Les cascadeurs vivent dans l’ombre de nos acteurs préférés et ils n’ont peur de rien. Si vous leur dites qu’ils ne peuvent pas faire quelque chose, ils s’entraîneront jour et nuit pour vous prouver le contraire. Accros à l’adrénaline, ils sont volontaires pour se battre contre des méchants, se jeter en bas d’un immeuble de dix étages et se mettre en feu pour la paye, mais aussi pour le plaisir.
Pour en savoir plus sur la vie de cascadeur, on a rencontré les cascadeurs Marc-André Brisebois, 34 ans, originaire de Montréal, et Zandara Kennedy, 33 ans, originaire de Vancouver, qui travaille à Montréal et à Toronto.
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VICE : Décrivez votre métier en une phrase.
Marc-André Brisebois : J’ajoute du réalisme dans les scènes d’action et je prends les risques qui viennent avec.
Zandara Kennedy : On me paye pour tomber.
Quelle est votre cascade la plus débile en carrière?
M.-A. B. : Il y en a plusieurs, mais une des plus marquante, c’est sur John Wick, où je déboulais un escalier en métal. Et mon saut du 10e étage pour une levée de fond pour le Défi Canderel.
Z. K. : La plus difficile physiquement et mentalement était une brûlure corporelle totale que j’ai faite pour une photo immobile prise par les frères Sanchez. Ils utilisaient quatre caméras Hasselbads grand format pour prendre les photos, nous avions donc quatre clichés par brûlure. Le shooting était en hiver et il faisait -30. On m’a mise en feu quatre fois. Entre chaque flambée, on devait refaire le processus de préparation, qui consiste à appliquer plusieurs couches de Nomex imprégnées d’un gel de protection contre le feu. J’avais tellement froid dans le gel que mes mains me brûlaient.
Avez-vous déjà doublé des gens de l’autre sexe?
M.-A. B. : C’est arrivé quelquefois.
Z. K. : Rarement. Je suis trop grande pour doubler des enfants et les productions essaient toujours de trouver des doublures qui ressemblent le plus possible aux acteurs (sexe, ethnicité). Par contre, je vois encore des hommes qui doublent les filles pour faire de la conduite (et des fois d’autres cascades aussi). C’est quelque chose qui m’énerve parce qu’il y a beaucoup de filles qui sont capables de faire la majorité des cascades de conduite. Et règle générale on travaille et on s’entraîne beaucoup plus fort juste pour avoir la chance de montrer notre talent.
Comment est-ce que vous vous entraînez?
M.-A. B. : Mon entraînement est très varié. Jiu-jitsu, cross-training, escalade, course à pied sur route et en montagne, yoga, surf, snowboard, trampoline, moto road race, motocross, conduite automobile en circuit fermé. L’important, c’est d’être polyvalent et de s’adapter facilement.
Z. K. : Je fais beaucoup de temps sur les circuits fermés. Je conduis mon big rig (camion de camionneur), mon char de drift et mon char de police. Je m’entraîne avec d’autres cascadeurs et je complète avec des cours privés d’arts martiaux, de plongée, de trampoline, de parkour, etc.
Avez-vous des répétitions pour des cascades?
M.-A. B. : Ça dépend vraiment des cascades. C’est certain que si un film d’époque avec des épées s’en vient, beaucoup de cascadeurs vont apprendre une ou des chorégraphies d’épées. Ça permet d’être rapide et sécuritaire sur le plateau. Quand la production veut 40 personnes en arrière-plan pour se battre à l’épée, c’est pas sur le plateau qu’on a le temps d’apprendre la chorégraphie. Si tu es embauché, c’est qu’on sait que tu vas arriver prêt et que tu seras sécuritaire pour tes partenaires de jeu. Ça se peut aussi que, finalement, on te demande faire la chorégraphie en sautant par-dessus une table, en évitant qu’une roche te tombe dessus… la chorégraphie, c’est comme le texte d’un acteur : quand tu la maîtrises, c’est après que la magie embarque.
Z. K. : Maintenant, et même sur les productions avec un petit budget, il y aura très souvent des répètes, surtout pour des scènes de combat qui impliquent des acteurs et s’il y a plus de trois, quatre mouvements dans le combat. Notre responsabilité est aussi de mettre les acteurs à l’aise et de ne pas les blesser. Le combat est bâti d’avance, approuvé par le réalisateur, répété avec les acteurs pour des raisons de sécurité, mais aussi pour sauver du temps durant la journée de tournage. C’est faux de penser qu’il est possible de sauver de l’argent en ne répétant pas. On dit souvent que si la production ne veut pas payer pour les répétitions, elle va payer toute l’équipe pour nous regarder répéter sur le plateau.
Quelles sont les règles de sécurité?
M.-A. B. : Le gros bon sens! C’est l’expérience du coordonnateur, celle du rigger et du cascadeur lui-même, et les répétitions qui vont faire que la cascade est sécuritaire. Toutefois, tu es le maître de ta sécurité. Si tu ne le sens pas, tu demandes une minute et tu trouves pourquoi.
Z. K. : Les normes de sécurité varient en fonction de la région où se déroule le tournage, et des règles imposées par la compagnie d’assurance de chaque production. Mes règles impliquent d’être informée le plus possible et le plus tôt possible de la cascade, du montage et de tout autre facteur. Si j’ai des préoccupations, j’en discute avec le coordonnateur des cascades au moment approprié.
Qu’est-ce qu’on fait quand on est rendu un vieux cascadeur?
M.-A. B. : Tu dors! Le temps de récupération est un peu plus long, mais tu peux toujours performer tant que ton corps et ton désir te poussent à le faire. On peut devenir coordonnateur de cascades ou réalisateur d’action.
Z. K. : Les cascadeurs ne sont pas reconnus pour penser à long terme. Il y a beaucoup de cascadeurs qui finissent par être coordinateur de cascades, mais c’est pas tout le monde qui a les compétences. La communauté des cascadeurs doit prendre soin de ses membres. Ça veut dire engager les plus âgés pour faire de la conduite ou des cascades dans des scènes de foule.
Quel conseil donneriez-vous à un jeune cascadeur?
M.-A. B. : Écoute les anciens, entraîne-toi et essaie d’avoir le plus de skills possible. Le sport de combat est un must, mais le judo, c’est la base. Protège ta tête en tout temps, c’est la seule chose qui ne se répare pas.
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Z. K. : N’aie pas peur de poser des questions. Mieux vaut refuser un contrat que d’échouer ou de se faire mal. Si tu n’es pas prêt à faire des sacrifices, c’est pas le bon métier pour toi. L’appel qui change ta carrière peut arriver à tout moment. Sois humble. Les occasions de faire ses preuves ne viennent pas si souvent, c’est important d’être prête et disponible lorsqu’elles se présentent.