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Les épées sont plus cools que les flingues dans les jeux vidéo

Je suis un homme blanc, j’adore les jeux vidéo, mais je m’en fous des jeux de flingues. Mon truc, c’est plutôt les épées et les gros marteaux. Clairement, ça fait de moi quelqu’un de moins cool. Imaginez un peu la tête de mon neveu, 10 ans, quand il m’a demandé quel était mon ratio victimes/morts sur des FPS comme Call of Duty ou Battlefield, et qu’il a entendu son oncle qui est payé pour parler de jeux vidéo lui répondre :

Mmm bah… En fait, j’y joue pas trop. Je préfère les jeux où il y a des épées et de la magie. Diablo. God of War. Skyrim. The Witcher. Ce genre de trucs, quoi.”

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Il a cligné des yeux, plissé son nez, et il a disparu, un peu comme si je lui avais dit que les photos étaient mieux avant l’invention des filtres Instagram. Depuis, j’ai l’impression qu’il a honte qu’on partage une partie de notre ADN.

Je n’ai rien contre les FPS et les gens qui y jouent ; si vous aimez ça, tant mieux ! Ça rapporte gros, en plus. Sur le top 5 des jeux les plus joués sur Steam actuellement, 4 sont des FPS. Et il y en a que j’adore vraiment, comme le dernier Doom (la preuve !) C’est juste que dans les jeux, je trouve les flingues un peu chiants par rapport à une bonne vieille épée, une dague ou un putain de marteau de guerre. J’exagère sans doute un peu, mais à chaque fois que je joue à un FPS un tant soit peu réaliste, j’ai l’impression de faire la même chose, avec juste des armes et des maps vaguement différentes. Je vois un mec au loin, je pointe une arme de taille variable sur lui, et boom. Si tout se passe bien, il meurt et insulte ma mère par chat. Qu’il s’agisse de Call of Duty, de Halo, de Battlefield, de Gears of War ou de Rainbow Six Siege, c’est toujours pareil.

C’est différent avec une épée ou n’importe quelle arme de corps à corps. Il faut être tout près de l’ennemi, entrer dans son intimité. Ce danger supplémentaire est très excitant, je trouve. Je vous vois déjà venir avec la fameuse scène des Aventuriers de l’arche perdue où Indy descend un géant armé d’un immense cimeterre d’une simple balle de Smith & Wesson, mais pour moi cette scène illustre parfaitement pourquoi les flingues m’ennuient dans les jeux vidéo. Franchement, c’est trop facile. Et ce qui est cool, dans les jeux, c’est qu’un Smith & Wesson n’est pas forcément plus puissant qu’une épée.

Il y a quelques heures, j’ai écrit une critique de Styx : Shards of Darkness, un nouveau jeu dans lequel un minuscule gobelin se promène en tranchant la gorge de gardes qui font trois fois sa taille, en risquant la mort en permanence. C’est hyper fun, et ça le serait clairement moins s’il pouvait juste tuer tout le monde de loin en se planquant. Pensez aussi à la série des Dark Souls, où tout dépend de votre capacité à esquiver et à asséner un coup mortel au moment le plus propice, le tout en étant collé à votre ennemi comme si vous dansiez un slow gênant à la fête du lycée. J’aime tellement ça que je joue généralement avec Reinhardt sur Overwatch, et que je ne me laisse jamais d’exploser tous les mecs qui m’entourent et qui tentent de me descendre à distance. Dans World of Warcraft, je me débarrasse même carrément des armes, préférant incarner un moine grassouillet qui rouste gaiement les orcs et autres trolls à grands coups de poing.

Je me suis souvent demandé si tout cela était lié à mon histoire personnelle. Je n’ai rien contre les armes, en vérité : j’ai grandi dans un ranch du Texas, et j’ai déjà fait des choses pour protéger le bétail qui me vaudraient assurément le mépris de mes amis les plus progressistes. J’ai tiré quelques milliers de balles dans ma vie, bien avant de savoir remplir une déclaration d’impôts. Je suis assez mauvais avec un pistolet, mais donnez-moi un fusil et vous n’aurez pas envie d’avoir affaire à moi. En théorie, je devrais donc être le genre de mec qui passe ses après-midi sur Call of Duty et affiche fièrement une photo de flingue comme avatar sur Twitter.

Et pourtant. Parfois je pense que c’est précisément pour ça que je préfère éclater les méchants à coups de grosse arme en fer plutôt que de les cribler de balles de loin. Pendant longtemps, pour moi, les armes à feu n’avaient rien d’un fantasme. J’ai grandi dans une région où je pouvais poser ma manette, sortir de chez moi et tirer n’importe où, au hasard, sans craindre de toucher qui que ce soit. Par contre, affronter un adversaire affreux, à quelques mètres de moi, en étant armé simplement de mon instinct et d’une lame bien affûtée ? Ça n’arrive presque jamais dans la vraie vie. Et (au moins) dans les jeux, gagner un combat dans ces circonstances est plus satisfaisant que d’avoir bien visé avec un flingue imaginaire. Pippin Touc avait raison : “Le plus puissant des hommes peut être tué d’une seule flèche.” Et c’est franchement dommage.

Évidemment, j’ai bien conscience de ne pas être le seul à préférer les épées et autres armes de poing aux flingues dans les jeux. Je dirais même que cette préférence assez répandue explique pourquoi les jeux de fantasy continuent à bien se vendre, bien après que l’effet de mode Seigneur des anneaux se soit estompé. Les flingues symbolisent pas mal de problèmes du monde d’aujourd’hui, comme par exemple le fait de pouvoir mourir à n’importe quel moment sans même savoir d’où le coup fatal est venu. Les épées, dans les jeux, nous donnent au moins l’illusion de contrôler notre destin. On voit d’où vient le danger, et on peut l’affronter et éventuellement en venir à bout. Et franchement, aujourd’hui, c’est déjà pas mal.