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Le jour où Kurt Cobain a envoyé des menaces de mort à ma copine



Vous vous souvenez de ce docu VICE sur un type prénommé Steve, qui s’injectait du venin de serpent pour s’immuniser contre tout un tas de saloperies ? Eh bien figurez-vous que ce type s’est avéré être une des personnes les plus intéressantes qu’on ait rencontré. Il a notamment des tas d’anecdotes sur des gens tels que Kurt Cobain, Slash, Kevin Shields ou Shane Macgowan, liées à son passé dans l’industrie musicale. En mars dernier, il nous a raconté comment il avait ruiné sa carrière de musicien en chiant -littéralement- sur le NME. Cette fois-ci, il nous parle du jour où Kurt Cobain a menacé de tuer sa copine.

Ça peut sembler facile de dire ça maintenant, avec le recul, mais Nirvana étaient vraiment le groupe que tout le monde attendait au début des années 90 – des types menés par un Black Francis plus mince et plus beau, avec une dynamique identique à celle des Pixies et des morceaux hallucinants. Leurs disques ont redéfini ma culture musicale, ils avaient l’air bizarres et sauvages, et fin 1992, Kurt Cobain a laissé des menaces de mort sur le répondeur de ma copine.

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J’ai passé la majeure partie des années 80 aux USA, avant de fuir les horreurs de l’administration Reagan en 87, date à laquelle je suis parti m’installer en Angleterre, avec l’espoir d’y démarrer une carrière musicale. C’est là où s’est établi mon premier lien avec Kurt Cobain. Ma colocataire à Londres était une chanteuse de Boston qui s’appellait Mary Lou Lord. C’était une fille très jolie et très cool, qui m’a appris mes premiers accords à la guitare. Mary Lou aura, quelques années plus tard, une courte ralation avec Kurt, juste avant que Courtney Love ne fasse son apparition et l’évince en septembre 1991, pile au moment où Nirvana faisaient leur entrée dans les charts.

J’ai vu Nirvana pour la première fois (avec leur batteur d’origine) le 3 décembre 1989 à l’Astoria, pour le Sub Pop Lame Fest, où ils jouaient avec leurs collègues de label Tad et Mudhoney. Mudhoney était en tête d’affiche mais Nirvana leur ont volé la vedette grâce à ce moment où Krist Novoselic a explosé la guitare que Kurt venait de lui lancer, en se servant de sa basse comme d’une batte de base-ball. Il l’a complètement pulvérisée. Il y avait quelque chose de très pur, de très brut, dans leur performance. Ce soir là, on s’est tous dits qu’ils allaient très vite devenir bien plus connus qu’ils ne l’étaient déjà. Avant que ça n’arrive, j’ai eu la chance de les voir cinq fois, notamment lors de leur tout premier passage au festival de Reading en 1991, où ils jouaient déjà « Smells Like Teen Spirit », qui allait sortir quelques mois plus tard. Je me souviens avoir dit à mes potes : « Putain, ils ont complètement repompé les Pixies, cette fois, ça ne fait pas un pli, ils vont devenir énormes ! »

Backstage, j’ai eu l’occaison de rencontrer Courtney Love. Some Have Fins, mon premier groupe, avait eu droit à un article dans le Melody Maker, et Hole en avait eu un sur la page juste à côté. Les photos des deux groupes avaient été prises par Charles Peterson, qui était connu pour son travail avec Nirvana et d’autres groupes de chez Sub Pop. Courtney et moi nous sommes très bien entendus et on a convenu d’un concert ensemble, la semaine suivante, dans un club d’Oxford Street qui s’appelait le Syndrome. Aujourd’hui, tout le monde bitche sur Courtney, mais à l’époque, c’était quelqu’un de vraiment cool, une fille très intelligente et hyper sexy, en plus. C’était une féministe convaincue et je me sentais coupable de lorgner vers son entrejambe à chaque fois quand elle mettait un pied sur les retours.

Quelques mois plus tard, j’ai rencontré Kurt Cobain, au même endroit. Nirvana venait de donner un concert au Kilburn National et le groupe était venu continuer la soirée au Syndrome, qui était alors le coeur de ce que la presse anglaise de l’époque appelait « The scene that celebrates itself ». C’était là où jouaient et se retrouvaient tous les groupes shoegaze de l’époque. Je me souviens avoir headbangé comme un débile sur « Kool Thing » de Sonic Youth avec Krist Novoselic et Dave Grohl. Au moment de la fermeture, je suis allé voir Kurt et je l’ai remercié. Je lui ai dit que mon groupe venait de signer sur Polygram et que c’était grâce à lui et au succès de Nirvana. Il a souri et m’a répondu : « Il y avait plein de place sur le terrain de jeu pour de nouveaux gamins ! » On a fini par zoner sur Oxford Street avec deux filles qui jouaient dans un groupe grunge de Camden. On a parlé de notre passion pour des groupes comme Devo et Oingo Boingo, mais il avait l’air plus intéressé par les filles que par ce que je racontais, donc j’ai salué tout le monde et je suis rentré chez moi. On m’a raconté le lendemain qu’il s’était fait un plan à trois avec les deux filles.

