Le 21 février avant l’aube, une escouade de policiers du comté de Pasco en équipement tactique et armes lourdes, émerge d’un énorme véhicule blindé, le Lenco Bearcat, sur une route tranquille près d’une grande maison avec une vue imprenable sur un bayou reliant le golfe du Mexique. Les cinq membres du SWAT se glissent alors jusqu’à la porte d’entrée du domaine, d’après le rapport d’arrestation du département du shérif du comté de Pasco.
Les phares bleus et rouges et la sirène stridente du Bearcat viennent troubler la sérénité de Hayward Lane, une rue résidentielle paisible de Port Richey, une petite ville située sur la côte ouest de la Floride. Un sergent tape du poing sur la porte d’entrée de la maison à deux étages et crie : « Bureau du shérif ! Mandat de perquisition ! Ouvrez la porte ! »
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Personne ne répond.
Le sergent frappe à nouveau. Une fois, deux fois, trois fois, quatre fois. Il s’annonce. Toujours rien. Il revient à la charge, répète les mêmes ordres, tape du poing une cinquième fois. Aucun signe de vie dans la maison.
Il se range sur le côté et deux de ses coéquipiers se mettent en position : l’un d’eux, armé d’un fusil, fait sauter la serrure. L’autre, bélier à la main, enfonce la porte. Une fois à l’intérieur, les policiers déclenchent une grenade incapacitante.
Quelques secondes plus tard, deux fortes détonations se font entendre. L’équipe du SWAT se retire et se met à couvert derrière le Bearcat. Un policier braque le projecteur du véhicule sur la fenêtre du deuxième étage et repère un homme d’âge moyen aux cheveux grisonnants. Il tient un pistolet de calibre 40 dans une main et un téléphone portable dans l’autre.
L’incident peut sembler n’être qu’une énième absurdité de l’« État du Soleil », mais le tireur n’est pas un Floridien ordinaire. Il s’agit de Dale Massad, à l’époque maire de Port Richey, un personnage dont le style de vie impudent devient public quand il est arrêté et accusé de tentative de meurtre à la suite de cet épisode. Articles de presse, dossiers judiciaires et interviews font état d’un élu à la vie personnelle incontrôlable. Il entretient une relation amoureuse avec une femme qui a été emprisonnée à trois reprises pour l’avoir prétendument agressé et accueille chez lui de petits délinquants aux longs casiers qui le fournissent en crack et en meth. Les visites régulières de la police à son domicile le poussent à demander la dissolution du service de police local, une position politique qu’il défend depuis et qui lui vaut une cible encore plus grande dans le dos.
L’image d’un maire drogué et armé jusqu’aux dents en train de tirer sur des policiers à sa porte est tellement absurde qu’elle suscite l’attention dans tout le pays. Même si la politique nationale fait la une des journaux partout dans le monde, la vie quotidienne des Américains est souvent plus affectée par leurs gouvernements locaux. Et comme le reste du pays, ces gouvernements sont parfois dirigés par des excentriques, des incompétents et des criminels.
« Son ancien statut de maire ne le fait bénéficier d’aucun régime de faveur : peu après son arrestation et avant son audition, les policiers le tasent et le jettent à terre, peut-on lire dans une plainte des procureurs »
La Floride compte à elle seule plus de 400 villes, chacune ayant à sa tête son propre maire et son propre préfet de police. Avec autant de fiefs soumis à peu, voire aucun contrôle éthique, il est particulièrement facile pour les escrocs, les fous et autres individus non qualifiés de remporter les élections municipales. Port Richey a une population de 2 739 habitants quand Massad est élu en 2015 – près de 60 pour cent d’entre eux sont en droit de voter, mais seuls 26 pour cent se rendent aux urnes. Sur les 449 citoyens qui participent au scrutin, 182 votent pour Massad. Il obtient 20 voix de plus que le candidat en deuxième place.
