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L’armée américaine est dépendante des jeux vidéo

L’armée américaine considère qu’elle est actuellement dans une période de transition. Aujourd’hui, les soldats s’entrainent moins souvent sur des opérations de « stabilisation » dans un cadre de contre-insurrection qu’il y a dix ans. Ils privilégient désormais l’essentiel : l’affrontement.

Mais l’entrainement en conditions réelles coûte cher, exige beaucoup de temps et d’espace. Former un tireur à prendre en main un char M-1 Abrams signifie qu’il faudra gâcher de vraies munitions, par exemple. Aussi, dans le but de diminuer les coûts, de réduire l’étendue de la période d’entrainement et d’augmenter son efficacité, l’armée américaine a largement adopté des modèles de simulation sous forme de jeux vidéo.

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Ce choix présente cependant quelques problèmes. Certains simulateurs sont plus coûteux que l’organisation d’une simulation d’attaque en conditions réelles, et d’autres sont si mal conçus que les soldats préfèrent jouer à des jeux de guerre grand public, plus réalistes, avec une souris et un clavier.

Malgré cela, à défaut d’être rentables, les jeux de l’armée américaine sont plutôt divertissants. Les mitrailleurs assignés aux chars M-1 peuvent par exemple s’entrainer dans un modèle réaliste de leur tourelle, l’Advanced Gunnery Training System, niché dans un énorme conteneur mobile. Le soldat n’a qu’à observer un simulacre de tank ennemi à travers un viseur, puis à pousser un bouton pour lui tirer dessus.

Même système pour le Stryker, un véhicule blindé dédié au transport de troupes et doté d’un canon de 105 millimètres. Les soldats s’entraînent dans une station de tir simulant un M-2 Bradley, mais qui peut être adaptée à la simulation de toute une collection de véhicules militaires.

Un Marine joue à Virtual Battlespace 3 à Camp Lejeune, en Caroline du nord, en mai 2016. Photo: USMC

Il existe également des simulateurs pour l’infanterie. Dans un jeu appelé Engagement Skills Trainer, les soldats visent des cibles disposées sur un écran à l’aide d’une visée laser ; le but est d’entrainer les troupes à tirer de manière précise et bien coordonnée au sein d’un collectif. Il existe même un simulateur pour les unités d’infanterie qui n’interviennent pas et se contentent de rester postées en observation.

Enfin, l’US Army propose des adaptations de jeux de guerre civils. On peut citer Virtual Battlespace, qui revisite la très populaire série de jeux Arma de Bohemia Interactive.

Évidemment, dire que Virtual Battlespace, Arma et consorts ne procurent pas les sensations d’un combat réel serait un euphémisme. Il n’en est pas moins qu’ils représentent actuellement les jeux de stratégie militaire les plus réalistes du marché.

Depuis longtemps, le Government Accountability Office américain (GAO) (qui contrôle les dépenses de l’État fédéral) encourage l’armée à intégrer la simulation à l’entrainement des troupes. L’armée abonde dans son sens, et voit les jeux comme un support commode pour renforcer des compétences qui ont fait défaut aux Américains lors de précédents conflits. Ainsi, en 2015, l’US Army a dépensé plus de 27 millions de dollars dans des dispositifs de formation virtuels.

« Récemment, l’armée s’est concentrée exclusivement sur les opérations de contre-insurrection ; cela a eu des conséquences malheureuses : de nombreux soldats n’ont pas reçu de formation sur des tâches requises dans un large éventail d’opérations militaires, » rapporte le GAO.

Or, les jeux sont utiles pour entrainer les troupes à effectuer des procédures précises avant de les lâcher sur le terrain. C’est un peu comme faire des heures de simulateur de vol avant de se glisser dans un cockpit avec un instructeur pour s’entrainer en conditions réelles.

Mais selon le rapport du GAO, l’armée utiliserait… trop de jeux, tout simplement.

Prenons le Dismounted Soldier Training System, où les troupes se tiennent debout en caoutchouc, casque électronique RV sur la tête et capteurs attachés aux bras et aux jambes, avant de se déplacer dans un environnement virtuel.

Il n’est pas nécessaire d’attacher les soldats dans une réplique de véhicule à l’arrêt avant de leur présenter des simulations sur écran, si on peut les entrainer tout aussi efficacement avec une souris et un clavier.

Ce simulateur rencontre des « difficultés techniques qui dégradent la qualité de l’entrainement, dont le but était de proposer une formation collective plus pointue que celle du squad, » explique le GAO. En outre, le système coûte 78% plus cher que « l’organisation d’une scène similaire dans un environnement réel. »

Ce n’est pas le seul système virtuel à être tombé en disgrâce. Pourquoi s’entrainer à conduire un véhicule dans un simulateur quand vous pouvez plutôt choisir de suivre une équipe de techniciens de maintenance sur le terrain ? Si un véhicule tombe en panne en territoire hostile, vous devrez savoir réparer vous-même votre engin.

La GAO rapporte : « lors de notre visite, les trois installations de Common Driver n’étaient pas utilisées. Les soldats leur auraient préféré des exercices en conditions réelles. » De nombreux militaires expliquent que la maintenance de ce genre de simulateur est trop lourde pour permettre une utilisation facile.

De plus, les simulateurs seraient souvent redondants.

L’armée dispose d’un système appelé le Reconfigurable Vehicle Tactical Trainer ; il s’agit de placer les militaires dans un Humvee assorti d’une mitrailleuse de calibre 50 et offrant une vue à 360° sur un environnement virtuel à l’aide d’un écran.

Le but était d’apprendre aux soldats à diriger et gérer un convoi attaqué par l’ennemi. Mais on peut faire la même avec Virtual Battlespace, en complexifiant le scénario à l’envi. En bref, pour reconstituer Platoon de manière efficace, il faut avant tout beaucoup d’unités centrales.

Il n’est pas nécessaire d’attacher les soldats dans une réplique de véhicule à l’arrêt avant de leur présenter des simulations sur écran, si on peut les entrainer tout aussi efficacement avec une souris et un clavier. Faites Arma, pas la guerre.

Cet article a d’abord été publié dans War is Boring.