Mise à jour du 13/05/16 : La police de Philadelphie a avoué vendredi 13 mai qu’elle se cachait derrière cette sombre affaire de véhicule maquillé dans le cadre d’une opération de surveillance civile. Le logo Google aurait été placé par un agent peu scrupuleux, et aucun ordre officiel de la chaine de commandement n’aurait été donné en ce sens. La voiture n’appartient donc pas à une agence gouvernementale américaine, et la prétendue caméra à 360° est en fait un lecteur automatique de plaques d’immatriculation.
Sur la vitre arrière d’un SUV garé dans le tunnel du Philadelphia Convention Center, on distingue sans ambigüité le logo de Google Maps ; sur son toit, on aperçoit deux grosses caméras conçues pour lire les plaques d’immatriculation. Pour un passant lambda, le véhicule a tout l’air de faire partie de la flottille de voitures chargées par Google de prendre des clichés pour Google Street View.
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Mais d’autres tels que Matt Blaze, professeur d’informatique à l’université de Pennsylvanie, ne se sont pas laissés berner et ont immédiatement dénoncé la supercherie : il s’agit en réalité d’un véhicule de surveillance appartenant au gouvernement. Blaze a tweeté une photo du véhicule accompagnée d’une légende adéquate : « WTF ? ».
L’étonnement de Blaze est légitime. Pourquoi une agence gouvernementale aurait-elle ainsi besoin de déguiser un véhicule de surveillance ? Et de quelle agence s’agit-il ?
Une vignette sur le tableau de bord indique que le SUV est enregistré auprès du Philadelphia Office of Fleet Management, qui gère les 6316 véhicules appartenant à la municipalité, ce qui signifie qu’il est utilisé par une agence locale.
Christopher Cocci, qui gère la flotte de véhicules de la ville et dont la signature figure sur le document, assure que le véhicule n’appartient pas à la police de l’état de Pennsylvanie, qui est connue pour utiliser des techniques de reconnaissance automatique des plaques d’immatriculation (ALPR), ni à la Philadephia Parking Authority, une agence locale qui a aussi recours à cette technologie. Alors, à qui appartient ce camion de surveillance ?
« Tous les véhicules municipaux, qu’ils soient attribués à la police, aux pompiers, au nettoyage etc. sont enregistrés auprès de la ville », nous a affirmé Christopher Cocci par e-mail après avoir vu les photos. Il pense aussi que le véhicule a à voir avec une activité policière.
À moins que les pompiers de Philadelphie n’utilisent l’ALPR, il y a donc de bonnes raisons de penser que la police de la ville arpente les rues en se faisant passer pour Google tout en prenant des milliers de photos de plaques d’immatriculation par minute. C’est pour le moins surprenant, puisque depuis 2011, la police de Philly déploie au moins 10 unités équipées de caméras mobiles et ne s’en est jamais cachée.
L’utilisation de l’ALPR est controversée en raison de sa capacité à photographier des milliers de plaques d’immatriculation par minute, ce qui signifie au passage que la technologie permet de traquer les allées et venues de n’importe qui. À Philadelphie, la police peut conserver ces données pendant un an, alors que l’immense majorité de la population ne fait pas l’objet d’une enquête. Quant aux données qui concernent directement des enquêtes en cours, elles peuvent être conservées indéfiniment, selon un inspecteur.
Dès lors, à quoi bon ce subterfuge ? Les porte-parole de la police locale n’ont pas souhaité répondre à nos questions.
« Nous pouvons confirmer que ce véhicule n’a rien à voir avec Google Maps, et nous sommes actuellement en train de mener l’enquête », a déclaré Susan Cadrecha, porte-parole de Google. Elle n’a toutefois pas souhaité dire si Google était inquiet ou agacé qu’une agence gouvernementale utilise des véhicules équipés de systèmes de surveillance aussi puissants que controversés en les faisant passer pour des Google Street Cars.
Cadrecha a simplement affirmé que la firme communiquerait davantage sur le sujet dès que des éclaircissements auront été faits.