Si le métier d’agent des pompes funèbres est ancien et connu de tous, il est toujours mal vu. Encore aujourd’hui, la mort reste un tabou dont on ne parle pas. Le croque-mort est dans la société quelqu’un qui n’a pas vraiment de statut.
Je travaille sur les croque-morts de Berlin depuis un an, et j’ai pu les accompagner durant quatre mois. S’ils n’ont rien de spécifique quand on les compare aux croque-morts français, les cimetières de Berlin sont quant à eux très beaux. Aussi, en hiver, l’ambiance de la ville devient grise et triste. De plus, les vieux berlinois qu’on retrouve souvent aux enterrements sont assez durs et impolis – je trouve que ces spécificités rendent les photos encore plus vivantes.
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Parmi les employés que j’ai rencontrés, certains étaient alcooliques, racistes ou sexistes – eux faisaient ce métier comme ils auraient pu faire cuisinier ou menuisier. D’autres étaient à l’extrême opposé. J’ai vu des étudiants ou des artistes faire ce boulot pour se faire de l’argent rapidement et qui en sont passionnés – le calme et la mélancolie du travail les attire. J’ai aussi travaillé avec un mec qui était simplement là pour « voir des corps ». Il n’y a pas vraiment de portrait type.
Généralement, chaque journée compte deux à trois enterrements et est très bien organisée. L’équipe des croque-morts doit être sur place une demi-heure avant le début de la cérémonie, de sorte à tout préparer. Parfois, ils doivent aller chercher le corps à l’hôpital où chez les proches du défunt.
Les agents que je suivais m’ont très vite accepté et je me suis bien entendu avec eux. Ils ont compris que je voulais traiter du sujet sur plusieurs mois et m’ont laissé le champ libre pour faire mes photos.
Entre eux, l’ambiance est plutôt légère et amicale. Ils parlent beaucoup et rigolent de tout et de rien pendant leurs trajets. Une fois au cimetière, ils redeviennent évidemment calmes et sérieux. J’ai aussi remarqué qu’ils fumaient beaucoup.
Généralement, ils ne sont pas très fiers de faire ce boulot. Les plus âgés ne parlent pas de ce qu’ils font. Et même s’ils font leur travail avec plaisir, pour s’occuper ou pour gagner un peu plus pour leur retraite, ils se sentent mal vu et gardent souvent leur profession secrète.
Contrairement aux autres métiers, le croque-mort est chaque jour confronté à la mort. Lui-même ne le réalise pas toujours. Outre ce point, on peut considérer ce travail comme un autre, mais dans la tête des gens, il est toujours associé aux corps, à la maladie, à quelque chose de sombre. À cause de ça, ils sont un peu mis à l’écart alors qu’ils font un boulot très responsable et important : ils s’occupent quand même des derniers instants d’un homme à la surface de la planète.
Anselm Kissel ne fait pas que photographier des croque-morts. Retrouvez-le sur son site.