Ils ont survécu au rallye-raid le plus extrême du monde : 9000 kilomètres, quatorze jours de course, du sable, des montagnes et de la sueur. Pour sa quarantième édition, le Dakar, qui relie Lima à Cordoba, a réuni les pilotes les plus chevronnés du monde. Parmi eux, une poignée de jeunes français audacieux et ultra-talentueux, des pros du moto-cross et de l’enduro pour qui le Dakar représente le graal. Ces pilotes, ce sont les jeunes espoirs des sports mécaniques français. Les voici.
Romain Leloup, 25 ans
VICE : Tu es le plus jeune pilote à avoir participé au Dakar cette année…
Romain Leloup : C’est vrai que l’âge moyen est plutôt situé entre 35 et 37 ans. Le Dakar demande beaucoup de discipline, de sagesse, de maturité. Mais moi je suis pas fougueux sur une moto, donc mon âge n’était pas un désavantage. Au contraire, car je récupère plus vite que les autres.
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Tu as choisi de faire le Dakar à la dure, en t’engageant dans la catégorie « Original by Motul’ », c’est-à-dire sans assistance, avec ta moto et une simple malle. Tu as ressenti de l’appréhension sur la ligne de départ ?
Juste avant le départ, j’ai appelé ma petite amie. Je savais que je me lançais pour deux semaines de course, que ça allait être très dur physiquement. J’étais à la limite de pleurer, je ne sais pas si c’était de la peur, ou de la joie.
Qu’y avait-il dans ta malle ?
La malle est limitée à 80 litres. Dedans, tu mets tes outils, des boissons énergétiques, des barres céréales, des vêtements de pluie et ton matelas pour dormir, c’est tout. Chaque soir, alors que les autres allaient se coucher, je posais ma malle devant ma moto, je faisais l’entretien, je changeais les roues, je faisais la vidange… Quand t’es sans assistance, tu te couches tard et tu dors peu, 4 heures maximum. Et tu as une approche différente de la course : ton but, c’est de ne pas casser ta moto. Ça veut dire que sur la piste, t’as vraiment pas le droit à l’erreur.
Quelle relation entretiens-tu avec ta moto ?
C’est presque fusionnel. J’ai dû faire un emprunt pour acheter ma moto. Si je la cassais pendant la course, ça voulait dire que j’avais tout perdu. Quand je la poussais trop, que je voyais que le moteur chauffait, ça me faisait mal au cœur… Le truc, c’est que tu veux aller au bout, mais c’est ta moto qui doit t’y emmener. Tu vois, le soir, je m’occupais d’elle, je la bichonnais. L’année prochaine, je repartirai peut-être avec elle.
Benjamin Melot, 28 ans
VICE : Tu as été mécanicien sur plusieurs Dakar et cette année, c’était ta première aventure en tant que coureur. Quels défis ont été les plus durs à relever ?
Benjamin Melot : Physiquement d’abord, il faut gérer son effort, ne pas gaspiller son énergie. Il faut rouler suffisamment vite pour ne pas perdre de temps, mais ne pas prendre trop de risques non plus. En Bolivie par exemple, l’altitude te force à t’économiser, le cœur a du mal à redescendre après un effort intense. Mais le plus dur, c’est le passage des dunes. J’ai découvert le fesh-fesh, c’est une poussière très fine dans laquelle on s’enfonce, comme dans de l’eau, et qui camoufle des pièges, des cailloux, des ornières, des marches. Je suis tombé une fois. J’ai eu peur. J’ai vu mon Dakar s’arrêter net alors que j’étais en l’air.
Malgré cela, tu referais le Paris-Dakar ?
C’est sûr, oui ! Je n’ai malheureusement pas pu aller jusqu’au bout de cette édition. Je me suis arrêté pour casse mécanique lors de la 8ème étape, en Bolivie. J’étais sur le bord de la piste et j’avais du mal à me dire que ça se terminait là. Énorme frustration…
Qu’as-tu envie de répondre aux détracteurs du Dakar ?
Si on parle de pollution, oui, le Dakar pollue. Mais pas plus qu’une coupe du monde de football, ou que beaucoup d’autres épreuves sportives, qui paraissent « saines ». Et il faut savoir que le Dakar compense son empreinte carbone de différentes manières, en plantant des arbres par exemple. Oui, nous sommes des amoureux de sports mécaniques, mais pas spécialement du moteur thermique. Le jour où nous arriverons à faire des véhicules écolo fiables et performants, nous serons tous ravis de pouvoir les utiliser sur les courses telles que le Dakar.
Adrien Metge, 29 ans
VICE : Pourquoi as-tu décidé de faire un nouveau Dakar cette année, alors que tu as déjà relevé le défi deux fois précédemment ?
Adrien Metge : J’ai ça dans le sang, j’arrive plus à m’en passer ! Il faut dire qu’en ce qui me concerne, le rallye-raid, c’est un truc de famille. Mon père a fait le Dakar, ma mère a fait le rallye des gazelles et mon frère fait aussi du rallye-raid !
Si moi aussi je veux courir le Dakar, quelle est la meilleure formation ?
Il faut être super complet ! Comme beaucoup de pilotes, je viens du moto-cross et de l’enduro, ces deux disciplines te permettent d’avoir la technique suffisante. Mais il faut aussi une solide condition physique. On s’entraine en faisant du vélo, de la course à pied, de la muscu. Autre chose hyper importante : apprendre la navigation. Sans ça, tu ne peux pas aller au bout. Et puis il faut aussi être prêt mentalement à affronter quinze jours non stop à gérer des difficultés, en dormant très peu. Le plus compliqué, c’est de tenir sur la longueur avec pas, ou peu de repos. Le rythme est vraiment soutenu.
Ce Dakar a été compliqué pour toi, il s’est terminé sur une blessure….
À la 2ème étape, je suis tombé dans les dunes et je me suis cassé un os de la cheville… Ça s’est terminé pour moi. J’étais déçu, je m’étais beaucoup entraîné. J’espère me rétablir le plus vite possible.
Loic Minaudier, 30 ans
VICE : Comment en arrive-t-on, un jour, à se dire « tiens, je vais faire le Dakar » ?
Loic Minaudier : Pour moi, c’est un rêve de gosse. Quand j’étais gamin, j’étais fan de Richard Sainct, il était Aveyronnais, comme moi. Il a été trois fois vainqueur du Dakar. Je regardais ça à la TV et je me suis toujours dit que ça serait génial de pouvoir participer à cette course mythique.
Tu t’y es pris comment pour réaliser ce rêve ?
J’ai commencé tôt ! À 3 ans, j’étais déjà sur une moto ! À 5 ans, je faisais mes premières compétitions de moto-cross. J’ai décroché plusieurs titres de champion dans la région, et puis à 16 ans, je me suis mis à l’enduro. J’ai décroché un titre de champion de France en 2011. L’enduro, c’est parfait pour acquérir les bases techniques dont on a besoin sur un Dakar.
2018 était ton troisième Dakar. Qu’est ce qui te pousse à y retourner chaque année ?
J’ai fait beaucoup de sacrifices pour y arriver, ça m’a pris du temps. Mes deux premières expériences se sont super bien passées, j’ai vraiment appris ce qu’était le dépassement de soi. Le Dakar, c’est magique, ça te procure des sensations uniques. En fait, c’est une drogue dure ! J’y pense tous les jours. Et quand on y a goûté c’est difficile de s’en passer…