Ma semaine préférée est celle suivant mes menstruations : je suis heureuse, j’ai envie de baiser six fois par jour et j’ai de l’énergie pour couper mes ongles d’orteils, faire le lavage, faire de l’aérobie sans shooter de vodka et peinturer toutes les pièces de mon appartement.
La semaine que je passe par contre avec « la Ferrari garée devant la porte », « mes ourses », « mes tomates », « mes coquelicots » n’est pas enviable. Je déteste être obligée de porter des petites culottes et des serviettes, et d’avoir des crampes qui me font gémir et me plier en deux la première journée du « débarquement des Anglais ». J’ai moins d’énergie qu’un ballon à l’hélium dégonflé depuis une semaine. Ce qui m’oblige à sortir du lit est la survie de mes enfants à l’heure du petit-déjeuner. Ce qui m’aide? La masturbation.
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La masturbation m’aide tout le temps, mais, menstruée, elle me semble magique. Je la prescrirais à quiconque a un peu de libido même quand Satan semble mâchouiller son utérus. C’est connu : la masturbation réduit les crampes, car lors de l’orgasme le corps produit des antidouleurs naturels qui n’enrichissent pas l’industrie pharmaceutique autant que la consommation d’Advil. Le cycle des petites culottes tachées serait aussi moins long et les sensations de plaisir plus intenses.
Je n’ai pas de bullet journal (j’ai un calendrier des scouts, ça me suffit habituellement pour l’organisation de mes soirées « soupe à la tequila » ou The Bachelorette), mais j’ai réussi à tenir un journal de mes séances masturbatoires pendant mon cycle menstruel interminable pour juger de l’efficacité de mes doigts sur mon moral.
Lundi
Après deux jours en campagne avec deux mecs qui font de mauvaises blagues sexistes, j’ai mal à la tête et des crampes horribles. Je ne sais pas si c’est dû à un débat sur l’utilisation du mot pute par des mecs qui n’ont jamais été payés pour secouer leur queue dans une chambre d’hôtel où parce que je commence à être menstruée.
Je me couche tôt, me demandant ce qu’on raconterait à mes enfants, si je meurs ce soir. Ma tête me fait trop souffrir pour que j’indique dans un pseudo testament à qui reviendrait mon ordinateur et tous mes mots de passe, permettant de connaître les boutiques sur le web où j’achète mes justaucorps et l’identité des mecs à qui j’envoie des photos de moi toute nue sur Facebook.
Je me touche deux fois en trente minutes. Mes crampes disparaissent, mais mon mal de tête persiste. J’ai l’impression de bouger dans mon lit toute la nuit, pour finalement réveiller mon chéri à 6 h du matin. Il vient en moi. Je ne lui dis pas que je suis menstruée; il trouve formidable et vraiment excitant à quel point je suis mouillée. Le sang menstruel : un super lubrifiant.
Je ne réussis pas à m’endormir, alors je me masturbe deux autres fois. Ma tête veut exploser, mais jouir en pensant à une séance de massage clitoridien devant public m’empêche de sombrer dans la déprime.
Mardi
J’ai encore mal à la tête. Je coule beaucoup, mais dans les serviettes lavables les plus mignonnes du monde entier. Je demande à mon chéri si je peux le sucer, car me concentrer sur sa queue m’évite de stresser. Il ne me suit pas au lit et s’endort devant une émission sur les Vikings. Je me masturbe pendant vingt minutes et je reste cul nu au lit, incapable de dormir avec une petite culotte. À la suite de contractions du périnée lors de l’orgasme, des saignements plus importants surviennent, mais après le flux est plus léger.
Quand je me réveille, le lendemain, je n’ai pas du tout taché les draps. Je me dis que c’est sans doute grâce à mon vibro.
Mercredi
Mon amie avec qui je parle de caillots sanguins, de patriarcat et du roi de Thaïlande me confie que son voisin a sauvé son chat d’une chute de plusieurs mètres. Il est allé le porter chez elle, alors qu’elle était absente, passant de balcon à balcon. Elle est gênée : son balcon donne directement sur sa chambre et elle avait passé la matinée à utiliser son jouet sexuel, qui trônait encore au milieu de son lit défait.
Elle me dit qu’elle aussi se masturbe quand elle a « la visite d’un Marquis », « ses ragnagnas », « sa semaine ketchup ». Je deviens soudainement très enjouée de savoir que nous avons un cycle menstruel semblable. Elle me trouve très courageuse de porter des minishorts, alors que nous passons une fin de soirée sur la rue Mont-Royal. Ridiculement fière, je lui dis que je combats tous les stigmates possibles. Je reste quand même très contente de ne pas avoir du sang qui coule contre ma cuisse quand nous croisons Éric Lapointe avec une jeune féministe au bar à vin Rouge Gorge.
Je m’endors dans un corset qui pique, avec le vibrateur dans ma main droite.
Jeudi
Je mange deux pointes de pizza. Parfois, la pizza me satisfait autant qu’un orgasme. Surtout celle de chez Corvette sur Masson. Ça n’aide malheureusement en rien les crampes, parce que le fromage, c’est mauvais pour la santé et pour les vaches. Je suis trop fatiguée pour me sentir coupable. Et pour me toucher.
Vendredi
Le matin, j’apporte des lingettes dans la chambre et je les laisse subtilement du côté de mon chéri. Je lui dis moins subtilement : « C’est pour te laver la queue après que tu m’as baisée en cuillère. »
Je me masturbe deux fois et après je vais me faire un café. Je me demande si un jour je raconterai exactement à quoi je pense quand je me touche, sans me sentir possiblement déviante.
Samedi
Mon cycle est aussi long que d’habitude, ce qui me choque, vu mes efforts répétés pour le diminuer. Je ne suis pas stressée même si la moitié de mes amis Facebook se révèle péquistes et plus problématiques que je ne le pensais, je continue à prendre en photo mes seins, je n’ai pas de crampes ni de mal de tête, mais je suis encore menstruée. C’est frustrant parce que je porte une jupe courte pour une partie de balle molle et que ça ne me tente pas tant que ça de combattre le stigmate des ailes de serviette qui se dévoilent si je fais une roue latérale à la suite d’une victoire (nous perdons, alors je n’ai pas à faire de roue latérale).
Dimanche
Je me réveille à presque 11 h, encore un peu saoule d’un anniversaire chilien la veille. Je baise en demandant à mon chéri ce que je devrai acheter plus tard pour qu’il nous fasse une omelette. Quelques heures plus tard, je suis certaine de ne plus avoir besoin de serviettes hygiéniques pour encore 22 jours. Ma semaine se termine avec plus ou moins la preuve que se toucher est bénéfique lors de ses menstruations. Je reste toutefois persuadée que oui, et que, si tout le monde se masturbait autant que moi, la paix dans le monde serait possible.