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Le mystère du bracelet volé par le capitaine de l’équipe d’Angleterre

Il y a plus de 45 ans, le 20 août 1970, le capitaine de l’équipe d’Angleterre championne du monde, Bobby Moore, était disculpé du vol d’un bracelet dans une boutique de souvenirs de Bogota, en Colombie.

S’il a bien été lavé de tout soupçon, il n’en demeure pas moins que Bobby Moore s’est retrouvé impliqué dans l’affaire. Et c’est là le plus intéressant. Pour le joueur anglais, tout aurait commencé trois mois plus tôt, le 18 mai 1970 précisément. Les Three Lions étaient en Amérique du Sud pour préparer la Coupe du Monde 1970 au Mexique, qui allait voir l’équipe d’Alf Ramsey remettre en jeu le trophée remporté quatre ans plus tôt à domicile. En tant que capitaine, Moore avait d’ailleurs brillamment soulevé le trophée Jules Rimet à Wembley.

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Le 20 mai, les Anglais devaient jouer contre la Colombie et attendaient patiemment la rencontre à l’hôtel Tequendama de Bogota, qui accueillait dans son hall la boutique de souvenirs Fuego Verde. Plusieurs joueurs et membres du staff de l’Angleterre étaient allés y faire un tour durant leur séjour. Le soir du 18 mai, Moore entra dans le magasin avec Bobby Charlton, qui cherchait un cadeau à ramener à sa femme. Ils ont chiné quelques articles, mais n’ont rien trouvé et sont repartis bredouilles.

C’est alors qu’une assistante du magasin a poursuivi le duo jusque dans le hall, et accusé Moore d’avoir volé un bracelet extrêmement coûteux. Les deux footballeurs ont eu beau plaider leur innocence, la vendeuse a continué de prétendre que Moore était coupable, malgré un évident manque de preuves – d’autant plus qu’il n’avait pas le bracelet sur lui. Rameutés par le scandale fait par l’employée, les autorités ont pris la déposition de . Il semblait alors que le problème était réglé. Les choses sont revenues à la normale pour quelques temps : l’Angleterre a joué son match de préparation contre la Colombie en gagnant 4 à 0, pendant que les journalistes britanniques présents ont accepté de ne pas évoquer le vol présumé dans leurs dépêches. Le bon vieux temps, en somme. Sauf que l’histoire s’est subitement retrouvée en Une des journaux. Et comme une mauvaise nouvelle n’arrive jamais seule, quelques jours plus tard, un deuxième témoin a affirmé avoir vu le vol, soutenant ainsi la version de la vendeuse du magasin.

Moore et ses coéqupiers à Mexico | PHOTO: PA IMAGES

Après la victoire contre la Colombie, les Anglais ont malgré tout pris l’avion pour Quito afin d’y défier l’Équateur. Ils prévoyaient ensuite de se rendre au Mexique pour disputer la Coupe du monde, en faisant une escale de quatre heures à Bogota. À leur arrivée – et malgré les protestations suite à l’incident du bracelet – ils ont repris leurs marques dans le même hôtel Tequendama. C’est là, le 25 mai, que Bobby Moore a été officiellement arrêté pour vol – malgré le fait que le bracelet n’ait pas été retrouvé en sa possession ni nulle part ailleurs. Il a été épargné d’un passage en prison, cependant, pour être placé en résidence surveillée chez le directeur de la fédération colombienne de football.


La Coupe du monde était programmée pour débuter six jours plus tard et les Anglais ont donc quitté Bogota sans leur capitaine. La plupart des joueurs ne connaissaient pas la raison de l’absence de Moore jusqu’à ce qu’ils soient dans les airs en direction du Mexique. Mais les nouvelles s’étaient déjà répandues dans le Royaume, avec une attention toute particulière de la presse pour l’arrestation de Moore et son épouse Tina, qui devait aller au Mexique rejoindre son mari. Outre le scandale médiatique, l’incident a aussi eu des répercussions politiques. Le Premier ministre Harold Wilson demanda que le gouvernement colombien exerce de nombreuses pressions sur l’ambassade britannique à Bogota, alors que les Colombiens étaient également conscients qu’un incident diplomatique était en train de voir le jour.

De retour en Colombie, Moore est allé devant un juge pour être interrogé pendant quatre heures. Pour aider à résoudre le mystère, le juge a organisé une reconstitution de l’incident. L’assistante de magasin a confirmé ses dires en déclarant que Moore avait placé le bracelet dans la poche gauche de son blazer. Il a ensuite été révélé que le blazer n’avait aucune poche sur le côté gauche.

Il y a aussi eu des déclarations contradictoires sur la valeur du bracelet, sujette à une hyperinflation. Initialement il était censé coûter près de 580 euros ; plus tard, sa valeur avait décuplé, atteignant 5 800 euros. Puis c’était au tour du propriétaire du magasin de demander une compensation de 6 600 euros. Il était clair que Moore ne devait répondre d’aucun objet de condamnation et, le 28 mai, il fut relâché en raison d’un manque de preuves. Il rejoignit ses coéquipiers à Guadalajara avant leur match d’ouverture le 2 juin, qui s’est terminé par une victoire 1 à 0 contre la Roumanie. Moore dirigea son équipe jusqu’en quarts de finale du tournoi avant d’être sorti par l’Allemagne. Bien entendu.

En guise d’épilogue, le 20 août, le chef de la police de Bogota a conclu que Moore avait été victime d’une tentative d’escroquerie, le second témoin ayant été payé par le propriétaire de la boutique de bijoux pour affirmer que Moore avait dérobé le bracelet. Il reçut ainsi la “liberté inconditionnelle”. Cela a marqué la fin de l’un des chapitres les plus étranges de l’histoire du football anglais. Et pourtant, malgré le caractère étrange et incroyable de l’incident, Moore n’a jamais vraiment tourné la page ni digéré cet épisode. Ses détracteurs non plus, à en croire certains observateurs, qui affirment même que c’est la raison pour laquelle il n’a pas reçu le titre de chevalier.