« Les petits groupes peuvent être très bons pour ce qui est de motiver les électeurs et de présenter des candidats inhabituels », estime Peter Cruise, directeur exécutif de l’Académie d’éthique publique Leroy Collins à la Florida Atlantic University. Et d’ajouter que : « La Floride prête rarement attention aux événements locaux. »
En effet, personne ne semble prêter attention à Port Richey pendant l’étrange mandat de Massad au sein de la structure de pouvoir local, qui débute en 2002. Mais pour une petite ville peu habituée à une surveillance extérieure, le raid du SWAT n’est que le début du lavage de son linge sale en public.
Dale Massad est assis derrière une vitre blindée, dans une pièce bétonnée du centre de détention de Land O’Lakes, la prison locale située près de la côte du Golfe de la Floride et dirigée par le bureau du shérif du comté de Pasco. Son ancien statut de maire ne le fait bénéficier d’aucun régime de faveur : peu après son arrestation et avant son audition, les policiers le tasent et le jettent à terre, peut-on lire dans une plainte des procureurs.
L’ancien maire, rapporte le parquet, donnait des coups de pied et des coups de poing aux policiers. Il a été électrocuté parce qu’il refusait d’obéir à leurs ordres. (« Ce n’était, selon nous, absolument pas nécessaire, estime Denis deVlaming, l’avocat de Massad, dans une interview. Il était dans sa cellule lorsque c’est arrivé. Il faisait une crise et ils l’ont tasé. »)
Malgré sa personnalité haute en couleur, la descente des policiers chez Massad le 21 février n’a rien à voir avec ses accès de violence ou sa consommation de substances, du moins pas directement. Les agents du Département de l’application de la loi de Floride (FDLE) décident de déployer l’artillerie lourde afin de recueillir des preuves selon lesquelles l’ancien médecin soigne toujours des patients, alors même qu’il a perdu son droit d’exercer il y a plus de deux décennies. Une fois la fumée dissipée, Massad est arrêté et inculpé pour tentative de meurtre sur cinq policiers du comté de Pasco, en plus du crime initial dont il est accusé : la pratique illégale de la médecine. Il risque de passer le restant de ses jours en prison. (Massad a plaidé non coupable à toutes les charges portées contre lui.)
« À l’intérieur du domicile, les agents récupèrent cinq fusils de chasse, quatre armes de poing et cinq fusils d’assaut, dont deux AR-15 »
Pendant ce temps, Caj Joseph, la petite amie de Massad, qui est également présente sur les lieux ce jour-là, est emprisonnée dans la prison du comté pour possession d’arme à feu. À l’intérieur du domicile, les agents récupèrent cinq fusils de chasse, quatre armes de poing et cinq fusils d’assaut, dont deux AR-15. Dans la pièce principale, ils confisquent un stéthoscope, un tensiomètre, une seringue, un appareil d’électrocardiogramme et d’autres appareils et fournitures médicales, selon la liste des pièces à conviction. Massad se voit refuser la libération sous caution et suspendre de ses fonctions par le gouverneur républicain Ron DeSantis. Il démissionne aussitôt de son poste de maire.
Grand aux yeux bleus, Massad arbore une barbe poivre et sel lorsqu’il est interrogé en prison. Ses épaules sont affaissées dans un uniforme pénitentiaire orange et blanc flanqué de l’inscription « détenu » dans le dos et ses mains sont menottées. Deux policiers au visage de marbre montent la garde, un autre braque une caméra sur le politicien déchu.
« J’ai grandi dans l’Oklahoma. J’ai été élevé dans l’esprit de l’Amérique et de la liberté, dit Massad. Je découvre que ces choses-là n’existent plus. Ces types me regardent comme si j’étais un chien. »
Il est enroué. Il parle d’une voix basse et traînante. Ses yeux s’élargissent alors qu’il compare son malheur aux tribulations du magnat de l’immobilier qui occupe actuellement la Maison Blanche. « Le président Trump a une expression pour désigner ce que vous avez contre moi », clame Massad, fervent républicain qui, techniquement – et comme la plupart des maires de Floride – s’est présenté aux élections en ne se réclamant d’aucun parti politique. « Des fake news ! C’est tout ce que vous avez. »
Durant 45 minutes, Massad parle longuement de la décision qui lui a coûté son poste et sa liberté. Il sait que l’interrogatoire est filmé et que toute déclaration qu’il s’apprête à faire pourra être utilisée contre lui. Il est impatient de donner sa version de l’histoire : à l’entendre, il est victime de relations « tendues » avec les forces de l’ordre. Ça, la police ne peut que le confirmer.
