Crime

Le fait divers : un univers de mecs, raconté pour les mecs, par des mecs

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En avril 2020, l’empereur made in France du fait-divers Stéphane Bourgoin, écrivain prolifique et mastodonte médiatique entame sa chute. Une chaîne YouTube, et un article d’Arrêt sur Images, mettent à mal ce faux spécialiste du crime, mais vrai mytho qui s’inventait une vie de conseiller du FBI ou d’as du ballon rond au Red Star. Une quarantaine de bouquins à son actif, des apparitions médiatiques constantes, Bourgoin a berné l’ensemble des médias avec son CV truqué. À chaque nouveau fait divers ou avancée dans une affaire classée : son verbatim bourgoinesque.

Cette débâcle fut une triple révélation pour moi. Primo : avoir le charisme d’une huître n’empêche ni de tailler le bout de gras avec Ed Kemper ni de vendre des milliers de livres. Deuxio : le syndrome de l’imposteur est apparemment une affaire de femmes, comprenez qu’il m’est difficile d’imaginer une experte en carton aller aussi loin dans le mensonge. Tertio : le fait divers reste un univers de mecs, raconté pour les mecs, par des mecs.

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Médias et émissions spéciales crime mettent en tête d’affiche des présentateurs aux voix rocailleuses qui s’entretiennent avec des spécialistes autoproclamés dans une ambiance testostéronée. Seules quelque fameuses exceptions comme Frédérique Lantieri aux manettes de l’émission culte Faites entrer l’accusé, confirment la règle, au point que depuis quelques années, une poignée de femmes parviennent enfin à s’emparer du fait divers en contournant les supports d’infos traditionnels. Direction YouTube où des chaînes consacrées au crime tenues par des vidéastes féminines fleurissent, à l’instar de celles de Sonya Lwu et autres Victoria Charlton. Niveau presse écrite, les “vieux briscards du fait div” s’entretiennent toujours en OFF avec des commissaires et des procureurs, les dents jaunies par la clope, dans de sombres cafés parisiens, où les jeunes enquêtrices sont persona non grata. Et, histoire de plonger plus encore dans la virilité, il n’est généralement question que d’hommes tueurs.

« Pourtant, depuis des siècles, les Françaises tuent, se vengent avec les armes, assassinent par conviction politique ou assistent leur conjoint meurtrier »

Pourtant, les tueuses en série et les criminelles existent. Mais, à l’instar des héroïnes historiques oubliées des manuels scolaires, ces diaboliques se font rares dans la production culturelle. Il faut dire que les chiffres n’aident pas à leur visibilité. En France, sur 71 000 détenus, en décembre 2018, 2100 étaient des femmes selon le ministère de la Justice. Une justice plus clémente, un traitement médiatique qui place son curseur uniquement entre hystérique ou amoureuse transie, des représentations de genre : cette invisibilisation puise sa source dans de multiples mécanismes qui ont la dent dure. Pourtant, depuis des siècles, les Françaises tuent, se vengent avec les armes, assassinent par conviction politique ou assistent leur conjoint meurtrier. Il est peut-être temps de se demander : qui sont-elles, comment tuent-elles, avec qui et pourquoi.

Voici donc le point de départ de notre série intitulée « Les tueuses », dont tous les articles sont disponibles ici.

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