Nirvana a de nouveau joué à Reading en 1992. Mais cette fois c’était en tête d’affiche et ça reste, à ce jour, un des plus beaux souvenirs de ma vie. Mon groupe jouait aussi ce soir là, aux côtés de tout un tas d’autres groupes géniaux : L7, les Melvins, les Smashing Pumpkins, Ride, les Cardiacs et Levitation, dont je deviendrai plus tard le chanteur et avec lesquels j’enregistrerai un album produit par Andy Gill de Gang Of Four. Je co-écrirai également, des années plus tard, deux morceaux avec Eugene Kelly, leader des Vaselines et grand ami de Kurt, pour la chanteuse pop-goth Betty Curse.

C’était une période géniale – l’été resseblait encore à quelque chose en Angleterre, la scène musicale était florissante et Londres semblait être l’endroit le plus excitant de la planète. J’avais convaincu ma copine de l’époque, Britt Collins (qui dirigeait le magazine Lime Lizard) d’écrire un livre sur l’ascension de Nirvana. Avec son amie d’enfance Victoria Clarke (qui était la copine de Shane MacGowan), elles ont réussi à décrocher un deal avec un éditeur et elles sont parties pour Seattle, où elles devaient interviewer plusieurs groupes de l’entourage de Nirvana, ainsi que quelques amis et membres de leur famille. Leurs ennuis ont commencé quand Vanity Fair a publié le fameux article de Lynn Hirschberg, dans lequel elle accuse Courtney Love de se droguer alors qu’elle est enceinte. On y voyait cette désormais célèbre photographie de Courtney avec un ventre énorme et une cigarette à la main – effacée par la suite sur Photoshop. Même si internet n’existait pas encore, ça a fait le tour du monde en quelques jours. Tout le monde était au courant. Et du jour au lendemain, ma copine et son amie se sont retrouvées sur le liste noire de Kurt et Courtney et se sont vues refuser toute interview, bien qu’elle n’aient strictement rien publié ni fait quoi que ce soit de mal. La parano avait fait son effet. L’éditeur a reçu plusieurs menaces de procès. C’en est arrivé à un point où Kurt et Courtney appellaient chez moi tard dans la nuit pour me demander comment j’avais pu me fourvoyer avec une « salope de journaliste » et si j’étais d’accord pour témoigner contre elle en cas de besoin.

Une nuit, Kurt a laissé un message sur le répondeur de ma copine, dans lequel il disait qu’il la « fumerait », elle et son amie, si elles publiaient quoi que ce soit qui puisse blesser sa femme. J’ai gardé l’enregistrement parce que c’était vraiment drôle et hyper pété. Les gens ne le savent pas, mais Kurt était vraiment bon comédien, c’était un type hilarant. Quelques mois après qu’ils aient fait capoter le livre de ma copine, Courtney est apparue en couverture du Melody Maker avec le titre : « Voilà ce que cette année horrible m’a appris : si vous racontez des conneries sur nous, je vous défoncerai, Kurt vous fera exploser la tête et on vous colelra un procès au cul. » Ouais, les armes, déjà…

Après le suicide de Kurt Cobain, le monde a complètement changé et la musique aussi – on s’est retrouvés avec du metal pour sportifs et du grunge chrétien canadien. Deux semaines après sa mort, un tabloïd anglais m’a offert 40 000 £ pour récupérer le message de Kurt, qu’ils voulaient diffuser sur une ligne téléphonique payante. Étant un honnête punk du Connecticut, j’ai refusé et j’ai planqué la cassette du répondeur dans mon grenier. J’ai fini par la ressortir 22 ans plus tard, pour la réécouter. Cette année, le soir du 20ème anniversaire de la mort de Kurt Cobain, j’ai réécouté son message à 3h33 pour voir si quelque chose d’ « intéressant » allait se produire. J’ai pris un ouija board, quelques bougies et, au bout de quelques minutes, j’ai eu l’impression d’être possédé par l’esprit d’un gamin en chamise à carreaux. Je n’avais plus aucun contrôle sur mon corps et complètement hagard, j’ai commencé à écrire un message alors que des 45 tours de Nirvana et des croix renversées flottaient devant mes yeux. Était-ce l’esprit de Kurt Cobain, venu me prévenir des dangers du XXIème Siècle ? Ou juste un énième tour que me jouait mon cerveau reptilien ?

J’ai filmé tout ce qu’il s’est passé cette nuit là. C’est assez flippant et le message de Kurt est franchement choquant, mais en même temps plutôt sensé. Êtes-vous prêts à regarder la vérité droit dans les yeux ? La vidéo est juste en-dessous.


Steve Ludwin est sur Twitter – @SteveLudwin


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