le thème fondamental du surgissement du Mal dans une communauté de gens simples et pathologiquement cordiaux. Ce Mal est incarné par LA grande création du film, le personnage de bad guy le plus impressionnant que j'ai pu voir depuis longtemps, Lorne Malvo, interprété avec génie par Billy Bob Thornton. Personnage machiavélique qui entraîne ceux qu'il croise sur la voie de la perdition morale, tout en les invitant vivement à reprendre leur digne place sur la chaîne alimentaire.

En inventant cette figure maléfique omnipotente, et en la mettant au centre de situations empruntées aux Frères Coen (Fargo la série ne travaille pas seulement Fargo le film, mais la quasi-totalité de la géniale filmographie des Coen), Noah Hawley créé une relecture passionnante du cinéma subtilement existentialiste des Coen. Les frangins, empreints de judaïsme dans leur façon de mettre en scène des personnages tentant (et échouant) à rester debout dans un monde qu'ils ne parviennent jamais à décrypter, restent profondément athées par leur pratique de l'absurde et de l'ironie. Noah Hawley accentue pour sa part la dimension morale de leurs films (la question d'être un mensch devient centrale, la question du Bien et du Mal y est tranchée, le combat de l'un contre l'autre primordial), avec autant de plaisir ludique que de frontalité. Fargo est une série morale au sens noble du terme, et tout comme True Detective, elle est six coudées au-dessus de toutes les autres en termes de mise en scène.

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THE BIG EASY
Réalisateur : Jim McBride
Éditeur : Sidonis Calysta, sortie le 7 avril 2015

Après avoir ré-édité le mois dernier l'excellent Cutter's Way d'Ivan Passer, Sidonis Calysta poursuit son exploration du polar des années 1980 en exhumant The Big Easy, honnête polar signé Jim McBride, cinéaste un peu tombé dans l'oubli qui connut des débuts fracassants sur la scène underground new yorkaise (c'est-à-dire : fracassants pour une centaine de personnes) et qui osa s'atteler à un remake d'À bout de souffle de Godard avec Richard Gere (une curiosité pas si déshonorante que ça).

Sidonis sort le film sous son titre original (« Big Easy », soit le petit nom de New Orleans) et on comprend pourquoi, le film ayant été exploité en France sous le titre Le Flic de mon cœur, ce qui ne donne pas super envie. Pourtant c'est vrai, la romance macho est clairement ce qui est le plus réussi dans le film. Le couple Dennis Quaid – persuadé d'être le type le plus sexy de la planète – et Ellen Barkin, qui se transforme peu à peu en véritable chatte en chaleur à son contact, est délicieux. On y retrouve aussi le fumet inimitable propre aux scènes de cul des années 1980. Concernant l'ancrage documentaire à La Nouvelle-Orléans, là on reste un peu sur sa faim. La série Treme est passée par là, tout comme le Bad Lieutenant d'Herzog. Reste de ce côté une chouette BO de musique cajun qui se dispute avec un score original lamentable de Brad Fiedel, qui, à part avoir créé un des meilleurs thèmes du monde, n'a vraiment fait que de la soupe.

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À part ça, The Big Easy a de sérieux problèmes d'écriture, mais c'est sûrement ce qui le rend si attachant et bizarre.

HOWARD THE DUCK
Réalisateur : Willard Huyck
Éditeur : Elephant, sortie le 29 avril 2015

Il y a encore une poignée de meilleurs films du monde n'ayant jamais connu de sortie DVD. Par exemple, La Maman et la putain ne peut se voir que dans un rip tout pourri, tandis qu'Howard the Duck a le droit à son combo Blu-Ray-DVD plein de bonus. Cherchez pas, tout est normal.

On a longtemps raconté que George Lucas, producteur du film, avait tout fait pour que ce gros bide soit le moins disponible possible, un peu à la manière de l'inénarrable Star Wars Holiday Special. Pure légende, même avant les internets, des VHS circulaient offrant à des vidéophages médusés le spectacle de la perdition d'un homme qui tenta un temps de se poser comme concurrent de Disney en matière de production de grand spectacle populaire. Le pauvre Georges connut un paquet d'échecs en la matière (ceci dit, je n'arrive toujours pas à ne pas aimer Willow). Lui et ses protégés allèrent à cette époque chercher du côté de Marvel pour adapter au Cinéma (pour la première fois !) un de leurs personnages, et son choix se porta sur Howard, un canard anthropomorphé un peu canaille catapulté sur Terre où il séduit une jeune fille et combat une sorte de créature lovecraftienne. Double échec pour Lucasfilm et Marvel qui, pour l'anecdote, finiront plus tard par être rachetés par Disney.

Évidemment, le film échouait sur tous les tableaux. Il est trop de mauvais goût pour être un grand divertissement familial, et trop sage pour être une sorte de Ted avant l'heure. Sa bizarrerie a longtemps fait son culte, mais malheureusement, l'humour trash-ey s'étant généralisé (et embourgeoisé), les scènes les plus invraisemblables du film ont perdu pas mal de leur attrait. Ça étonne quand même beaucoup moins aujourd'hui de voir une fille succomber aux charmes d'un canard et s'offrir à lui. L'actrice Lea Thompson ne s'en est d'ailleurs pas tout à fait remise, elle qui tentait déjà, trois ans auparavant, de mettre la langue dans la bouche de son propre fils dans Retour vers le futur.

Le film s'est donc étrangement assez banalisé avec le temps, mais il reste sympathique. C'était pas si mal cette époque pré-CGI et MoCap où l'on mettait des nains dans des costumes de 40 kilos pour assurer le spectacle.

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