« Nous sommes allés chez lui une cinquantaine de fois au cours des trois dernières années, explique Gerard DeCanio, chef de la police de Port Richey. Tout le monde lui a conseillé de changer de fréquentations. »
Petit-fils d’un immigré libanais, Massad quitte l’Oklahoma pour la Floride en 1976. Son diplôme de médecine en poche, il obtient un internat d’un an au service des urgences d’un hôpital local. Au cours de ses treize premières années d’exercice, il ne fait l’objet d’aucune plainte, selon les dossiers en ligne du service de santé.
Mais le 22 août 1990, la carrière de Massad connaît une première fausse note. À l’époque, il vit à Palm Harbor, une autre ville de la côte du golfe du Mexique, située à environ 24 kilomètres au sud de Port Richey. Une opération au laser sur une fillette de trois ans pour enlever des taches de naissance tourne au drame. Un dentiste, convoqué par Massad pour faire office d’anesthésiste parce que la zone affectée se trouve autour de la bouche, injecte à la petite fille une dose mortelle de lidocaïne. Elle est prise de convulsions et vire au bleu. Massad n’a pas d’oxygène dans son cabinet. Quelques minutes s’écoulent avant l’arrivée des ambulanciers, selon une plainte du service de santé de la Floride. L’enfant meurt trois jours plus tard.
« Je vis dans le bayou, dit-il. Je peux pêcher. Je peux faire du jet-ski. J’ai tout ce dont j’ai besoin » – Massad
Le ministère de la Santé accuse Massad d’avoir pratiqué une médecine non conforme aux normes et d’avoir ignoré les premiers signes indiquant que la vie de l’enfant était en danger. En octobre 1992, Massad renonce volontairement à son droit d’exercer. La famille de la victime reçoit 300 000 dollars de dommages et intérêts. En 1998, dans un article du Sun-Sentinel, Massad exprime des remords : « Si je pouvais mourir pour que cette enfant puisse vivre, je le ferais. »
Lors de son interrogatoire, Massad assume complètement sa responsabilité dans la mort de la fillette. « J’ai dit à sa mère que je lui donnerais tout l’argent que j’avais, dit-il. J’ai décidé de ne pas me battre. »
En 1999, Massad laisse derrière lui le désastre de Palm Harbor et s’installe à Port Richey, où il achète sa maison au bord de l’eau pour 151 000 dollars, selon le site de l’estimateur de biens immobiliers du comté de Pasco. « J’ai juste remonté la côte et j’ai trouvé cet endroit, dit-il. La maison n’était pas incroyable, mais le terrain était très beau. »
Au fil des années, il rénove la propriété à son goût. Au moment du raid, la maison, qui comprend cinq chambres à coucher, est équipée d’un ascenseur qui va du deuxième étage au rez-de-chaussée et qui mène à une salle de jeux, une piscine, un patio et une maison d’hôtes séparée. Le garage peut accueillir jusqu’à cinq voitures. Il y a également deux quais à bateaux, un élévateur à bateaux, une station de nettoyage du poisson et une rampe pour bateaux. L’entreprise d’annonces immobilières Zillow estime la propriété à environ 601 820 dollars au début du mois de juin.
Massad explique qu’il subvient à ses besoins grâce à une épargne-retraite et que la vie au bord de l’eau à Port Richey est plus abordable que dans les quartiers riverains d’autres villes côtières de Floride. « Je vis dans le bayou, dit-il. Je peux pêcher. Je peux faire du jet-ski. J’ai tout ce dont j’ai besoin. »
Vers 2000, Massad s’engage dans une nouvelle voie et lance sa carrière politique. Des amis l’encouragent à se porter candidat à un siège vacant au sein du conseil municipal de Port Richey. Il se présente sous le nom de « Doc ». Deux ans plus tard, les électeurs lui accordent un nouveau mandat de deux ans.
