Le harcèlement sexuel n’est pas un problème, selon les dirigeants d’entreprises

L’écrasante majorité des dirigeants et administrateurs canadiens jugent qu’il n’y a pas de problème de harcèlement sexuel au sein de leur entreprise. Pourtant, le tiers d’entre eux admettent avoir été mis au courant de cas de harcèlement.

Ce sont les principaux constats qui émanent d’un sondage mené par le Gandalf Group et publié lundi par le Globe and Mail. Sur les 153 dirigeants interviewés, presque tous étaient des hommes : 95 %.

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Plusieurs études récentes ont démontré que le harcèlement sexuel est bien présent en milieu de travail. Au début de décembre, un sondage mené par Insights West concluait que la moitié des Canadiennes avaient été victimes de harcèlement sexuel au courant de leur carrière. On observe que seulement près du quart d’entre elles ont rapporté les incidents à un supérieur ou au service des ressources humaines. En novembre, un rapport du ministère du Travail révélait que 30 % des répondants (majoritairement des femmes) avaient été la cible de harcèlement sexuel au travail.

Pas de problème ici

Presque tous les dirigeants sondés (94 %) croient que le harcèlement sexuel n’est pas un problème chez eux. Les problèmes, s’il y en a, sont chez les autres, à en lire les données. Si seulement 5 % des dirigeants jugent que le harcèlement sexuel est un problème dans leur compagnie, ils étaient plus susceptibles de dire qu’il représente un problème plus global au sein de leur industrie (34 %).

La majorité des patrons (53 %) s’entendent également pour dire que la majorité des cas de harcèlement ne sont pas rapportés. Mais au sein de leur compagnie, les patrons (56 %) croient qu’ils sont plus susceptibles de l’être.

Un manque de sensibilisation

En entrevue avec VICE, la directrice générale du Groupe d’aide et d’information sur le harcèlement sexuel au travail du Québec (GAIHST), Yvonne Séguin, ne s’étonne pas de voir presque tous les employeurs assurer qu’il n’y a pas de problème de harcèlement dans leur entreprise.

Cela fait écho à ce que les membres de l’organisme ont pu constater il y a plusieurs années, raconte Mme Séguin, lorsqu’ils avaient repris contact avec toutes les entreprises dont le GAIHST avait traité les dossiers de harcèlement sexuel à la Commission des droits de la personne.

« On a attendu deux, trois ans et on les a rappelés pour voir s’ils avaient besoin d’aide pour mettre sur pied une politique, s’ils avaient besoin de sessions de sensibilisation pour les employeurs. Et dans tous les cas – il n’y a pas eu une exception là-dedans – tout le monde nous ont dit : “Non, nous autres ici, on n’a pas ce problème-là.” Mais on le savait qu’ils avaient eu ce problème-là, parce que c’est nous autres qui avaient été impliqués dans le dossier! » s’exclame la directrice générale du GAIHST.

Elle estime que, si l’exercice était à répéter aujourd’hui, le résultat serait le même, « un peu comme dans le sondage que vous avez devant vous aujourd’hui ».

Yvonne Séguin voit dans la forte proportion de répondants masculins un indice clair que les femmes n’ont pas la place qu’elles méritent d’avoir au sein de la direction des entreprises. Elle nuance toutefois en rappelant que d’avoir plus de femmes en position d’autorité ne réglerait pas tous les problèmes. Elle met plutôt l’accent sur l’importance d’avoir des politiques et de la formation sur le harcèlement sexuel.

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« Ça nous prend un accès aux personnes qui sont moins sensibilisées, qu’elles soient obligées de comprendre la définition de harcèlement, quel rôle l’employeur peut jouer là-dedans, la conséquence des actions. Je ne pense pas nécessairement que c’est une question femme-homme. Je fais juste dire que c’est encore tabou aujourd’hui en 2017, le harcèlement sexuel. On ne veut pas en parler. C’est plus facile de dire : “Non, on n’a pas ce problème-là ici.” »

Plus de neuf dirigeants sur dix (93 %) estiment que ses politiques de gestion de cas de harcèlement sexuel sont appropriées. Karen Hamberg, vice-présidente de la stratégie auprès de l’entreprise Westport Innovations, interrogée dans le cadre du sondage, remet en perspective ces données, en entrevue avec le Globe and Mail.

« Ça ne change rien, que les politiques ou les procédures de la compagnie soient bonnes, si les systèmes sont ignorés, ou si les femmes ont l’impression que leurs plaintes ne seront pas prises au sérieux. »

Justine de l’Église est sur Twitter.