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Le Red Star en Ligue 2 : autopsie d’un échec

VICE et le Red Star se sont associés pour suivre la saison des Vert et Blanc de Saint-Ouen sur et hors des terrains, auprès des joueurs, du staff, des supporters et de tous ceux qui gravitent autour de ce club historique du foot français. Aujourd’hui, on ouvre le volet sportif en essayant de comprendre comment le Red Star a pu finir 19eme de Ligue 2 la saison passée et se retrouver relégué en National.

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S’il y a bien une qualité qu’on ne peut pas enlever au Red Star, c’est sa capacité à surprendre, dans le bon comme le mauvais. Le passage du club en Ligue 2, entre 2015 et 2017, en est un bon exemple, tant les Audoniens ont alterné l’excellent, avec une cinquième place dès leur première saison dans l’antichambre de la Ligue 1, et le décevant, avec une 19ème place synonyme de relégation dans la foulée. Une caractéristique bien ancrée dans l’ADN du club, comme en témoigne son histoire, qui fourmille d’exploits ou de désillusions symptomatiques de cet art du contre-pied permanent. Le dernier en date remonte à 2013, au cours d’une saison difficile, où les Vert et Blanc, alors en National, flirtaient avec la relégation. Lors de la dernière journée contre Fréjus Saint-Raphaël, le Red Star, mené, est en route pour la descente. Mais un doublé salvateur de Jean-Jacques Mandrichi, auteur d’un seul but sous les couleurs du club avant ce soir-là, avait sauvé l’équipe in extremis.

Malheureusement, le 19 mai 2017, il n’y avait pas de Jean-Jacques Mandrichi sur la feuille de match pour cette 38e et dernière journée de Ligue 2 contre Auxerre. Et le Red Star, alors à la lutte pour la 18e place, synonyme de match de barrage et d’espoir de maintien, n’a pas trouvé de buteur providentiel pour sauver sa saison. Résultat, une défaite 1-0 à l’Abbé-Deschamps, et un retour en National, deux ans seulement après avoir accédé à l’échelon supérieur. Rageant, et surtout surprenant, quand on sait que le Red Star avait raté la montée en Ligue 1 pour un petit point la saison précédente.

Alors, comment expliquer des résultats aussi changeants d’une saison sur l’autre ? Pour Jérôme Hergault, capitaine du Red Star cette année-là et spécialiste des montées (il en a connu cinq dans sa carrière), une bonne partie des résultats s’est jouée hors-terrain lors du mercato d’été : « C’est bien simple, on a perdu la colonne vertébrale de l’équipe avant le début du championnat avec des joueurs comme Sliti, Da Cruz ou Fournier qui sont partis. La plupart était des trentenaires, des mecs qui savaient tenir un vestiaire. Autant de départs, c’est dur à encaisser. » Le défenseur, lui-même parti à Ajaccio depuis, ne remet pas en cause le niveau balle au pied des recrues venues remplacer les tauliers. Selon lui, c’est plutôt dans la tête que le groupe a péché : « S ‘il y avait un défaut à souligner, c’est qu’on manquait de caractère. Après, c’était compliqué d’en avoir, un tempérament, ça se construit au long d’une carrière et là, on avait remplacé des joueurs de 30 ans par des joueurs de 20 ans. »

Jérôme Hergault, ancien capitaine du Red Star, aujourd’hui joueur d’Ajaccio. Photo redstar.fr.

Steve Marlet, le directeur sportif du club livre également son analyse : « Lors de notre première année en Ligue 2, nous avons failli monter et beaucoup de nos joueurs ont été sollicités et ont exprimé leur volonté de partir. On a été un petit peu naïf en se disant que les joueurs qui voulaient partir allaient se remettre dans le bain. Si vous conservez un joueur qui veut partir, ça peut devenir difficile par la suite ». Les exemples ne manquent pas dans l’actualité footballistique : il n’est jamais bon de retenir un joueur contre son gré et cela peut avoir des conséquences néfastes sur le vestiaire et notamment sur les nouvelles recrues. « Il faut avoir l’intelligence de ne pas confier un projet à des joueurs qui ne veulent pas rester », poursuit l’ancien attaquant qui a débuté sa carrière au Red Star avant de rejoindre Auxerre en 1996.

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Ce manque d’expérience chez certains, lié à des envies d’ailleurs chez d’autres, a coûté quelques points au Red Star, devenu au cours de la saison le spécialiste des matches perdus dans le dernier quart d’heure. Un constat que Geoffrey Lembet, gardien titulaire toute la deuxième partie de saison, a dressé avec lucidité depuis ses buts : « On a fait des erreurs qui nous ont coûté cher, des matches comme Valenciennes, où on mène 2-1 et on se fait remonter à 2-2 dans les arrêts de jeu. Lens, Strasbourg, pareil, ça fait but dans les dernières minutes. On a perdu un certain nombre de points bêtement en craquant en fin de match », déplore le portier, aujourd’hui à la recherche d’un club.

