Cet article a été initialement publié sur VICE Allemagne.
La pandémie que l’on connaît a débuté il y a 14 mois. Ce qui signifie qu’on n’a pas mis les pieds en boîte depuis au moins 14 mois. Les clubs sont clairement incompatibles avec les efforts et autres mesures mises en place pour endiguer la diffusion d’un dangereux virus, mais cela ne veut pas dire qu’ils ne nous manquent pas.
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À Berlin, une ville pour qui la vie nocturne est une part essentielle du quotidien, le secteur a souffert de pertes économiques colossales. D’après NBC News, près de 9000 personnes qui travaillaient dans le domaine des boîtes de nuit ont perdu leur boulot au cours de l’année écoulée. L’industrie a reçu des aides du gouvernement, mais elle est toujours dans le rouge écarlate économiquement. Un rapport de Pollstar, une publication professionnelle pour le secteur des événements en direct, estimait que, au niveau mondial, les salles et autres lieux de la vie nocturne avaient perdu jusqu’à 25 milliards d’euros à cause de la pandémie.
C’est pour cela que des clubs, en Allemagne et dans d’autres pays du monde, ont essayé toutes sortes d’alternatives pour répondre aux envies des amateurs de nightlife à travers l’Internet et essayer d’atténuer leurs pertes financières. Quelques exemples, le Griessmühle, un club berlinois qui se trouve en bordure de la rivière Sprée, a récemment fait son entrée dans le monde numérique sur Minecraft ; le Kauz Club, à Zurich, a fait la même chose sur le jeu Second Life. En avril 2020, des DJs néerlandais et d’ailleurs ont participé à un événement qui s’est étalé sur un mois : un livestream destiné à recueillir des fonds pour les clubs d’Amsterdam. L’un des clubs queer dont on parle le plus sur Internet, le Club Q (Q pour quarantine – quarantaine en anglais), a rassemblé des milliers de personnes lors de ses soirées Zoom au cours de l’année 2020, invitant des célébrités comme Lady Gaga et Charli XCX.
Alors que je cherchais quoi faire de mes soirées, je suis tombée sur RAVE SPACE, un club exclusivement en ligne, quelque part au croisement entre un jeu vidéo et un événement diffusé en direct. À RAVE SPACE, chacun dispose de son propre avatar qui peut danser, parler à des inconnus par le biais d’appels vocaux et commander des fausses boissons avec du vrai argent dans un espace virtuel. Tout est anonyme et on ne peut pas voir le visage des autres personnes quand on parle avec elles, un peu comme quand on s’approche d’un charmant inconnu dans la lumière incertaine d’une boîte de nuit. Ah, et l’entrée était à 10 euros mais elle a récemment été réduite à 5 euros.
Je me suis connectée et mon avatar s’est matérialisé dans l’espace du club. À l’image de tous les autres utilisateurs, mon alter-ego numérique était d’un noir brillant, et il ressemblait à un mannequin, un peu comme s’il portait un costume en latex. La première chose que j’ai vu, c’est l’entrée du club, où j’ai dû faire la queue pendant un petit moment avant qu’un videur ne me laisse entrer. À ma gauche, un couloir menait à la piste de danse. J’entendais la musique un peu étouffée qui passait dans le fond.
Avant de rejoindre les autres entités brillantes en 3D, j’ai reçu un appel d’un utilisateur anonyme qui s’est avéré être l’un des trois fondateurs du club. Fabian Burghardt, designer et développeur web qui a lancé RAVE SPACE il y a six mois, m’a dit que l’équipe voulait recréer l’expérience du nightclub dans un monde qui ressemblerait au jeu vidéo, et rendre le truc le plus réel possible.
C’est pour cela qu’ils ont mis en place des fonctionnalités interactives comme le fait de permettre aux utilisateurs d’acheter des boissons par le biais de jetons appelés Ravecoins (1€ le Ravecoin) et de télécharger des stickers (1,5 Ravecoin pièce) pour décorer les murs du club. De vrais DJs se produisent aussi dans ce club. Certains sont des DJs de la scène locale, d’autres viennent de l’international. Pendant la soirée que j’ai passée au club, le seul dont j’avais entendu parler, c’était DJ Hell. Il y a cinq ans, Burghardt lançait un site du nom de BerghainTrainer, où un videur virtuel scannait votre visage et vous posait des questions pour évaluer s’il allait ou non vous laisser entrer dans le club le plus célèbre de Berlin, qui est, comme chacun sait, un lieu assez sélect.
Après cette conversation avec Fabian, j’ai rejoint un groupe d’avatars anonymes qui tournoyaient sur la piste. Le club (la plate-forme) peut accueillir jusqu’à 10 000 personnes en même temps, mais il est divisé en salles de 20 utilisateurs. La seule personne qui avait un visage était le DJ, qui se trouvait au fond de l’espace qu’on occupait. Il avait l’air faussement réel. J’ai décidé de m’approcher du bar pour prendre un truc à boire. Le choix était vite fait puisqu’il y avait seulement deux options : un shot d’une liqueur de menthe ou un cocktail à base de vodka et de Club-Mate. Les deux options sont assez populaires dans les clubs berlinois et coûtent chacune un demi Ravecoin.
Lorsque j’ai avalé le shot, la vision de mon avatar s’est légèrement troublée. Il était temps de prendre les choses en main. En tapant un nombre entre 1 et 3 je pouvais amener mon avatar à exécuter trois séquences de danse. Et il s’arrêtait si j’appuyais sur 4. J’ai aussi voulu tester le coup des stickers dont m’avait parlé Fabian Burghardt, et j’ai téléchargé le logo de VICE que j’ai collé sur un mur virtuel du club pour que les futures générations de SpaceRavers puissent le voir aussi longtemps que cet espace virtuel existera.
Après quoi j’ai décidé d’aller faire un tour dans une autre salle. En appuyant sur « p », je pouvais choisir dans quelle salle je voulais aller. Chacune avait une ambiance différente et, bien évidemment, des gens différents, même si tous les avatars étaient identiques. Dans certaines salles, la musique était plus forte, dans d’autres moins. Il y a eu un moment de silence avant que le troisième DJ de la soirée ne débute son set. Dans la fenêtre de discussion en direct quelqu’un a proposé que les gens dansent à côté des toilettes. J’ai suivi le mouvement.
La musique et l’ambiance me rappelaient l’expérience d’un club, mais au bout du compte, j’étais toujours dans mon petit appartement. Pas de file d’attente à l’entrée. Pas de file d’attente devant les toilettes. Pas de véritables corps humains à effleurer. Pas de transpiration suintant des plafonds. Pas de contacts maladroits et autres bousculades qui vous font vous sentir vivant quand vous sortez. Toutes ces choses qui me manquaient tant ne se déroulaient que sur l’écran de mon ordinateur portable.
RAVE SPACE n’a rien à voir avec un véritable club. Cela dit, je me suis bien amusée, et j’ai trouvé que ça valait le coup. Au moins, j’ai eu l’occasion de partager mon désir de revivre l’expérience en vrai avec d’autres gens, et c’est déjà pas mal.
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