Life

J’ai vaincu l'ennui du confinement : un date Tinder à la fois

Ma semaine sur l'application de rencontres la plus superficielle du monde à l'ère de la distanciation sociale.
corona tinder
Photo : Anna-Sophie Dreussi. Collage : Sabrina Schrödl.

« Restez chez vous » est le mantra de la génération corona. Mais qu'est-ce que cela signifie pour nos cœurs solitaires ? Je vis avec deux colocataires à Berlin, donc je ne suis pas complètement seule pendant ce confinement aussi horrible que nécessaire. Mais en ce moment, nous avons du mal à parler d'autre chose que de la crise, et la vie est tout simplement devenue très monotone. J'ai donc décidé d'aller sur Tinder, en espérant simuler le frisson sans quitter mon appartement.

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Selon un récent conseil de la police berlinoise sur Twitter, Tinder est de toute façon une question de conversation, il n'est donc pas nécessaire de se rencontrer en personne. Une affirmation audacieuse, mais peut-être vraie. Après tout, nouer des liens significatifs en discutant avec quelqu'un sur Internet est quelque chose que nous faisons depuis un certain temps déjà, et si Meg Ryan et Tom Hanks ont réussi à le faire en 1998 dans le classique Vous avez un message , je dois pouvoir le faire en 2020 sur Tinder.

Je crée donc mon profil Tinder avec un lien vers la chanson « Let's Get Back To Bed - Boy ! » de Sarah Connor dans la bio – une ode à mon mood de quarantaine. Un mec a écrit dans sa bio :
« Gardez vos mains propres et votre esprit sale. » C'est simple et efficace. Après avoir passé en revue les concurrents, je commence à parler à quelques mecs et je rencontre mon premier dilemme. Est-ce qu’un « Hey, comment était ta journée ? » fonctionne maintenant que les journées sont les mêmes pour tout le monde ?

Je raconte à mon premier match – appelons-le L. – ma vie de confinée. Non seulement j’ai télétravaillé, mais j'ai aussi nettoyé mes vitres. Il ne prend pas vraiment la situation pandémique très au sérieux, mais il me dit que je suis la bienvenue pour nettoyer ses vitres à tout moment. Mon prochain match, J., n'a pas eu à changer grand-chose dans sa vie. « C'est bien que les gens s'adaptent enfin à mon mode de vie », dit-il. Ensuite, je match avec S. Il a une multitude d’activités sociales en prévision, notamment une fête avec ses colocataires et des cours d'aérobic dans son salon. Même ses recommandations de podcasts sont cool.

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Le mec suivant, A., a une formidable collection de photos de profil : il y en a une avec un chien, une autre avec ses amis au lac, et une autre avec un bébé (« Pas mon gosse ! »). Je lui demande s'il veut jouer à des jeux en visio. Avant le grand rendez-vous, je déplace ma chaise à sept endroits différents de mon appartement pour trouver la meilleure lumière naturelle, je fais un peu de rangement et je remets même du gloss. Je tire un trait sur le pantalon.

Le Chat démarre. On se salue, pixélisés et incertains, et je remarque qu’il est différent de son profil – un peu moins modèle Tinder, un peu plus dandy chic. Il est assis à sa table de cuisine, des louches et des casseroles sont suspendues au mur derrière lui. Il me dit qu’il est prêt à jouer.

On opte pour un petit bac sur le thème de l'apocalypse. Nos catégories sont les suivantes : ville, pays, produit à stocker, armes de défense, moyen de transport adapté à un cataclysme. On tombe sur la lettre U : « Utrecht, Uruguay, ukulélé, Uber. » Puis sur la lettre R : « Rome, Russie, rasoir. »

Le lendemain, un certain M. apparaît dans mes nouveaux matchs. On se donne rendez-vous en visio pour le goûter – c'est-à-dire que je prépare un gâteau pendant qu'il boit un café.

– « C'est ton premier date par chat vidéo ? » je lui demande.

– « Non, j'en ai déjà eu un. C'était gênant. »

– « Oui, je peux imaginer. J’avais peur que ça ressemble à un entretien d'embauche. »

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– « C'était exactement ça », dit-il.

Le courant passe.

La conversation bifurque sur le coronavirus. Pendant que je mélange trois œufs avec 150 grammes de beurre et 125 grammes de sucre, il m’explique qu'il a commencé à apprendre l'espagnol sur Duolingo, avant de changer d'avis et de passer au français. Je lui dis que je m'ennuie tout le temps, mais que je suis plutôt douée pour ça. Ma grand-mère, un peu moins. Elle a passé son premier jour de confinement à ramasser des brindilles dans son jardin. Puis elle a essayé de mettre le feu à son tas de brindilles et a failli brûler un arbre. Malgré le fait que je suis en train de cuisiner devant un parfait inconnu, la situation n’est pas si étrange. On se dit au revoir et il me demande de lui envoyer une photo du gâteau une fois qu'il sera prêt.

S. me demande ce qui me manque le plus. Je pourrais dire la vérité : ne pas m'inquiéter de savoir si mes mains sont propres et brosser mes cheveux tous les jours, mais je préfère mentir. « Voir mes amis et faire du shopping. » Lui me répond : « Aller au restaurant, boire du vin dans un bar avec des amis et le contact physique de manière générale ». C'est réconfortant de savoir que nous avons tous le même quotidien en ce moment, que certaines choses nous manquent et que nous mangeons des pâtes tous les jours. Peut-être que je vais devoir m'habituer à mon apparence pixélisée et un peu négligée pour les prochaines semaines.

Plus tard, j’envoie à M. une photo de mon gâteau fini. Il me dit qu'il est superbe et que la prochaine fois, ce sera à son tour de cuisiner pour nous sur Zoom. C’est officiellement un date.

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