Santé

L’air californien est devenu plus suffocant que celui de Pékin

Une famille avec des masques agite un drapeau américain dans un champ.

L’incendie qui ravage la Californie depuis la semaine dernière est le plus meurtrier de l’histoire de cet État américain. Les écoles publiques de San Francisco et de Sacramento ont dû fermer en raison de la pollution. Au cours du week-end, la qualité de l’air dans la région de la baie s’est quelque peu améliorée, mais reste à des niveaux insalubres. Lundi matin, l’Indice de Qualité de l’Air (IQA) de la région était de 171, soit le même indice qu’à Pékin, où il est courant de voir les habitants porter des masques antipollution.

Alors que les autorités locales s’attaquent aux feux et à leurs conséquences immédiates, les experts avertissent que l’air enfumé pourrait avoir de graves conséquences sur la santé. Les habitants devront donc apprendre à gérer l’atmosphère dégagée par les incendies, car ces incendies seront de plus en plus fréquents en raison du changement climatique. « Nous ne devons pas rester passifs face à cette situation », déclare Kari Nadeau, médecin et directrice du Centre Sean N. Parker pour la recherche sur les allergies et l’asthme à l’Université Stanford. « C’est devenu la nouvelle norme. »

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Dans le nord de la Californie, où le « Camp Fire » continue de brûler, les résidents ont pour consigne de demeurer à l’intérieur. Dans le sud de la Californie, où l’incendie de Woolsey est maîtrisé à 91 %, les ordres d’évacuation sont peu à peu levés et les habitants rentrent progressivement chez eux (s’ils ont toujours un chez eux). La qualité de l’air dans cette partie de l’État, bien que moins sévère que celle de la région de la Baie, est encore considérée comme « mauvaise pour les groupes sensibles », c’est-à-dire les personnes âgées et les enfants, selon l’AQI.

Selon Nadeau, cinq jours d’exposition à des niveaux élevés de pollution atmosphérique équivalent à fumer une cigarette par jour pendant un an. Les effets néfastes sur la santé peuvent être immédiats : toux, sécheresse de la gorge, maux de gorge, larmoiement, maux de tête et, pour certains, crises d’asthme.

Tous ses effets sont le résultat d’une tentative de l’organisme de se protéger et d’expulser ces particules, créant ainsi plus de mucus. « Ce sont de petits produits chimiques d’une taille inférieure à 2,5 microns, comme un cheveu, dit-elle. On ne peut pas les sentir. Ils sont invisibles ». Ce n’est pas si différent de la pollution quotidienne telle que les émissions des voitures et autres particules. « C’est la même chose », confirme Nadeau. La différence est que ces incendies ont provoqué des concentrations beaucoup plus élevées que la normale.

Les particules présentes dans l’air proviennent de tout ce qui a été brûlé : des milliers d’hectares d’arbres, des matériaux provenant des maisons, des voitures, des diluants pour peinture, du plastique. « Et le problème, c’est qu’aucun endroit ne permet d’y échapper », déplore Nadeau.

« La seule chose qui élimine les particules du ciel est la pluie, poursuit-elle. Malheureusement, toutes ces particules pénètrent dans l’eau. Ce n’est pas comme si elles disparaissaient. Ce sont des molécules. Il faut s’en inquiéter. »

Pour les enfants, les risques pour la santé peuvent être encore plus graves. Des décennies de recherche montrent un lien entre une forte pollution atmosphérique, l’asthme et un développement pulmonaire déficient chez les enfants. « Nous devons vraiment surveiller les bébés qui sont nés pendant cette période, déclare Nadeau. Auront-ils de l’asthme à des taux plus élevés ? Des maladies auto-immunes ? Nous ne savons pas, mais c’est le type d’étude que nous devons mener. »

Selon les experts, le nombre croissant d’incendies de forêt à travers le monde et leur intensité grandissante sont dus au changement climatique (et non, comme le pense Donald Trump, à l’impossibilité de ratisser les feuilles). L’État est confronté à des températures plus élevées et à des conditions plus sèches. Pour remédier à ce que Jerry Brown, gouverneur de la Californie, a récemment qualifié de « nouvelle anomalie », il est essentiel de ralentir le changement climatique.

« C’est toujours la même histoire : le seul moyen de contrôler la pollution, c’est de ne pas en émettre en premier lieu », déclare Anthony Wexler, directeur du centre de recherche sur la qualité de l’air de l’université de Californie à Davis. « Une fois dans les airs, il n’y a aucun moyen pour nous de le contrôler. »

C’est donc à nous de nous adapter au changement en trouvant des moyens novateurs de travailler dans ce nouveau climat. « Nous pouvons récolter tout ce matériau ligneux accumulé dans nos forêts et l’utiliser pour produire de l’électricité », suggère Wexler. Les avantages seraient doubles, à savoir éclaircir les forêts et créer des énergies renouvelables. « Les gens parlent de le faire depuis des décennies et personne ne le fait. » Si rien ne change, ça ne fera qu’empirer : l’État connaîtra des feux de forêt plus fréquents et plus importants, et par conséquent, un air dangereusement malsain.

Les personnes vivant actuellement dans la région de la Baie restent chez elles. Les purificateurs d’air peuvent être utiles, bien qu’ils n’éliminent pas complètement les risques pour la santé. « Les masques ne sont pas vraiment mieux », déclare Wexler. Si vous avez une barbe, ils sont même complètement inutiles. « Si le masque ne scelle pas complètement votre visage, l’air va le contourner et vous n’en tirerez aucun bénéfice. »

Les masques antipollution comportent également des risques, notamment une augmentation de la fréquence cardiaque et une accumulation de CO2, qui peuvent l’emporter sur les avantages. Le comté de Sacramento a récemment publié un avertissement concernant les masques N95, précisant que seules les personnes à proximité d’un incendie devraient les utiliser et qu’ils pourraient être dangereux pour les personnes souffrant de maladies cardiaques et respiratoires.

« Je n’aime pas ces solutions, déclare Wexler, parce qu’il y a des gens qui n’ont pas les moyens d’acheter des masques, ou qui sont allés à la quincaillerie trop tard. Pourquoi devraient-ils souffrir ? Nous devons éradiquer le problème à sa source. »

Wexler souligne que toutes ces solutions sont des solutions à court terme et n’abordent pas le problème plus vaste.

« Le problème empire chaque année, déclare-t-il. À l’avenir, nous verrons plus de feux de forêt, plus de maisons perdues, plus de personnes décédées. Il y en a certainement qui sont en train de mourir en respirant cet air pollué. »

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