Ce match contre Valenciennes semble avoir marqué ses protagonistes puisque Jérôme Hergault l’évoque lui aussi comme un des moments forts de la saison : « De mémoire, un des matches qui nous a fait le plus mal c’était Valenciennes lors de la phase aller. A ce moment, on a encore un peu de marge sur la zone de relégation. Mais sur un fait de jeu, on prend un rouge, on fait 2-2 à la dernière minute et derrière le coach se fait virer. » Grand artisan de la cinquième place décrochée la saison précédente l’entraîneur portugais Rui Almeida quitte donc le Red Star à la trêve. En bons termes et sans amertume, mais avec un regret : « Je garde un magnifique souvenir des dix-huit mois passés à la tête du club. On avait pour but de se professionnaliser et de se stabiliser : j’ai atteint le premier objectif, pas le second… »

Geoffrey Lembet a passé une saison au Red Star. Photo redstar.fr.

Pour expliquer ces résultats en dents de scie, le technicien insiste sur le fait que la saison de la confirmation est toujours piégeuse, surtout en Ligue 2, un championnat au profil particulier : « Le niveau est très bon et malgré les écarts de budget (Lens, plus gros budget avec 41 millions est largement mieux doté que le Red Star et ses 7 millions de la saison passée, ndlr) il n’y a pas de grosses différences entre les équipes. La preuve, c’est notre 5e place en 2015-2016, ou la montée d’Amiens cette année. Même Monaco n’est pas remonté dès la première année », pose le coach portugais.

Geoffrey Lembet, qui a également joué à Sedan et Auxerre, connaît bien le contexte de la Ligue 2, et partage l’analyse de son ancien coach : « En Ligue 2, il suffit de rien pour se retrouver tout en haut du classement, mais c’est pareil dans l’autre sens ! Tu te retrouves en bas très rapidement. » Cette dégringolade, le Red Star l’a connue en mars-avril, un printemps noir marqué par six défaites consécutives en championnat. De quoi entamer la confiance et saper le moral des troupes, déjà bien malmenées lors de la première moitié de saison : « Ç a a été une période très difficile. On aurait pu stopper la série plus rapidement mais on n’a pas eu de réussite, observe le portier centrafricain. On a fait quelques bons matches, mais le résultat c’est que ça fait six défaites au compteur. Alors forcément, tout le monde se pose des questions. »

Les joueurs du Red Star, sur la pelouse de l’Abbé-Deschamps, en clôture de la saison 2016-2017. Photo redstar.fr.

Au sortir du mois d’avril, la relégation n’est plus une vague menace mais un danger de plus en plus pressant, ces six défaites de rang poussent le groupe à une prise de conscience collective. Trop tard pour inverser la tendance d’après Jérôme Hergault : « En février-mars, beaucoup ont cru qu’on allait se maintenir tranquillement. On s’est relâchés et on a sous-estimé la Ligue 2, on l’a payé. Mais là, à partir du moment où on s’est retrouvé dans la zone de relégation, chaque match devenait couperet. »

Jusqu’au bout, pourtant, les Vert et Blanc sont en mesure de croire au maintien. Pour la dernière journée, ils se déplacent donc à l’Abbé-Deschamps. En cas de victoire, ils peuvent espérer décrocher la 18e place, synonyme de barrages. Mais à la 62ème minute, Idriss Mhirsi rate une grosse occasion. Un penalty non sifflé en leur faveur plus tard, les Audoniens craquent et encaissent un but assassin : « C’est à l’image de notre saison, souffle Jérôme Hergault, encore touché à l’évocation de ce souvenir douloureux. Si on avait joué un minimum à notre niveau, on aurait pu finir 10e sans souci, mais là, on ne pouvait pas espérer beaucoup mieux en mettant un but toutes les cinq situations et en en prenant un toutes les deux occasions. »

Les supporters n’ont, bien sûr, pas apprécié la délocalisation à Jean-Bouin. Photo via Twitter.

Même si la saison disputée à Beauvais a été ponctuée par une cinquième place, l’exil peut également être une explication aux difficultés que l’équipe première du Red Star a connues la saison dernière alors qu’elle disputait ses matches à domicile à Jean-Bouin. « On ne se cache pas derrière des excuses, nous avons fait des erreurs de recrutement, explique le président Patrice Haddad. Mais l’exil peut aussi expliquer certaines choses. Quand on met 1 million d’euros dans un stade (Le Red Star payait 1,35 million d’euros de loyer annuel pour Jean-Bouin, ndlr), on ne les met pas dans les structures ou le recrutement. Le provisoire créé de l’incertitude. C’est difficile de vivre sans maison et sans public. Être à la maison peut insuffler un état d’esprit. ». Et surtout quand la maison s’appelle Bauer et rassemble de fervents supporters ou de simples amateurs de foot, en quête d’une ambiance à l’anglaise, singulière et authentique.

Même une fois la saison terminée, le Red Star aura pourtant conservé l’espoir de rester en Ligue 2 grâce aux ennuis administratifs et financiers de l’AC Ajaccio et du Sporting club de Bastia. Mais cette année, le miracle n’a eu lieu ni sur les terrains de Ligue 2, ni en coulisses, dans les bureaux de la DNCG. Un seul motif de satisfaction pour se consoler : privé de stade Bauer, non conforme aux normes de la LFP, le club, de retour en National, a donc renoué avec son antre de Saint-Ouen le 4 août dernier. Pour peut-être retrouver la Ligue 2 à l’issue de la saison 2017-2018.