Alors que le football masculin en tant qu’institution est truffé d’homophobie – qu’il s’agisse d’abus de la part des supporters ou de pression exercée sur les joueurs pour qu’ils gardent le silence sur leur sexualité de peur de perdre un contrat de sponsoring – le football féminin a développé une culture LGBTQ beaucoup plus solidaire et transparente.
Les équipes anglaises masculines de première division ne comptent actuellement aucun homme footballeur ouvertement homosexuel. Les quelques joueurs qui sortent du placard (ils sont littéralement quatre) le font généralement après avoir pris leur retraite. Le football féminin, en revanche, compte de nombreuses joueuses lesbiennes ou bisexuelles, de Karen Bardsley à Lucy Bronze, qui font toutes les deux partie de l’équipe nationale anglaise, en passant par de nombreuses joueuses internationales, comme l’Allemande Nadine Angererer ou l’Américaine Megan Rapinoe. Le football féminin a construit une culture de l’acceptation sans précédent par rapport à son homologue masculin, ce qui est libérateur pour les joueuses qui n’ont pas à subir la menace de l’homophobie dans leur carrière professionnelle, même si cela peut aussi conduire à des situations très complexes.
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« Bien entendu, tout le monde sait que nous sommes ensemble. Mais en fin de compte, c’est notre métier, alors quand nous arrivons sur le terrain, nous sommes de simples coéquipières » – Ana Romero, joueuse du Betis Séville
Par exemple, qu’est-ce que ça fait de sortir avec sa coéquipière ? Est-il possible de séparer vie amoureuse et vie professionnelle quand vous êtes ensemble sur le terrain tous les jours ? Et dans quelle mesure cela affecte-t-il votre jeu ?
Ana Romero est une footballeuse espagnole qui a joué dans des équipes comme Séville, Rayo Vallecano, Espanyol, Barça, Ajax ou Valence. Elle a rencontré sa petite amie, Merel van Dongen, quelques semaines après son arrivée à l’Ajax. Après presque trois ans de relation, Romero et Dongen jouent désormais ensemble pour le Real Betis. Avoir à concilier relation et carrière est un véritable défi pour Romero : « Si je passe une bonne saison et que ma partenaire va bien, alors tout va bien, mais si l’une de nous arrête de jouer parce qu’elle est blessée, alors chaque jour peut être terrible. Ce qui va la rendre heureuse va me torturer. »
Romero a parfois du mal à gérer les critiques des fans. Si l’analyse d’après-match est incontournable, il arrive qu’on les accuse d’avoir mal joué au motif qu’elles auraient des problèmes conjugaux. « Tout le monde est au courant pour notre relation, mais nous n’en parlons pas sur les réseaux sociaux de peur que les fans commencent à dire que nous nous passons tout le temps le ballon ou que nous avons mal joué parce que nous sommes énervées l’une contre l’autre. ».
« Bien entendu, tout le monde sait que nous sommes ensemble, poursuit-elle. Mais en fin de compte, c’est notre métier, alors quand nous arrivons sur le terrain, nous sommes de simples coéquipières. »
Jouer avec sa petite amie n’est pas une expérience réservée aux joueuses professionnelles. En raison de la popularité des matchs féminins et de la visibilité de la communauté LGBTQ au niveau professionnel, de plus en plus de joueuses décident de jouer avec leurs partenaires.
« Je crois que j’ai commencé à jouer quand j’avais, je ne sais pas, cinq ou six ans, me dit Louise Selsby, qui travaille pour la Fédération anglaise de football, au téléphone. J’ai rencontré ma petite amie, Roanna Fawcett, grâce à des amis communs. C’est une super sportive et elle aime tout essayer. Nous avons joué au foot dans un parc, mais nous n’avions jamais joué ensemble. »
Il y a quatre ans, elles ont toutes les deux décidé de rejoindre Lambeth Allstars, une équipe communautaire féminine du sud-est de Londres, et ont disputé plusieurs matchs de championnat et une finale de coupe ensemble. Bien que les matchs de la ligue du samedi se déroulent dans une atmosphère plus détendue, il reste nécessaire de veiller à ne pas laisser un passe-temps commun affecter votre relation.
« Dans l’ensemble, tout se passe bien, et c’est très important, me dit Selsby, Mais au début, quand nous avons commencé à jouer à 11, nous avons dû avoir une conversation. Parce que je la connais si bien, je peux avoir la critique facile sur le terrain. »
« Les matchs féminins sont fréquentés par un public plus jeune et plus diversifié qui génère une ambiance mille fois meilleure pour les fans »
Roanna, qui ne joue pas au foot depuis aussi longtemps que Selsby, est d’accord pour dire qu’il est important de trouver un moyen de communiquer sur les questions sensibles, par exemple sur la qualité d’une passe.
« Jouer au football avec ma partenaire, c’est tout ce que j’ai connu. C’est vraiment génial d’avoir cette personne qui est là pour vous soutenir et vous encourager, mais elle sera aussi super directe si vous êtes nulle, me dit-elle. Mais le pire, c’est quand elle rate des buts et que je dois la réconforter pendant deux jours – elle pleure et n’arrive pas à dormir. »
Autre problème : qui reste dans l’équipe en cas de séparation ? « La rupture a été très difficile parce que nous devions nous rencontrer sur le terrain le lendemain et tous les jours suivants pendant des mois, explique Johanne Fridlund, une footballeuse professionnelle qui, avec son ex, a joué pour l’équipe norvégienne de première division Vålerenga. C’était difficile, mais nous étions amies avant d’être ensemble et nous le sommes toujours. Ça aurait pu être pire. »
Une telle situation peut être délicate sur le plan émotionnel, mais elle peut l’être encore plus sur le plan professionnel. Fridlund pense-t-elle que sa relation ou la fin de celle-ci pourrait affecter sa carrière ?
« À vrai dire, je ne le sais pas encore, répond-elle. J’étais contente de faire mon coming out car ça m’a rendu la vie plus facile. Mais je n’avais pas d’espace à moi pour me concentrer et faire mes propres trucs, parce que je pensais constamment à elle et que nous jouions au même poste, donc c’était un peu difficile. »
La culture de tolérance qui règne dans le football féminin est un aspect essentiel pour de nombreux couples. C’est évident sur le terrain : alors que les matchs masculins sont peuplés de mecs qui s’insultent les uns les autres, les matchs féminins sont fréquentés par un public plus jeune et plus diversifié qui génère une ambiance mille fois meilleure pour les fans, quelle que soit leur sexualité.
Cette attitude inclusive peut aussi faciliter les choses pour les femmes qui vivent leur première relation homosexuelle dans le football, comme Fridlund : « Quand nous nous sommes rencontrées, je n’avais pas encore fait mon coming out, explique-t-elle. Mais la plupart des gens dans le football féminin n’ont aucun problème avec l’homosexualité, bien au contraire. C’est juste super inclusif. »
Le football féminin : le meilleur endroit pour trouver l’amour, une coéquipière, ou les deux.
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