En 1984, une bombe est tombée sur la télévision britannique.
Il s’agissait de Threads, un docu-fiction sur la guerre nucléaire particulièrement fouillé. Contrairement à beaucoup d’autres films, livres et téléfilms qui traitent de l’arme atomique, Threads montre ce que la vie des personnes ordinaires deviendrait si les ogives se mettaient à pleuvoir en rangs serrés, et c’est sans doute l’une des oeuvres les plus effroyables qu’il m’ait été donné de voir sur un écran.
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Threads a traumatisé une génération toute entière. La BBC ne l’a diffusé que deux fois : une fois en 1984 et une fois en 1985, pour le quarantième anniversaire des bombardements atomiques d’Hiroshima et Nagasaki. Après ça, elle l’a laissé sur ses étagères pendant 20 ans. Quand TBS l’a diffusé aux États-Unis en 1985, Ted Turner lui-même l’a présenté au public. “Plus nous avons conscience de ce qui pourrait arriver, moins nous risquons que cela arrive”, avait alors déclaré le millionnaire.
En dépit de sa puissance et de son actualité, Threads a toujours été difficile à dénicher en-dehors de Grande-Bretagne. Ce ne sera bientôt plus le cas. Le 30 janvier prochain, une version restaurée sur DVD et Blu-ray sera lancée par la société de production et de distribution américaine Severin. Pour ne rien gâcher, elle sera agrémentée d’interviews avec l’équipe et les acteurs.
« Severin a passé une bonne partie des dix dernières années à tenter d’obtenir la licence d’exploitation de ce film que nous admirons, explique l’un de ses employés, John Johnson, dans un mail adressé à Motherboard. Ceci dit, il revient aussi au meilleur moment car, une fois de plus, la menace d’un conflit nucléaire plane au-dessus de nos têtes. »
Threads se déroule dans la ville industrielle de Sheffield en 1984. Il raconte l’histoire d’une guerre nucléaire vue des yeux des habitants de la ville. Il n’y a pas de présence militaire importante, de héros ou de morale. Les racines géopolitiques de la guerre sont détaillées en arrière-plan et perdent toute leur importance à l’instant où la bombe d’une mégatonne éclate dans le ciel de la ville.
Dans les instants qui suivent l’explosion, les gens commencent à mourir de manière proprement atroce. Contrairement à ce qu’on pourrait croire, une frappe nucléaire n’est pas l’affaire d’un instant. Il y a d’abord un flash. Ceux qui y succombent immédiatement sont les plus chanceux. À l’inverse, ceux qui survivent à l’effet de souffle initial ont de grandes chances de finir empoisonnés par les radiations, étouffés sous les débris ou liquéfiés par la chaleur nucléaire.
Threads ne parle pas de la capacité de l’humanité à s’adapter et survivre. Il ne porte aucun message d’espoir ou de solidarité : dans les restes dévastés de Sheffield, les survivants ne s’entraident pas. Ce n’est pas Je suis une légende ou Armageddon, le sacrifice d’une seule personne ne suffit pas à sauver le monde.
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Au contraire, la société s’effondre. Les policiers utilisent le peu de pouvoir qui leur reste pour abuser des rescapés, exécuter les pillards et parquer malades et infirmes. Des millions de personnes meurent, la Grande-Bretagne régresse et entre dans un nouvel âge obscur.
Threads est un film important. La fausse alerte nucléaire de Hawaii a rappelé que nous étions toujours terrifiés par la perspective d’une guerre atomique. En même temps, nous prenons rarement le temps de penser au déroulement et aux effets de cette guerre. Threads ose montrer ce que le public a du mal à concevoir, à savoir que les conséquences d’un affrontement nucléaire sont bien pires que le bruit des détonations.