En 2004, Massad perd sa tentative de réélection, mais se fait réélire deux ans plus tard. En 2008, il perd de nouveau et reste à l’écart de la politique de Port Richey pendant les sept années suivantes. Mais en 2015, encore une fois poussé par ses amis, il se présente comme maire lors d’une élection spéciale et, contre toute attente, il gagne.
Tout au long de sa carrière politique, Massad fait campagne en promettant, entre autres, de financer le dragage de 25 canaux à Port Richey. En 2017, le conseil municipal vote un budget de 272 875 dollars pour draguer la première voie navigable, une première victoire pour Massad. « Port Richey possède les propriétés riveraines les moins chères de la côte, explique Massad en prison. Dès qu’on aura dragué ces canaux, les gens se précipiteront pour entrer dans la ville. »
Bien entendu, lorsqu’il se présente au poste de maire, la vie privée de Massad cache déjà un cocktail détonant de chaos et d’activités criminelles.
Le 6 août 2015, la police reçoit un appel de Massad et se rend à son domicile. L’ancien médecin se trouve dans la pièce principale et braque une arme à feu sur un conduit d’aération, selon le Tampa Bay Times.
Massad explique à la police que trois hommes se cachent dans le conduit et les espionnent, sa copine et lui, pendant qu’ils font l’amour. Le policier lui demande alors s’il a consommé de l’alcool ou de la drogue, ce à quoi Massad répond : « Vous savez que j’aime faire la fête et que je vous le dirais si c’était le cas. » La compagne de Massad admet quant à elle avoir pris « une petite ligne de cocaïne ». Les officiers ne trouvent pas d’intrus dans la maison.
Des rapports d’incidents de la police et d’autres dossiers judiciaires suggèrent que Massad apprécie la compagnie de certains habitants de Port Richey qui jouissent d’une assez mauvaise réputation. Sa petite amie Caj Joseph a été arrêtée au moins 21 fois dans le comté de Pasco depuis 2011 et a fait l’objet de cinq condamnations pour crime. Parmi les chefs d’accusation pour lesquels la femme de 58 ans a plaidé coupable, il y a celui de coups et blessures sur Massad : le 4 juin 2017, elle le cogne au visage et lui frappe la jambe avec une portière de voiture.
Caj Joseph est condamnée à neuf mois de prison dans le comté. À sa sortie, elle se réconcilie avec Massad. À la fin du mois d’août de l’année dernière, ils sont tous les deux arrêtés pour violences conjugales. Ils passent la nuit en prison, mais les charges sont abandonnées.
Caj Joseph n’est pas la seule personne vivant sur la propriété de Massad à être dans le collimateur de la police. Entre 2017 et 2018, un vagabond nommé Corey White s’installe pendant quelques mois dans la maison d’hôtes de Massad pour 400 dollars par mois. Depuis 2016, l’homme de 50 ans a déjà été arrêté pour coups et blessures sur une femme enceinte, cambriolage, harcèlement, cyberharcèlement, vol à l’étalage et dégradation volontaire, selon le casier judiciaire du comté de Pasco.
Le 24 janvier 2018, White appelle la police en affirmant qu’une femme s’est introduite par effraction dans la maison d’hôtes et lui a dérobé 80 dollars ainsi que trois flacons contenant du Xanax, de la morphine et de l’oxycodone. Massad confirme les dires de White aux policiers. Il dit avoir vu une femme et un autre individu près de la maison d’hôtes tôt le matin. Il les aurait alors menacés et ils se seraient enfuis, selon le rapport d’incident.
L’amitié entre les deux hommes se dégrade peu de temps après. En avril de la même année, d’après les archives judiciaires, Massad entame une procédure d’expulsion contre White pour défaut de paiement de loyer depuis février.
En octobre dernier, Massad trouve White évanoui sur son porche arrière et appelle la police. Entre-temps, White se réveille, attrape une serviette et s’enfuit avant que les policiers n’arrivent, d’après un rapport d’arrestation. Il est rattrapé et arrêté pour cambriolage présumé d’un logement inoccupé.
