Il fut un temps où les aspirants bodybuilders n’avaient que peu d’options vers lesquelles se tourner pour obtenir de précieux conseils.
Ils pouvaient évidemment lire des magazines de fitness, qui proposaient à la fois des astuces pratiques et des publicités à peine déguisées pour des produits divers. Ils pouvaient discuter avec les vétérans de la salle de gym locale, dans l’espoir de gratter quelques conseils concernant des exercices de musculation et/ou des substances à ingérer pour prendre du muscle plus vite. Et s’ils étaient vraiment, vraiment motivés, ils pouvaient toujours déménager à proximité d’une salle de muscu réputée, comme par exemple la célèbre Gold’s Gym à Venice Beach.
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Puis Internet est arrivé, et tout a changé. Alors que les forums de fitness sur bodybuilding.com ou Reddit se développaient, on vit la population des bodybuilders évoluer vers davantage de sophistication. Grâce à ces forums, nombre de jeunes haltérophiles qui, auparavant, se seraient entraînés seuls, se retrouvaient soudainement à dialoguer en permanence. Et grâce à PubMed et à d’autres publications scientifiques consacrées aux médicaments et au sport, les bros se sont peu à peu transformés en véritables experts scientifiques.
r/steroids est bourré de FAQs ultra péremptoires dans lesquelles des internautes citent des études plus ou moins scientifiques
Enfin, plus ou moins. « C’est le bordel, m’a avoué un bodybuilder qui vend également des stéroïdes sous le manteau. Si vous allez sur le subreddit r/steroids, vous verrez des mecs en train de parler de tests sanguins, de gynécomastie, de tous les stéroïdes qu’ils prennent, de leurs théories absurdes sur des suppléments à base d’herbes, et sur r/steroidsourcetalk vous trouverez plein de mecs qui crachent leur bile sur les “sources” (les dealers) qui les arnaquent ou qui soi-disant tentent de les arnaquer… C’est taré. »
Cet homme, qui a demandé à ne pas être identifié, fait l’apologie d’une multitude de sites qui ont, selon lui, permis à de nombreux adeptes du fitness d’en savoir plus sur les bonnes méthodes d’entraînement et sur les produits à utiliser. Mais il souligne aussi que ces sites peuvent facilement se transformer en chambres d’écho pour de mauvaises informations.
« Avec l’émergence du Bitcoin et du dark web, de plus en plus de gens achètent et prennent des stéroïdes, et ils sont de plus en plus nombreux à avoir conscience que les stéroïdes ne sont pas aussi dangereux que de soi-disant experts le prétendaient. Mais tout cela reste très confus. Je vois des types qui citent des études scientifiques, mais en même temps ils parlent de trucs de marketing débiles comme les “fenêtres anaboliques” ou la “résistance à l’insuline”. »
Marc Sestok, un physiologiste de Pittsburgh, est lui aussi sceptique. « Sur ces sites, n’importe qui peut donner son avis, et les débutants sont souvent très influencés par les premières choses qu’ils lisent. »
Par exemple, un post récent sur r/steroids consacré au Turinabol, un stéroïde anabolisant qui se prend par voie orale et qui a été beaucoup utilisé il y a quelques décennies par l’équipe olympique de la RDA, s’est rapidement transformé en discussion sur le “stacking” extrême et les effets anecdotiques de certains produits sur les performances individuelles. Chaque produit avait ses défenseurs acharnés, qui s’en prenaient ouvertement aux sceptiques et affichaient fièrement leurs “gains”.
Plus globalement, r/steroids est bourré de FAQs ultra péremptoires dans lesquelles des internautes citent des études plus ou moins scientifiques censées prouver que la testostérone peut accroître la taille du pénis et listent des dizaines de moyens d’éviter la gynécomastie qui afflige nombre de novices, en particulier les adolescents.
La frontière entre science et « bon sens » est souvent très floue dans ces documents, puisqu’on y trouve aussi bien des conseils avisés que des exhortations étranges à « ne pas déconner » ou encore à « prendre plus de glucose si on se sent mal. » Malgré tout, des milliers de bodybuilders ont désormais accès à des informations qui se transmettaient auparavant d’athlète en athlète dans les salles de gym.
« J’entends tout le temps les mêmes trucs, en boucle, soupire Sestok. La soi-disant fenêtre anabolique dont on parlait dans les années 90 ne rime à rien, les gens croient toujours que la créatine est un anabolisant, ils disent que les brûleurs de graisse à base d’amphétamine n’ont rien à voir avec la meth parce que GNC en vend, et des mecs débarquent en pensant qu’ils peuvent directement faire les mêmes exercices que des vétérans survitaminés sans que ça pose le moindre problème. »
Même si beaucoup des “connaissances” qui circulent sont fondées sur des rumeurs ou des croyances, il est tout de même évident que la nouvelle génération de bros profite de cet afflux d’informations pour devenir encore et toujours plus balèze.