Si son nom sonne comme celui d’une drag queen inspirée par Nigella Lawson, la Shigella n’est pas une blague — c’est la bactérie responsable de la shigellose, une IST dont certaines personnes sont atteintes sans même le savoir. Comme ses symptômes impliquent des diarrhées, de sévères crampes d’estomac et de la fièvre, il est facile de confondre cette méchante infection intestinale avec une intoxication alimentaire, mais elle est en fait causée par une bactérie présente dans les matières fécales. La Shigellose est également incroyablement infectieuse et n’a besoin que d’une quantité minuscule de bactéries pour se propager. Si vous pratiquez l’anulingus et/ou le sexe anal, vous devez absolument vous sensibiliser à ce problème.
En janvier, l’Agence britannique de sécurité sanitaire (UK Health Security Agency, soit UKHSA) a publié un communiqué de presse mettant en garde contre une augmentation des cas de Shigellose, « principalement chez les homosexuels, les bisexuels et les autres hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes (HSH) », bien que la bactérie puisse être attrapée par n’importe qui, indépendamment du sexe ou de l’orientation sexuelle. Au cours des quatre derniers mois, l’UKSHA a déclaré avoir détecté 47 cas d’une souche de Shigella particulièrement résistante aux médicaments, ce qui représente une forte augmentation par rapport aux 16 cas détectés au cours des 17 mois précédents.
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Bien que l’UKSHA ne l’ait pas précisé, il est fort probable que ces chiffres ne représentent que la partie émergée de l’iceberg, car toutes les personnes qui contractent la Shigellose ne cherchent pas nécessairement à se faire soigner ou à être diagnostiquées avec précision. Ian Howley, directeur général de LGBT HERO, une organisation caritative spécialisée dans la santé et le bien-être, indique qu’au cours des six derniers mois, plus de 5 000 personnes ont consulté les informations relatives à la Shigellose sur leur site Web, ce qui représente une augmentation de 93 %.
« Au plus fort de la pandémie, de nombreux HSH se sont abstenus de toute activité sexuelle, y compris les rapports sexuels en groupe — un contexte où le taux de transmission de la Shigella est susceptible d’être bien plus élevé », explique Howley à VICE. « Mais depuis la levée des restrictions sanitaires, les gens sont lentement revenus à leur activité sexuelle pré-pandémique. C’est probablement la raison pour laquelle nous constatons une augmentation des cas de Shigellose chez les hommes queers. »
Les HSH qui aiment le sexe en groupe, les dark rooms et le cruising sont plus susceptibles d’attraper la Shigella en raison de son mode de propagation. « On peut attraper la Shigella en recevant de très petites quantités de matière fécale dans la bouche, ce qui peut se produire lorsqu’on pratique l’anulingus et le doigtage, ou encore lorsqu’on fait une fellation à une personne ayant auparavant pénétré quelqu’un d’autre par voie anale », explique à VICE Mateo Prochazka, de l’UKHSA. « Les individus qui fréquentent les dark rooms, les sex clubs privés et les lieux de drague sont susceptibles d’avoir des rapports avec plusieurs nouveaux partenaires sexuels, ce qui augmente le risque d’exposition à la bactérie Shigella. »
Si vous souffrez de Shigellose, vous le découvrirez probablement entre un et quatre jours après avoir été exposé à la bactérie. Les symptômes typiques — diarrhée, crampes d’estomac et fièvre — ont tendance à disparaître en une semaine, bien que l’UKHSA note que « pour s’en débarrasser, certaines personnes doivent être hospitalisées afin de suivre un traitement antibiotique par voie intraveineuse ».
Kyle, un homosexuel londonien de 34 ans qui a demandé à rester anonyme, raconte à VICE que sa propre expérience avec la bactérie Shigella l’a parfois rendu « totalement incapable de faire quoi que ce soit ». Kyle est « presque certain » de l’avoir attrapée à quatre reprises au cours de l’année écoulée, à chaque fois après avoir eu des rapports sexuels avec plusieurs partenaires dans un sauna ou une orgie gay.