La nouvelle des problèmes de Massad arrive aux oreilles de l’hôtel de ville, mais ses collègues du conseil municipal et les principaux responsables de l’administration semblent permettre au maire de l’époque de s’adonner à de mauvais comportements. En 2017, le directeur municipal Vincent Lupo donne à Massad un pistolet qui sera retrouvé parmi les trois armes à feu volées chez lui un an plus tard, selon un article du Tampa Bay Times décrivant les exploits du maire. Lupo explique au journal qu’il a vu un jour que l’une des armoires de cuisine de Massad était remplie de flacons de pilules sur ordonnance qui n’étaient pas sous son nom. Il a conseillé au maire de jeter les flacons et n’a pas signalé ce fait à la police avant que le FDLE ne lance son enquête.
Mais une fois que la police commence à mettre son nez dans les pratiques de la médecine illégales du maire, Lupo se montre plus disposé à partager ce qu’il sait de lui. Un autre article du Tampa Bay Time identifie White comme un informateur de la police. Il aurait dit aux agents avoir vu Massad soigner des gens et se procurer des substances illégales. L’ancien locataire du maire aurait lui-même acheté de la drogue pour son propriétaire à plus de 60 reprises, principalement du crack et de la meth. Massad avait recours à des coursiers pour ne pas se faire attraper.
« Écoutez, je suis un enfant des années 60, dit-il. Est-ce que je me drogue aujourd’hui ? Non. Est-ce que je me suis drogué par le passé ? Oui » – Massad
DeCanio, chef de la police de Port Richey, confirme qu’une personne vivant chez le maire lui a appris que ce dernier exerçait sans permis. Pour éviter tout conflit d’intérêts potentiel, DeCanio transmet le témoignage au FDLE, qui juge l’information crédible. Une source affirme également à la police que Massad lui a retiré un hameçon dans le dos et lui a administré une piqûre de cortisone. Un autre témoin dit que Massad lui a recousu une profonde lacération à la cheville, selon une plainte pénale.
« Ma relation avec Massad était plutôt bonne, déclare DeCanio. Il me soutenait. Mais il était de mon devoir de prendre des mesures sur la base de ces informations. Je ne pouvais pas les balayer sous le tapis. »
Massad, de son côté, adopte une attitude nonchalante vis-à-vis des activités qui se déroulent sur sa propriété. Il explique qu’il ne juge pas les personnes qui entrent dans son étrange demeure. « Je ne vais pas appeler la police pour connaître leur casier judiciaire, marmonne-t-il. Dans le comté de Pasco, une personne sur deux est un criminel. Je n’interroge pas les gens sur leur passé quand ils viennent chez moi. Mais aucun d’eux n’était un meurtrier, un violeur ou quoique ce soit d’autre. »
Interrogé sur son alcoolisme et sa consommation de produits illicites, Massad offre une réponse faussement effarouchée. « Écoutez, je suis un enfant des années 60, dit-il. Est-ce que je me drogue aujourd’hui ? Non. Est-ce que je me suis drogué par le passé ? Oui. »
L’enquête du FDLE se met en marche le 29 septembre 2018, lorsque Donald Howard, un policier de Port Richey, se présente chez Massad en feignant une blessure au genou. Massad lui diagnostique une blessure au tendon et lui propose des médicaments injectables qu’il pourra s’administrer lui-même à l’avenir.
En prison, Massad, impénitent, explique être victime d’un complot orchestré par DeCanio et ses subalternes. Ces derniers voudraient se débarrasser de lui en raison de sa volonté de dissoudre le département de police. Mais la seule personne à témoigner en sa faveur est une ancienne petite amie.
« On a même enregistré le chef de la police en train de dire “S’il commet un crime, il ne peut pas être maire”, poursuit Massad, suggérant que les flics ont concocté un plan pour se protéger. Alors ils se sont mis d’accord sur la pratique illégale de la médecine, tout ça parce que j’ai retiré un hameçon dans le dos d’un type. »
Il n’y a rien dans les registres publics pour étayer les dires de Massad, et DeCanio affirme que ses propos ne sont que pure invention. « Au lieu d’assumer la responsabilité de ses actes, il préfère dire que la police a une vendetta contre lui, dit DeCanio. Rien n’est plus faux. »
On pourrait penser qu’une arrestation matinale pour tentative de meurtre lors d’un raid du SWAT freinerait l’instinct de Massad. C’est loin d’être le cas.
