Les étudiant·es de la Pop-Up University à Molenbeek veulent changer Bruxelles

Pop-Up University Molenbeek

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Pour Sihame El Kaouakibi, fondatrice de WeLoveBXL, notre capitale n’est pas une ville « sale et bourrée de jeunes avec de mauvaises intentions » comme certain·es peuvent le penser. Elle a toutefois remarqué que les gens qui ne sont pas de Bruxelles n’osent parfois pas venir au centre-ville et ça, elle l’a vu comme un nouveau défi : « Trump parle de hell hole, moi je dis fuck le hell hole : c’est un talent hole ! »

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Sihame confronte les clichés, motive et autonomise les jeunes issus de tous les milieux à travers une Pop-Up University et ce, peu importe leur niveau d’éducation. Ce workshop de 5 jours situé à Molenbeek sonne comme un avant-goût de la vie universitaire et leur permet d’ouvrir leurs perspectives, en plus d’approfondir leurs connaissances. Destiné aux jeunes de 17 à 24 ans, le projet prend vie grâce à une étroite collaboration avec des entreprises : « ce lien entre le monde des affaires et l’éducation est très important. Il ne faut pas les considérer comme des petites îles séparées ».

Elle déplore également le manque de diversité dans les universités : « Il est tout simplement absurde qu’en Belgique il y ait un écart aussi important entre les personnes issues de l’immigration et celles qui ne le sont pas. On n’est pas sur le bon chemin ». Sihame a choisi Molenbeek en raison de l’image négative du « hell hole », véhiculée après les attentats de 2016. À la fin de leur semaine de stage, on a demandé aux participant·es de la Pop-Up comment iels pensaient pouvoir améliorer Bruxelles et faire oublier cette réputation.

David (20 ans)

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VICE : Salut David, comment voudrais-tu rendre Bruxelles meilleure ?
David : Bah écoute, ici à la Pop Up University j’ai rencontré plein de monde avec plein d’idées pour développer la ville. Je dis « développer » parce que je pense qu’on peut gagner en reconnaissance avec ce qu’on peut apporter, ne serait-ce que d’un point de vue artistique. Faudrait faire en sorte de garder nos artistes bruxellois ici, à Bruxelles.

Tu pense à des artistes belges en particulier ?
Je sais qu’il y a pleins de rappeur·ses belges qui, au final, vont plutôt en France par exemple, alors qu’iels pourraient parfaitement se développer ici. On a peut-être un petit pays, mais on a tout ce qu’il faut pour collaborer et pour faire vraiment du Made in Belgium. Concrètement, il faudrait stopper ce mouvement de décentralisation d’artistes belges pour rendre Bruxelles meilleure.

Et toi, comment tu ferais pour garder ces jeunes artistes ici à Bruxelles ?
Déjà, faire passer plus d’informations par rapport à des stages comme la Pop Up University, parce qu’il n’y a pas eu beaucoup de pub, à part peut-être sur des réseaux sociaux un peu vieillots comme Facebook. Sérieusement, qui utilise encore Facebook ? Faudrait se focaliser sur la circulation d’informations, sur son amélioration et dire aux jeunes : « Bah les gars, vous pouvez vous développer ici à Bruxelles. »

La Pop-Up University a lieu à Molenbeek, tu crois qu’il y a une raison particulière ?
Ça aurait pu se faire n’importe où. Je n’ai pas d’a priori sur Molenbeek, même si je sais que certain·es disent que c’est un lieu difficile, que les jeunes de Molenbeek n’ont pas de respect, etc. En soi, c’est ce qu’on dit généralement concernant le centre-ville de Bruxelles et même, j’ai déjà entendu des gens avoir les mêmes jugements sur mon quartier et me dire : « Wah, Laeken ça shoot ! ». Selon moi, il n’y a aucune différence au niveau de la jeunesse, que ce soit à Berchem, Laeken ou Molenbeek. Moi je viens de Laeken et pourtant je suis ici à la Pop-Up à Molenbeek, c’est une question de motivation et on s’en fout pas mal de l’endroit.

Jessica (22 ans)

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VICE : Hey Jessica, comment voudrais-tu améliorer Bruxelles ?
Jessica : Je suis belge d’origine congolaise et pour moi le milieu de l’éducation manque de diversité. J’ai l’impression que nous sommes toujours en minorité dans le système éducatif belge, et je parle des personnes avec d’autres origines de manière générale. Je trouve ça dommage parce qu’avoir accès à l’éducation, c’est vraiment une richesse.

Il y aurait un manque de diversité à Bruxelles selon toi ?
En soi, il y a de la diversité à Bruxelles, mais pas partout. Si on prend mon exemple, j’ai fait deux ans d’architecture et il y avait très peu de diversité dans ma section. Aujourd’hui, j’étudie le marketing et c’est probablement un domaine plus large et donc il regroupe plus de personnes d’horizons différents.

Et comment tu veux faire bouger ça, la diversité dans l’enseignement ?
Et bien, la Pop-Up est déjà une belle initiative. Perso, j’aimerais attirer les gens que je connais à plus d’organisations comme celle-ci et même en faire la pub. Faire passer le mot quoi.

La Pop-Up University a lieu à Molenbeek, un endroit avec beaucoup de diversité justement. Tu penses quoi de ce choix de localisation ?
Je pense que c’est l’endroit clé pour promouvoir cette diversité. Molenbeek est une commune avec beaucoup de nationalités différentes et ça doit être plus facile d’attirer des personnes d’origines diverses. Selon moi, c’est une force !

