Société

Tout ce qu’il faut savoir sur Amy Coney Barrett, candidate à la Cour suprême

Ses valeurs religieuses traditionalistes font d’elle une candidate idéale pour les conservateurs.
AMY CONEY BARRETT
À gauche : Amy Coney Barrett, juge à la cour d'appel des États-Unis pour le septième circuit (Robert Franklin/South Bend Tribune) À droite : la juge Ruth Bader Ginsburg repose au National Statuary Hall à Washington le vendredi 25 septembre 2020. (Shawn Thew/Pool)

Le président américain Donald Trump a fait appel à Amy Coney Barrett, juge à la cour d'appel des États-Unis, pour remplacer la juge Ruth Bader Ginsburg, dont le décès le 18 septembre a laissé un poste vacant à la Cour suprême, quelques semaines avant les élections de 2020.

L’accord est loin d'être conclu. La juriste de 48 ans doit encore subir ce qui sera certainement une audition de confirmation épuisante. Elle doit également faire face aux démocrates qui ont promis d'empêcher que sa nomination ne soit soumise à un vote au Sénat, une tactique que les républicains avaient utilisée pour empêcher la nomination de Merrick Garland par le président Barack Obama en 2016.

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Mais pour l'instant, les républicains semblent avoir les voix nécessaires pour propulser Barrett à la plus haute cour du pays, et surtout, ils comptent bien le faire avant les élections. Les partisans du droit à l'avortement craignent déjà que Trump ne tienne sa promesse inédite de ne nommer que des juges « pro-vie » à la Cour suprême. Si la nomination de Barrett est couronnée de succès, elle consolidera sans doute la majorité conservatrice à la Cour pour les décennies à venir.

À terme, cette majorité conservatrice pourrait bien réécrire les innombrables droits et protections des Américains. Mais dans un avenir plus immédiat, Barrett pourrait être amenée à se prononcer sur plusieurs cas où Ginsburg aurait prêté son pouvoir aux libéraux, comme dans les affaires concernant la loi sur les soins abordables, l'accès à l'avortement ou les contestations des élections de 2020.

« En 2013, alors qu'elle était professeure de droit, Barrett a donné une conférence au cours de laquelle elle a affirmé que la vie commence dès la conception »

Les valeurs religieuses traditionalistes de Barrett font d’elle une candidate idéale pour les conservateurs. Catholique pratiquante, mère de sept enfants et ancienne greffière du juge Antonin Scalia, icône du parti conservateur, Barrett n'a pas hésité à exprimer ses sentiments personnels concernant l'avortement. Dans un article de 1998 qu'elle a co-écrit sur le rôle des juges catholiques chargés des affaires de peine de mort, elle a qualifié l'avortement de « toujours immoral » selon les enseignements de l'Eglise catholique.

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En 2013, alors qu'elle était professeure de droit, Barrett a donné une conférence au cours de laquelle elle a affirmé que la vie commence dès la conception. Elle a réitéré cette conviction en 2015 en signant une lettre adressée à un groupe d'évêques catholiques qui évoquait l'enseignement catholique « sur la dignité de la personne humaine et la valeur de la vie humaine de la conception à la mort naturelle ». Dans cette même lettre, elle soulignait également l'importance « de la différence sexuelle et de la complémentarité entre les hommes et les femmes » ainsi que du « mariage et de la famille fondés sur l'engagement indissoluble d'un homme et d'une femme », au cas où quelqu'un chercherait des indices sur ses sentiments concernant les droits des LGBTQ+.

Les convictions personnelles de Barrett sur l'avortement n'ont pas forcément d'influence sur ses décisions en tant que juge. Mais ses écrits juridiques et son expérience à la cour d’appel suggèrent qu’elle est non seulement prête à annuler des décisions qui font jurisprudence, mais aussi à adopter des restrictions à l'avortement au niveau des États. De telles restrictions pourraient réduire l'accès à l'avortement et restreindre le droit promis par l’arrêt historique Roe v. Wade ; le mouvement anti-avortement appelle depuis longtemps à leur mise en place.

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« Le président Trump et ses alliés républicains ont clairement fait savoir qu'ils veulent que la Cour suprême annule l'arrêt Roe v. Wade, et qu'elle invalide l’Affordable Care Act et de nombreux droits civils essentiels » – Stephanie Schriock, présidente d'un comité d’action politique

Barrett a également critiqué certaines parties de la loi sur l’assurance santé mise en place par le président Obama, loi qui doit être débattue à la Cour suprême – encore une fois – après les élections de novembre. En 2012, elle s’est opposée à une mesure de l'Affordable Care Act (ACA)qui prévoyait que les employeurs couvrent la contraception de leurs employés. « Le fait est que l'administration Obama oblige les croyants et les institutions religieuses, qui sont des employeurs, à acheter un contrat d'assurance santé qui offre contraception, stérilisation et médicaments provoquant l'avortement, écrit-elle dans sa déclaration. C'est une grave violation de la liberté religieuse et elle ne peut être tolérée. »

L’Obamacare, pour être clair, n'exige pas que les employeurs couvrent les « médicaments provoquant l'avortement ». En revanche, l’assurance peut couvrir la contraception d'urgence, souvent appelée « pilule du lendemain ». Plutôt que d'interrompre une grossesse existante, ces pilules agissent principalement en inhibant l'ovulation. Les militants anti-avortement confondent souvent la pilule du lendemain et l'avortement.

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Barrett a longtemps travaillé comme assistante du juge Antonin Scalia, adepte légendaire de l'« originalisme », à savoir une interprétation littérale de la Constitution basée ce qui était historiquement accepté au moment de sa rédaction. Barrett s'est également alignée sur l'originalisme, ce qui laisse supposer qu'elle suivrait son interprétation de la Constitution plutôt que la volonté d'une autre branche élue du gouvernement.

Cela pourrait être un désastre pour l'arrêt Roe si Barrett décidait qu'il n'est pas ancré dans la Constitution. Même Ginsburg pensait que Roe avait été décidé sur des bases juridiques douteuses, car il statuait que le droit à la vie privée s’étendait au droit à l'avortement. Or ce droit n'est pas expressément énoncé dans la Constitution, mais plutôt banalisé à travers une série d'autres protections constitutionnelles.

Vendredi 25 septembre, après que la nouvelle de la nomination de Barrett à la Cour suprême a fuité, Stephanie Schriock, présidente d'EMILY's List, un comité d’action politique qui défend le droit à l'avortement, a qualifié Barrett de « candidate extrême ». « Le président Trump et ses alliés républicains ont clairement fait savoir qu'ils veulent que la Cour suprême annule l'arrêt Roe v. Wade, et qu'elle invalide l’Affordable Care Act et de nombreux droits civils essentiels, dit Schriock. En nommant la juge Amy Coney Barrett, ils font un pas de plus vers la réalisation de ces objectifs, et un pas de moins vers les électeurs, qui soutiennent la liberté reproductive, l'accès aux soins de santé et la protection de nos droits. Barrett a adopté des positions extrêmes sur ces questions. »

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