Le 3 mars, peu avant 23 heures, alors qu’il est incarcéré dans la prison de Land O’Lakes, Massad passe un coup de fil à Terrence Rowe, un conseiller municipal de Port Richey choisi par trois autres membres pour occuper la fonction de maire intérimaire. Les deux politiciens bavardent quelques minutes comme de vieux copains rattrapant le temps perdu. Puis Massad aborde le sujet de Howard, le flic de Port Richey qui avait feint une blessure au genou.
« Je pense que Howard a été embauché illégalement, licencié légalement et réembauché illégalement, déclare Massad lors de l’appel enregistré, selon un rapport d’arrestation. Je ne sais pas pourquoi, mais il est au courant de tout. »
Onze jours plus tard, Rowe est arrêté à son tour. Lors de l’audience, les procureurs ainsi que la juge Mary Handsel de la cour de circuit de Pinellas-Pasco, concluent que le coup de fil entre les deux hommes laisse entendre qu’ils vont soudoyer un témoin, l’agent Howard. Les procureurs portent plainte pour obstruction à la justice et communication illégale contre l’ancien maire et accusent Rowe des deux mêmes chefs. Lui aussi est suspendu de ses fonctions.
Rowe plaide non coupable. Le conseil municipal, composé de cinq membres, compte actuellement deux sièges vacants, mais une élection spéciale pour élire un nouveau maire est prévue en date de ce jour, le 18 juin.
Pendant ce temps, Massad fait des efforts inutiles pour obtenir sa libération. En avril, ses avocats ont demandé qu’il soit incarcéré sous caution. La Cour d’appel du 2e district de Floride a annulé la demande. Massad a également demandé que Handsel soit démise de ses fonctions de juge-présidente, alléguant qu’elle avait fait preuve de partialité à son endroit et qu’elle était en conflit d’intérêts parce qu’elle est mariée à un ancien policier.
Quant à la fusillade avec les policiers, Massad dit s’être armé si lourdement parce qu’il croyait à un cambriolage, selon une demande de remise en liberté déposée par ses avocats en mars. Le document cite l’historique de dizaines d’appels de Massad au 911 [le numéro d’appel d’urgence nord-américain, NDLR] pour des cambriolages présumés comme preuve qu’il avait des raisons de se protéger. Ses avocats suggèrent également que des preuves photographiques montrent que Massad a tiré des coups de semonce et qu’il n’avait pas l’intention de viser quelqu’un.
Lors de l’interrogatoire, Massad s’en tient à sa stratégie de défense. « J’ai entendu du bruit, dit-il. Je suis groggy au saut du lit et j’ai eu une peur bleue. »
Tout en mimant la façon dont il a pointé son arme, Massad ajoute qu’il a tiré des coups de semonce qui ont heurté le mur de son ascenseur et une zone directement en face de lui. Il insiste sur le fait qu’il était impossible que les balles touchent les agents qui franchissaient la porte d’entrée.
Le 5 avril, l’équipe de la défense de Massad fait visiter sa maison aux journalistes qui font le même constat. À l’aide d’un pointeur laser, son avocat, deVlaming, identifie deux impacts de balle au deuxième étage. D’après l’endroit où les balles ont atterri, les policiers n’étaient pas dans la ligne de mire, selon deVlaming. Il soutient également que Massad craignait que les cambrioleurs ne se fassent passer pour des policiers.
« L’enregistrement du 911 nous montre bien que tous les deux ne savaient pas s’il s’agissait de vrais policiers ou non, dit deVlaming au sujet de Dale Massad et Caj Joseph, qui ont appelé la police pendant l’intervention. Ce ne serait pas la première fois que de faux flics tentent d’arnaquer les gens ou de cambrioler une maison. »
Massad doit être jugé plus tard ce mois-ci pour obstruction à la justice et communication illégale. La date de son procès pour tentative de meurtre et pratique illégale de la médecine n’est pas encore fixée.
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