L’Autriche a toujours cultivé une forme d’omerta autour des camps de travail nazis érigés sur son territoire pendant la Seconde Guerre mondiale. En 2015, une conférence était organisée à Graz pour faire toute la lumière sur ce chapitre particulièrement douloureux et oublié de l’Histoire du pays.
À cette occasion, l’existence du camp de travail de Liebenau – où des dizaines de juifs hongrois ont perdu la vie dans les dernières semaines du conflit – était notamment abordée – après avoir été passée sous silence pendant presque 70 ans.
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Aujourd’hui, le terrain, qui a été discrètement vendu à Handl Tyrol, est au cœur d’une bataille juridique. L’entreprise autrichienne, spécialisée dans la production de charcuterie de la région, aimerait transformer les lieux pour y construire une usine de saucisses et de bacon.
Une décision qui ne convient ni aux locaux, ni aux héritiers des anciens propriétaires de la concession visiblement pas super portés sur la confection de cochonnailles.
Pour comprendre leur colère, il faut remonter plusieurs décennies en arrière, quand les 25 ares près d’Haiming, ville du Tyrol autrichien situé près d’Innsbruck, étaient achetés contre une bouchée de pain par les Nazis. Ces derniers décidaient d’y installer un camp de travail où les prisonniers étaient forcés de participer à la construction d’un barrage chargé d’alimenter une future centrale hydroélectrique.
Les héritiers des anciens propriétaires remettent en cause la légalité de la récente vente à Handl Tyrol. Ils soulignent que leurs ancêtres ont été obligés de vendre (en dessous des prix du marché) aux Nazis et qu’ils avaient émis seulement une condition : que les terres soient utilisées pour la construction d’une centrale – des travaux qui n’ont jamais été achevés puisque le camp a été démantelé à la fin de la guerre.
Avant la récente annonce de sa cession à une entreprise de production de saucisses, le terrain, qui était passé sous le pavillon de Tiwag, un fournisseur d’électricité autrichien, restait largement inutilisé.
MUNCHIES a essayé de contacter Handl Tyrol pour plus d’informations mais n’a pas eu de réponses.
Difficile de savoir si l’issue du litige sera heureuse pour les héritiers. Il faut rappeler qu’ils partent avec un peu de retard puisqu’une commission après-guerre avait validé la vente de la propriété à Tiwag et insisté pour qu’ils ne touchent aucune compensation supplémentaire.
Tiwag semble n’avoir aucun scrupule à vendre ces terres à Handl Tyrol et ses usines de saucisses et de bacon. Wilhelm Markus, militant pour la protection de l’environnement, émet quelques doutes sur la probité de l’entreprise : « Tiwag n’a de toute façon pas totalement résolu son passé obscur et particulièrement brun. L’entreprise continue aujourd’hui de profiter d’avantages hérités des Nazis. »