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La Mongolie a désormais un Facebook pour chevaux

Au milieu du 12e siècle, la Mongolie a enfanté de l’un des plus grands conquérants de l’histoire de l’humanité : Genghis Khan. À force d’affrontements politique et militaire, ce fils de nobles nomades a érigé le plus vaste empire continu de tous les temps. Son arme secrète ? Les chevaux. Si les guerriers mongols ont triomphé sous les ordres de la dynastie Khan, c’est aussi parce qu’ils montaient comme personne.

Aujourd’hui, un équipe de développeurs mongols tente de révolutionner l’élevage équin et ses traditions plusieurs fois centenaires à l’aide d’une application iOS appelée Уяач (“vendeur” ou “formateur”). Grâce à elle, ils espèrent changer la vie des éleveurs qui possèdent parfois plusieurs centaines de têtes.

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Avec moins de deux habitants par kilomètre carré, la Mongolie a la densité de population la plus faible du monde. Pourtant, la plupart de ses trois millions d’habitants résident dans des zones urbaines en plein développement. La capitale Oulan-Bator grouille d’espaces de coworking, de hackathons et autres accélérateurs de startups.

En Mongolie, les modes de vie urbain et rural se mêlent et s’affrontent sans relâche. Un Mongolien sur quatre vit dans les steppes, souvent avec un smartphone connecté à la 4G dans la poche. Les nomades du 21e siècle élèvent les mêmes bêtes que leurs ancêtres : chèvres, moutons, bovins, yaks et chevaux. Cependant, beaucoup gardent les troupeaux à dos de moto et déplacent leur yourte de plaine en plaine dans de vieux camions japonais ; les chameaux traditionnels sont dépassés.

Des chevaux de course mongoliens. Image : Peter Bittner

Le cheval, lui, résiste au moteur. En tant que compagnon indispensable d’un grand nombre d’éleveurs et symbole national de l’héritage nomade de la Mongolie, il semble bien parti pour leur tenir tête encore longtemps. Les courses de chevaux sont l’un des passe-temps les plus populaires de Mongolie, dans les campagnes comme à la ville. Chaque été, des compétitions locales, régionales et nationales font s’affronter les meilleures bêtes dans des épreuves de vitesse et d’endurance parfois cruelles.

Ce qui nous ramène à Уяач (prononcez “ouyaatch”). Les meilleurs chevaux de course sont souvent vendus comme étalons par leurs éleveurs. Avant la transaction, il arrive que le vendeur et l’acheteur potentiel débattent des détails concernant le pedigree et la santé de la bête. Malheureusement, les documents qui permettraient de prouver les affirmations de l’une ou l’autre partie sont rares, voire inexistants.

L’application permet aux propriétaires de chevaux de répertorier toutes les informations dont ils disposent sur leurs bêtes : ancêtres, histoire de la race, âge, sexe, état de santé. Ils peuvent également ajouter jusqu’à dix photos par tête.

“Nous considérons notre application comme un outil important pour les éleveurs, mais aussi comme une source d’informations pour les amateurs de courses” m’a déclaré Artur Byambadorj, l’un des créateurs de Уяач, au cours d’un échange téléphonique.

La Mongolie compte quelque 50 000 passionnés de courses hippiques. Beaucoup se retrouvent dans des groupes Facebook et des sites web spécialisés. Malheureusement, l’information est fragmentée et la communauté peu solidaire.

Grâce à Уяач, cela va peut-être changer. La plus grande innovation de l’application est sans doute son réseau social calibré pour les fans de chevaux, qui permet aux propriétaires, dresseurs, éleveurs et enthousiastes de tout poil de suivre leurs étalons et juments préférés.

“Les utilisateurs peuvent d’abord accepter ou refuser de partager leurs informations, m’a expliqué Byambadorj, mais nous avons accès à toutes les métadonnées.”

L’application, qui est disponible gratuitement sur iTunes, a été lancée en version beta au mois de juin dernier. Elle a déjà été téléchargée plusieurs centaines de fois.

Une capture d’écran de l’application.

“Nous voulons qu’elle devienne le Facebook des éleveurs, une application qu’ils utiliseront tous les jours”, a déclaré Byambadorj.

Beaucoup d’utilisateurs ont déjà contacté l’équipe de l’application pour la féliciter.

“L’un des gros points forts de l’application, c’est que vous pouvez l’utiliser quand il n’y a pas de réseau”, explique Sodnomtseren Batchuluun, un Oulan-Batorais qui possède plus de 100 chevaux placés sous la responsabilité d’un éleveur professionnel de la province d’Ömnögovi, dans le désert de Gobi.

D’autres sont plus critiques.

“Je n’aime pas voir les chevaux des autres sur l’application, lance Buyanbaatar Tsagaanbandi, qui possède plus de 200 chevaux. Je n’ai pas besoin d’en voir d’autres que les miens. Beaucoup d’éleveurs sont à la campagne, ils ne sont pas assez branchés technologie pour utiliser l’application. Il faut simplifier tout ça.”

Pour le moment, Уяач n’est pas assez perfectionnée pour empêcher les vendeurs et acheteurs malhonnêtes de raconter des mensonges. Ses créateurs espèrent la compléter par un système de micro-puces qui permettrait d’identifier les chevaux individuellement et de les suivre par GPS. Ils ont bon espoir : Уяач a déjà réussi deux levées de fonds en Mongolie et elle sera disponible sur Android en septembre.

Heureusement que les smartphones n’existaient pas au 13e siècle.