« Pour moi, c’était bien pire que d’autres IST, parce que les symptômes sont très lourds », dit-il. « On a vraiment l’impression d’être malade. À cause des diarrhées récurrentes, des ballonnements très inconfortables et des sévères maux d’estomac, on n’est même pas capable d’aller travailler, ce qui n’est pas vraiment le cas avec d’autres IST comme la gonorrhée. »
Joseph, un homosexuel londonien de 30 ans qui a également demandé à rester anonyme, raconte que les symptômes liés à la Shigellose « étaient implacables ». Il l’a attrapée par anulingus en juillet dernier. « Je me suis réveillé et je me sentais assez bien pour aller à la gym, mais quelques heures plus tard, j’étais violemment malade et j’ai commencé à avoir la diarrhée. Je ne pouvais plus rien avaler », se souvient-il. « Pendant les 48 heures suivantes, j’étais essentiellement soit au bout de ma vie, soit en train de me chier dessus ».
Après ça, Joseph a enfin cessé de vomir, mais la diarrhée chronique a continué pendant six jours. « Je buvais un demi-litre d’eau avec un sachet d’hydratation par jour — c’est tout ce que je pouvais faire », dit-il. « Je ne mangeais pas, je ne buvais rien d’autre, je ne regardais même pas la télévision parce que j’étais complètement dans les vapes avec pas mal de fièvre et des maux d’estomac. Encore aujourd’hui, je suis incapable de me souvenir de ce que j’ai fait pendant ces six jours, si ce n’est rester allongé sur le sol de la salle de bains pendant la plus grosse partie de la journée et de la nuit. »
Kyle et Joseph se sont tous deux rendus chez leur généraliste avec leurs symptômes, mais ont eu du mal à obtenir un diagnostic précis. Comme Joseph se doutait bien qu’il avait attrapé la Shigellose, il a essayé de le dire à son médecin. Or cela n’a été confirmé que lorsqu’il est retourné chez lui un mois plus tard « avec de graves symptômes de SCI (syndrome du côlon irritable) qui étaient vraiment inhabituels ». Son médecin a fini par l’appeler pour s’excuser de ne pas l’avoir diagnostiqué plus tôt.
Kyle a vécu la même expérience. Sur les quatre fois où il a consulté un généraliste, il ne s’est vu prescrire des antibiotiques qu’une seule fois. « La plupart du temps, ils ne semblaient pas comprendre de quoi je parlais. Je leur disais que je pensais que ça pouvait être la Shigellose, mais ils se contentaient de me demander si j’avais été dans des pays étrangers ou si j’avais bu de l’eau impure. »
Kyle explique qu’une partie du problème est due à cette gêne inhérente qu’on ressent lorsqu’on doit discuter d’un problème de santé sexuelle intime avec un généraliste. C’est évidemment assez difficile de dire, dans cette situation, « en fait, j’ai sucé la bite de quelqu’un après l’avoir mise dans son cul sans capote. Et donc je pense que j’ai chopé la Shigellose », raconte-t-il.
C’est pourquoi Ian Howley, de LGBT Hero, recommande de se rendre dans une clinique de santé sexuelle locale si vous pensez être infecté. « Beaucoup de médecins généralistes ne connaissent pas la Shigellose ou n’y pensent pas à moins que vous ne l’évoquiez », explique-t-il. « Une clinique spécialisée ou un planning familial sont mieux préparés à traiter les symptômes et vous pouvez vous sentir plus à l’aise pour en discuter avec eux. »
Le Dr Alan McOwan, du 56 Dean Street, une clinique de santé sexuelle de Soho, indique qu’il faut impérativement consulter un médecin si « vous remarquez du sang et/ou du mucus dans votre diarrhée, si vous avez de la fièvre ou si les symptômes durent plus d’une semaine ».
Le moyen le plus simple de minimiser le risque de contracter la bactérie Shigella est d’éviter le rimming (anulingus), le fisting et le sexe oral juste après un rapport anal. « Mais si vous appréciez ces pratiques sexuelles, ce n’est évidemment pas réaliste ». Dans cette optique, il affirme que la meilleure politique consiste à prêter une attention particulière à votre hygiène personnelle.
« Assurez-vous de bien nettoyer votre anus après être allé aux toilettes, de nettoyer votre sexe après un rapport sexuel sans préservatif et de vous laver les mains après avoir pratiqué le fisting », ajoute-t-il. « Et n’oubliez pas qu’il n’est pas nécessaire d’avoir une activité sexuelle pour contracter la Shigellose, car la bactérie peut aussi être transmise par simple contact de peau à peau. Se laver les mains régulièrement est donc vraiment très important. »
Heureusement, après deux années passées à tenter d’éviter le COVID, c’est une habitude que nous avons normalement tous prise. Il suffit d’appliquer la même rigueur aux autres parties de notre anatomie.
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