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On sait tous et toutes à quel point la première rencontre avec un gode peut-être une expérience traumatisante. Ils surgissent sous des formes, matières, tailles et couleurs qui ont le pouvoir de faire s’enfuir la plus dévergondée de vos copines. Adolescentes, lors d’une démonstration de sex-toys, on se passe l’objet en caoutchouc d’un rose criard de mains en mains, les yeux agrandis par l’excitation, ou plutôt par l’angoisse. Est-ce que ce truc vient de l’espace ? D’une cave de torture ? Qui est assez tordu pour avoir conçu cet engin ? Pire encore, pour l’utiliser ? Quinze ans plus tard, on sait que la majorité des femmes en possèdent un mais qu’il restera toujours caché au fond d’un tiroir, par honte mais sans doute aussi par dégoût. Et c’est là que se situe toute la contradiction de cet objet, entre plaisir et horreur.
Ophélie Mac, également connue sous le pseudonyme de Mac Coco, est une artiste pluridisciplinaire née en 1988 qui conçoit des godes en céramique qu’elle présente régulièrement lors de sa performance « Tout doit disparaître ». Objet d’art ou de plaisir ? Elle nous explique.
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VICE : Salut Ophélie, tu peux nous expliquer en deux mots ton projet les Encastrables ?
Ophélie : Je suis céramiste de formation et j’ai commencé ce projet il y a environ trois ans. À la base, je les avais pensés comme des étuis péniens, donc ils sont creux puisque je voulais voir s’il était possible de les enfiler. J’ai vendu mon premier modèle à mon prof, un collectionneur qui souhaitait simplement l’exposer dans une vitrine. C’est ma deuxième acheteuse qui l’a vraiment utilisé et m’a fait un retour très positif, notamment parce que les dildos en silicone ou matériaux composites sont poreux et peuvent engendrer des problèmes gynécologiques, ce qui n’est pas le cas avec la céramique émaillée. Grâce à elle, j’ai réalisé le potentiel utilitaire de cet objet. Ensuite le projet a évolué, tant d’un point de vue technique et esthétique qu’artistique avec ma performance et les messages à lire entre les lignes. Moi ce qui m’intéresse, c’est de savoir que tu te mets une œuvre d’art en toi ; d’être à la frontière entre l’industrie de l’art, du sexe et de l’artisanat.
Aujourd’hui on te les achète plutôt comme objet d’art ou de plaisir ?
Les gens les utilisent vraiment. J’ai énormément de retours et de demandes spécifiques qui me permettent de les adapter aux besoins et envies de mes clients. Par exemple, la paroi est devenue plus épaisse car beaucoup m’ont demandé de pouvoir l’utiliser avec un seul doigt.
Qui est le modèle ?
C’est la seule question à laquelle je ne peux pas répondre. Pas mal de femmes m’ont confié que leur mec faisait la gueule parce que ça leur coupait la chique de ne pas savoir de quelle bite il venait.
C’est qui, ton public cible ?
Des meufs hétéros, des gays, des mecs qui font un cadeau à leur copines, des collectionneurs… Un peu de tout.
Est-ce que tu fais aussi des démos, comme pour les Tupperwares ?
Oui, tu peux aussi acheter la démo à domicile. Je l’ai déjà fait chez une vieille dame un dimanche après-midi au fin fond d’Uccle. Elle avait invité ses copines et j’en ai vendu pas mal ; c’était très chouette. La présentation se vend au même prix qu’un dildo.
Tu en as déjà vendu à ta mère ?
Non, je les lui offre ! Ma mère en a et elle m’aide même à les poncer quand je suis dans le rush pour des commandes. Ça fait quelques années qu’elle suit le projet et elle en est assez fière. Tout le monde n’est pas au courant dans ma famille et elle en a sur sa cheminée, donc les repas de famille peuvent être assez drôles.
Ils coûtent combien ?
Le grands classiques sont le blanc (100 €), le noir (150 € – souvent sold-out) et le doré (200 € – uniquement fait sur commande). C’est important pour moi que le prix reste abordable. C’est à peu près les mêmes prix que tu retrouves en sexshop pour des godes made in China. Mais 150 € ça reste quand-même un budget pour le commun des mortels, donc je fais des promotions à des moments spécifiques comme Black Friday, la journée de la femme ou la gay pride… Des dates symboliques ou qui questionnent la consommation. Ceci dit le noir n’est jamais soldé. Qu’ils soient vendus en galerie, en foire ou de manière directe, je trouve ça important que tout le monde ait droit à la ma même taille et au même prix et je refuse de céder un pourcentage à une galerie pour ce projet.
Pourquoi ? Tu peux nous expliquer ta performance « Tout doit disparaître » et ces différences de prix ?
Ce projet questionne non seulement la frontière entre l’art, le sexe et l’artisanat, mais aussi la représentation des corps noirs dans l’art contemporain. En vendant le gode noir à un prix plus élevé et en ne le soldant pas, j’attire l’attention sur la sous-représentation du corps noir dans l’art. Quand on voit la pièce pour la première fois, en général ça prête d’abord à sourire parce que c’est des bites et que ça met un peu mal à l’aise. Comme je les présente un peu comme dans un téléachat, c’est déroutant. Ensuite on me dit que c’est joli. Et après la performance, j’invite le public me poser des questions, et c’est là que ça devient intéressant. On me pose des questions sur mes origines ; je suis quand-même très consciente d’être une femme noire qui manipule des pénis tranchés, sans couilles. Au final la question c’est de savoir ce que je vends : un objet d’art, d’artisanat ou de plaisir ?
On t’a déjà posé des questions bizarres ?
Beaucoup… Mais ce qui me met le plus mal à l’aise, c’est la grosse drague. C’est souvent des collectionneurs ou des vieux libidineux qui viennent me demander : « Mais pourquoi vous faites pas des vagins ? C’est tellement plus beau le vagin d’une femme ». « Pourquoi y’a pas de couilles ? » On me demande aussi parfois de changer la taille, ou encore plus gênant, que je fasse des moulages perso.
Tes conseils d’utilisation ?
Bien le laver à chaud – tu peux le mettre au lave-vaisselle, le lubrifiant est très important et c’est parti. Ce qui est cool c’est que c’est un objet que tu peux laisser à vue, t’es pas obligé de le cacher dans ton tiroir quoi. C’est une taille standard, donc ça va même pour les débutants. Pas besoin d’un mode d’emploi. Puis le matériau est sain, il peut être nettoyé et il est conducteur de chaleur. Tu peux le passer au bain-marie ou le mettre dans le frigo, il garde la chaleur pendant 30 minutes donc tu peux varier les plaisirs. Il n’est pas plus sensible qu’un autre, tu peux l’utiliser en anal aussi, faut juste faire attention aux surfaces céramique-contre-céramique – s’il tombe sur ton carrelage, c’est risqué.