Au Cambodge, le skate aide les jeunes filles à se reconstruire
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Au Cambodge, le skate aide les jeunes filles à se reconstruire

​Depuis 2011, Skateistan Cambodia remet la vie d'enfants aux parcours accidentés sur des roulettes. Au centre de leurs préoccupations : les filles, dont certaines connaissent de vraies « succes stories » grâce à la board.

Phnom Pehn, un matin de décembre. A cette heure-ci, comme tous les jours, la capitale cambodgienne est complètement congestionnée par la circulation. Sur les grandes artères, on roule au pas et à chaque intersection, 4X4, tuk-tuk et scooters se croisent en klaxonnant bruyamment pour forcer le passage. Coincée moi aussi au milieu de ce capharnaüm, suffoquant presque tant les odeurs de pots d'échappement sont fortes, je me demande si je vais parvenir à atteindre les locaux de Skateistan à l'heure. Sentant mon stress, le chauffeur de motodop, fin connaisseur des rues de sa ville, change soudainement de direction. Il se faufile entre les autres véhicules et emprunte de nombreux raccourcis. Enfin arrivée devant le Skatepark, construit par l'Organisation non-gouvernementale (ONG) en 2011, outre le bruit des roulettes glissant sur l'asphalte, un joyeux brouhaha se fait entendre.

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« Skateistan donne toujours la priorité aux filles, explique Ben, président et fondateur de l'ONG cambodgienne, en poussant sur sa voix pour se faire entendre. Et tu vois, elles ont toutes le smile parce qu'on mise vraiment sur le fun ». Après avoir franchi la porte, peinte de toutes les couleurs à l'effigie du sport de glisse, je constate qu'il dit vrai. En cette chaude journée internationale des Droits de l'Homme, c'est « day off » au Cambodge et les filles venues en nombre sont un brin surexcitées. Aujourd'hui, elles n'ont pas cours. Défis et jeux autour de la sacrosainte board les remplacent.

Encouragées par les cris de leur binôme et la musique crachée par les grosses enceintes disposées sur une estrade, les adolescentes, équipées de protections et de casques, juchées sur leurs planches sillonnent rampes, pyramide et quater pipe du parc. « Quand nous avons commencé à travailler avec certains groupes de filles, elles étaient très timides et restaient dans leur coin, confie Ben. C'était très compliqué ». Difficile à croire quand on aperçoit les larges sourires accrochés à toutes les lèvres et la motivation avec laquelle les jeunes filles relèvent les challenges qui leur sont proposés, ce matin-là.

« C'est vrai qu'en l'espace de trois ans, elles ont complètement changé, reconnaît-il. On les a aidées à se reconstruire et à être fières d'elles ».Les plus téméraires prennent un peu d'élan et encouragées par la dynamique Tin, s'élancent sur leground, skate au pied, pour passer sous une corde tendue par d'autres élèves. « Moi aussi, avant, j'étais renfermée sur moi-même », se souvient Tin, 22 ans, les yeux pétillants. « Le jour où elle s'est présentée pour intégrer l'équipe, elle répondait à peine par oui ou par non à nos questions, on n'était pas hyper convaincu, confirme Ben. Mais maintenant c'est une vraie star du Skate au Cambodge et un peu la porte-parole officielle de Skateistan». Pour en arriver là, la jeune femme qui encadre les participants au Youth educate a suivi le Youth leadership program. « Une formation qui permet de faire beaucoup de skate, de s'intégrer à la structure et de bénéficier de davantage d'opportunités », souligne Ben.

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Issue d'une famille modeste, il y a quelques années, Tin, encore adolescente, a décidé de sortir de sa situation en allant toquer à la porte de Tiny Toons, une ONG qui mise sur le hip-hop et le breakdance. Ma mère n'avait pas d'argent donc il fallait que j'en trouve pour l'aider, pas d'autre choix », se souvient-elle. En 2011, elle a découvert le skate. « Je trouvais ça cool comme il n'y a pas beaucoup de filles dans ce sport, je voulais essayer et surtout me surpasser », lâche-t-elle avant de prendre la rampe et de finir sa course par un flip parfaitement maîtrisé.

Dynamique et souriante, la grande brindille roule à vive allure au milieu des filles qui l'observent avec admiration. Il semblerait que plus rien ne puisse l'arrêter. Dans sa course comme dans la vie. « A Skateistan Cambodia plus qu'ailleurs (1), on note rapidement un réel changement dans l'attitude des filles, explique Rory, directeur des ressources humaines de l'Ong. Elles viennent souvent, progressent beaucoup ce qui leur permet d'avoir à nouveau des rêves ».

Et des rêves, Tin n'en manque pas. Elle espère notamment faire une carrière de skateuse pro. « Quand je vois les vidéos de Kat Williams, je me dis que j'aimerais bien être à sa place », sourit-elle en regardant son idole du coin de l'œil. De passage dans la région pour raisons pros, la skateuse australienne est venue rendre visite aux « citoyennes » de Skateistan. « Pour moi, cette ONG, c'est une chose géniale, s'enthousiasme-t-elle. Ouvrir une structure où les enfants peuvent être avec leurs amis et se dépenser physiquement, c'est vraiment top ».

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Les cheveux courts, collés aux tempes après les nombreux tours de parc parcourus, la jeune femme arbore un franc sourire. « Grandir avec un skate c'est incroyable pour les filles ». Elle sait de quoi elle parle. « Cela a véritablement changé ma vie, ça aide à grandir, à être en accord avec soi ».

Qui aurait cru qu'une planche de bois fixée à quatre roulettes prodiguerait autant de bienfaits ? Pas moi. Pourtant les témoignages des filles vont tous dans ce sens quand on leur demande ce que le skate leur a apporté. « Avant, j'étais souvent en colère », raconte Sophea, 16 ans, un tantinet intimidée. Maintenant, grâce au skate, je suis plus calme ». Pareil pour Bopha, 18 ans, après trois mois de pratique, la jeune femme confie avoir plus confiance en elle. « Ça, c'est la passion, précise Ben. Le skate n'est en réalité qu'un outil pour conduire les gamins vers de nouveaux horizons ».

Louise est sur Twitter.

(1)- Skateistan est une ONG qui dispose de quatre structures à travers la planète. La première a ouvert ses portes à Kaboul, en Afghanistan en 2007, la seconde à Phnom Penh, au Cambodge, en 2011. Depuis, une nouvelle antenne a ouvert à Mazar-e-Sharif (2013), et une autre est sur le point de voir le jour à Johannesburg, en Afrique du Sud en ce début 2016.