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La gnôle à la weed qui faisait parler aux anges

Le Ghana, c’est ce petit pays coincé entre la Côte d’Ivoire et le Togo. Pour peu qu’on connaisse un peu le pays, il offre une vie nocturne très animée pendant laquelle coule tout un tas de boissons délicieusement délirantes. Et justement, j’étais en route pour rendre visite à une de mes amies dont le mari, Ghanéen, appartenait à l’ethnie des Gas et habitait à Accra, la capitale du Pays. Surtout, il connaissait la ville comme sa poche. J’avais donc mon ticket pour une nuit de débauche.

Et bordel, quelle nuit.

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On a commencé au Republic, un bar assez couru du quartier d’Osu, connu pour ses cocktails à base d’akpeteshie à12GHS, soit environ 2,80 €. L’akpeteshie, c’est une sorte de gin local à base de vin de palme. C’est aussi le vestige d’une époque où le Ghana était une colonie britannique et où les Ghanéens distillaient cet alcool de contrebande. Avec un taux d’alcool qui vient taper dans les 50 %, autant vous dire que c’est un truc de bonhomme. Vu son excellent rapport qualité/prix – et par qualité, comprenez : rapidité avec lequel il parvient à vous mettre un coup sur le crâne –, il est très logiquement apprécié par tous les alcolos du pays.

Cela faisait une semaine que j’étais à Accra et honnêtement, le nombre de Caucasiens que j’avais croisé pouvait se compter sur les doigts d’une main. En arrivant dans le Republic, j’ai jeté un œil autour de moi et me suis rendu à l’évidence : « c’est donc ici que sont tous les blancs. »

On n’est pas resté là très longtemps. J’ai juste commandé un truc qui ressemblait à un mojito, avec du sucre de canne et de la menthe. Mes amis redoutaient déjà de me faire goûter la potion magique qui m’attendait au prochain bar.

Après un détour en caisse, on a déboulé dans un bar d’Osu fréquenté uniquement par des locaux. J’allais enfin pouvoir goûter aux joies de l’Amen, un cocktail à base de Sprite, d’akpeteshie infusée à la weed et de quelques autres ingrédients « secrets ». Mon amie m’a expliqué que si on appelle ça l’Amen, c’est parce qu’après s’être pris une cuite avec, on a besoin d’aller se confesser. La serveuse m’a présenté la chose encore plus clairement : « Je vais te faire dire Amen et tu vas me supplier d’arrêter. »

L’endroit était tout petit et très confiné. La clim’ marchait à fond et l’air puait la naphtaline. Le mari de mon amie et le patron du bar sont potes, à en juger par le bruit et le temps qu’ils ont mis à se claquer la bise. Pendant ce temps-là, la serveuse a aligné pour nous de grands verres en plastique pleins de glace pilée sur le comptoir en bois. Elle a versé du Sprite et une bonne rasade d’un liquide vert gazon dans chaque verre.

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Il m’a suffi d’une gorgée pour comprendre que la soirée était sur le point de devenir sérieuse. En bouche, on sent bien le goût herbeux de la weed, et ça colle parfaitement avec le côté sucré du Sprite et la puissance de l’akpeteshie. Hypersurpris, j’ai secoué la tête et levé un sourcil avant de siffler bizarrement : ça arrachait pas mal mais c’était vraiment bon. J’ai repris une gorgée et ce fut comme un coup de poing dans le ventre – j’ai souri en levant mon verre en direction de ma pote : « Alléluia ! »

On est ensuite sorti prendre un peu l’air dans la chaleur de la nuit tropicale et on s’est posés autour d’une table un peu déglinguée, installée sur le bord de la route. De là, on avait une belle vue d’ensemble sur ce à quoi pouvait ressembler la vie nocturne à Accra. Les gens prenaient l’apéro dans la rue, se servaient à boire sur le capot de leur caisse, d’autres dansaient sur le bitume. Il y avait de la musique partout.

Mon amie a commandé un autre Amen à partager. Je sentais déjà les premiers effets de l’alcool qui était en train d’envahir mes veines. Je me disais que la weed mettrait un peu plus de temps à monter.

Même si c’est illégal, les gens sont plutôt relax par rapport à la beuh au Ghana. L’ethnie dont vient le mari de mon amie, les Gas, est connue pour être composée de Rastas qui fument des pétards assez ouvertement. D’ailleurs, pendant mon séjour à Accra, j’ai vu pas mal de joints tourner. Ici, la beuh s’achète aussi facilement que les chapelets au Vatican.

On a fini nos « Amens » et on a continué notre tournée des grands-ducs à l’Honeysuckle. C’est un pub tout ce qu’il y a de plus anglais. Leur DJ a l’air de s’être retrouvé là par hasard, en rentrant d’une fête beaucoup trop arrosée du Manchester des années quatre-vingt-dix.

C’est en rentrant dans ce pub que j’ai senti le THC monter : au sol, les motifs du tapis de casino commençaient à tourner dans tous les sens.

C’est bien connu : les effets psychédéliques de la weed sont bien plus forts quand on l’ingère plutôt que quand on la fume. Je suis passé aux toilettes, et quand je suis revenu, l’ensemble de mes sens partaient complètement en couilles. Je voyais les gens qui jouaient au billard devant moi, mais c’était comme s’ils avaient été projetés sur un écran de télé au bout d’un tunnel. Quand je marchais sur le sol, qui était légèrement en pente, j’avais l’impression de remonter un escalator dans le sens inverse. Et à l’extérieur, j’aurais juré avoir entendu des voix d’anges chanter dans l’air subsaharien.

Pas découragés pour autant, on s’est descendu quelques verres de Savannahs (un genre de cidre ghanéen) et on a continué notre virée des bars. On a conduit sur des routes pas éclairées, pas bitumées, et bordées de policiers armés de mitrailleuses. Une fois que dans mon sang, l’alcool des Savannahs a fini par remplacer le THC, tout s’est brouillé subitement dans ma tête. J’ai vu des filles twerker tellement fort qu’à côté, celui de Miley Cyrus faisait vraiment pitié.

Mais sinon sérieusement, je crois bien que j’ai parlé aux anges (scientifiquement, ça s’appelle la glossolalie, si ça vous intéresse). Je crois que j’ai connu la béatitude. J’étais un halo de lumière. C’était le paradis.