Eva (22 ans)

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VICE : Salut Eva, comment veux-tu rendre Bruxelles meilleure ?
Eva : Je pensais à un espace de co-working sur roues. La raison est simple : les gens préfèrent ne pas prendre le train, parce qu’on y perd beaucoup de temps, il n’y a pas de prises pour recharger nos appareils, il y a une mauvaise connexion wifi ou parfois pas de wifi tout court, etc. Si tu veux travailler un peu, c’est difficile. Avec un genre de co-working à roulettes, les gens ne perdraient pas de temps, prendraient plus souvent les transports publics, ce qui entraînerait à moins d’embouteillages et moins de pollution.

Qu’est-ce que tu recommandes aux jeunes qui perdent actuellement du temps dans le train ?
Ce que je fais beaucoup moi-même, c’est écouter des podcasts. On en apprend tellement ! Par exemple, j’ai déjà appris comment fonctionne le cerveau, mais aussi comment établir un plan financier. Avec les podcasts, t’apprends plein de trucs et c’est formidable d’avoir de telles connaissances !

Pourquoi est-ce que tu crois que la Pop-Up Université a été organisée à Molenbeek ?
Peut-être parce qu’il y a beaucoup de talents ici qui ne savent pas vraiment où aller. Certain·es jeunes de Molenbeek ont peut-être de grandes aspirations, mais pas l’argent, le temps ou les connaissances pour les atteindre. C’est donc une bonne chose que cela se passe ici, pour que les gens d’ici puissent accomplir beaucoup de choses. En plus, les Molenbeekois ont peut-être une vision différente de la société et donc un autre public cible ou d’autres idées. Pensons à cet homme qui a mis au point une lame de rasoir pour les personnes avec les cheveux crépus. Tous les gens aux cheveux crépus se sont directement dit : « je l’achète direct », mais l’inventeur n’a trouvé aucun financement parce que c’est typiquement l’homme d’affaire blanc qui dirige le marché.

Zoé (22 ans)

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VICE : Bonjour Zoé, comment tu veux améliorer Bruxelles ?
Zoé : J’aimerais améliorer le tissu social à Bruxelles. Je veux que les gens se donnent davantage les un·es les autres et que celleux qui ont un logement, par exemple, sont prêts à céder plus aux personnes sans abris, afin que chacun·e puisse vivre plus humainement. Mais c’est très difficile évidemment.

Qu’est-ce que tu proposerais alors?
À la Pop-Up University, de nombreuses propositions ont été faites pour établir un réseau de connexions et on voit que les possibilités sont nombreuses. Par exemple, avec mon groupe de la Pop-Up, on a pensé à une application qui mettrait des bénévoles en contact avec des organisations de bénévolat.

Penses-tu qu’il est important que la Pop-Up University ait eu lieu à Molenbeek ?
Je pense que c’est plus intéressant à Molenbeek parce qu’il y a beaucoup de jeunes ici et que le taux de chômage y est très élevé, mais il faut savoir qu’il y a aussi d’autres communes bruxelloises où la Pop-Up aurait trouvé sa place. Mais sinon oui, je pense que c’est bien que ce soit à Molenbeek !

En effet, les statistiques révèlent un taux de chômage assez élevé à Molenbeek. Pourquoi penses-tu que cela soit ainsi ?
Peut-être parce que les Molenbeekois d’une autre origine ont plus de difficultés sur le marché du travail. Beaucoup de recherches ont été faites à ce sujet : des personnes avec le même CV ont postulé pour le même emploi et il s’est avéré que celleux avec un nom de famille typiquement occidental ont obtenu un entretien, tandis que les autres, avec un nom différent, n’ont en obtenu aucun. Il y a donc certainement un problème, mais il pourrait être résolu très rapidement grâce à des candidatures anonymes, c’est-à-dire sans nom ni photo. De cette façon, on pourrait très certainement améliorer Bruxelles !

Rogin (22 ans)

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VICE : Salut Rogin, tu ferais quoi pour faire ressortir le meilleur de Bruxelles ?
Rogin : Bruxelles est une ville cosmopolite avec beaucoup de ressources, mais je crois que cette diversité n’est pas utilisée à bon escient. Si on compare Bruxelles à Paris, notre structure est très différente. À Paris, tu as le centre, et tout autour il y a les banlieues. Alors qu’à, Bruxelles on se mélange sans vraiment se mélanger : les quartiers sont gentrifiés. Prenez Dansaert par exemple : il y a différents milieux, mais qui ne se mélangent pas, au final. On sait très bien qui appartient à telle ou telle communauté.

Pour revenir à ta question, pour améliorer Bruxelles, avec mon groupe de la Pop-Up University, on a essayé de mettre en place une application mobile qui permettrait à tous les jeunes, indépendamment de leur origine ou classe sociale, de se rencontrer Bruxelles en fonction de leur mood du jour : culture, fun ou chill, par exemple. Selon vos envies, l’app’ génère un trajet en bus, à vélo ou à pied qui dirigera les jeunes à travers les endroits bruxellois correspondants au mood choisi. L’objectif est de mener à une réappropriation de la ville.

Où vas-tu à Bruxelles si tu es dans un mode culture ?
Pour moi c’est Le Space, un endroit qui propose des événements multiculturels avec des sujets tels que la colonisation et autres thématiques du genre. C’est dans le quartier Dansaert et beaucoup d’événements sont mis en place pour les personnes racisées, vu que dans le quartier Dansaert il y a beaucoup de personnes blanches de classe aisée. On peut parler de la gentrification en fait.

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