L’article original a été publié sur The Conversation et repris par Tonic.
Les données scientifiques sont sans équivoque : une réduction des calories n’entraîne pas une perte de poids durable.
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La plupart des personnes qui ont suivi des régimes l’ont sans doute aujourd’hui compris. Même s’ils prennent la résolution de perdre du poids, encore cette année.
Les personnes qui, elles, ne semblent pas reconnaître ce fait sont celles qui n’ont jamais suivi de régime.
Imaginons Nicky. Une personne qui s’alimente sainement la plupart du temps et mange des cochonneries de temps en temps, sans qu’il y ait d’effet marqué sur son poids. Elle ne suit pas de régime : elle est naturellement mince, et il n’est pas étonnant qu’elle croie ce qu’elle voit de ses propres yeux. Néanmoins, elle fait fausse route.
Nous sommes deux chercheuses qui étudions depuis longtemps les raisons pour lesquelles les régimes ne marchent pas. Nous avons constaté que les échecs sont la norme. Nous avons aussi étudié les préjugés auxquels font face les personnes qui font de l’embonpoint et avons été témoins des reproches qu’on leur adresse quand elles reprennent le poids perdu pendant un régime.
En tant que scientifiques, nous savons que les régimes sont des batailles inéquitables. Mais beaucoup des Nicky que nous avons rencontrées – dans la rue, dans l’assistance aux conférences que nous donnons et même parmi nos collègues chercheurs – sont sceptiques quand nous affirmons que les régimes ne marchent pas, car ce n’est pas ce qu’elles ont observé ou vécu.
Une bataille inéquitable
Nicky pense qu’elle est mince en raison de son alimentation saine, mais, en fait, la génétique joue un très grand rôle. Nicky reçoit tout le mérite, car on voit ce qu’elle mange, mais pas ses gènes.
Pourtant, beaucoup ne seraient pas minces comme Nicky même s’ils mangeaient exactement ce qu’elle mange. Leur organisme fonctionne avec moins de calories que Nicky, ce qui semble être une bonne chose (et en serait une s’ils devaient traverser une famine).
Cependant, le résultat, c’est qu’après avoir mangé la même chose et brûlé l’énergie requise pour fonctionner, il leur reste plus de calories en banque, emmagasinées sous forme de gras, que Nicky. Par conséquent, pour perdre du poids, ils doivent manger moins que Nicky. Puis, après qu’ils auront suivi un régime pendant un certain temps, leur métabolisme changera de façon à ce qu’ils doivent encore diminuer leur apport calorique pour continuer à perdre du poids.
Ce n’est pas que la génétique et le métabolisme de Nicky qui lui donnent à penser que les régimes marchent. Comme elle ne suit pas de régime, elle n’a aucun mal à ignorer le bol de friandises sur le bureau de son collègue de travail. Toutefois, pour une personne qui suit un régime, c’est comme si ces friandises sautillaient en criant : « Mange-moi! » Les régimes causent des changements neurologiques qui rendent une personne plus susceptible de remarquer de la nourriture qu’avant. Il devient difficile d’arrêter d’y penser. Nicky peut oublier la présence de ces friandises, mais pas une personne au régime.
En fait, les personnes qui suivent des régimes aiment manger plus qu’avant. C’est que d’autres changements neurologiques font en sorte que la nourriture non seulement a encore meilleur goût, mais aussi hausse la production de dopamine, l’hormone produite quand un toxicomane consomme la drogue de laquelle il est dépendant. Chez Nicky, la nourriture n’a pas cet effet.
De plus, après le dîner, Nicky se sent comblée. Encore une fois, les personnes qui suivent un régime ont du plomb dans l’aile : les régimes produisent aussi des changements hormonauxagissant contre elles. Leur niveau de leptine, l’hormone de la satiété, diminue, faisant en sorte qu’il leur faut plus de nourriture qu’avant pour se sentir rassasiées. Elles ont déjà faim parce que leur apport calorique est réduit, et, après ce changement hormonal, leur faim s’accroît davantage. À ce point, même le lunch normal de Nicky ne les comblerait pas.
Tu n’as pas de volonté?
Les gens qui regardent Nicky sont impressionnés par sa maîtrise de soi, sa volonté. Mais devrait-on parler de volonté si l’on évite de manger alors qu’on n’a pas faim? S’agit-il de maîtrise de soi si l’on évite de manger un aliment qu’on n’a pas remarqué, qu’on n’aime pas ou qui ne produit chez soi aucun plaisir?
Dans ces circonstances, n’importe qui peut s’abstenir de manger. Bien que Nicky n’ait donc pas besoin de volonté pour s’en abstenir, elle en aurait suffisamment si elle en avait besoin, car elle n’a pas subi les effets d’un régime.
Qui plus est, les régimes perturbent la cognition, en particulier les fonctions exécutives qui aident à se contrôler. Les personnes au régime disposent de moins de volonté au moment où elles en ont le plus besoin. Quant aux personnes qui n’en suivent pas, elles n’en manquent pas, mais en l’occurrence n’en ont même pas besoin.
Enfin, même si Nicky mangeait les friandises, son métabolisme brûlerait une plus grande proportion des calories que celui d’une personne au régime.
Bref, à tort, on accorde à Nicky le mérite d’avoir réussi ce qui est facile pour elle, plus facile que pour une personne au régime.
La cruelle ironie, c’est qu’après un certain temps de restriction alimentaire, les changements qui se produisent font qu’il est encore plus difficile d’obtenir pour la suite du régime des résultats satisfaisants.
C’est physiquement possible de ne pas reprendre le poids perdu dans les années suivantes ou même avant, et une minorité de personnes au régime y arrivent. Mais ce n’est pas sans livrer une bataille démoralisante et ininterrompue contre elles-mêmes. Il va donc de soi que des personnes reprennent le poids perdu après le régime qu’elles ont pris la résolution de s’imposer en début d’année.
Si vous êtes une Nicky, rappelez-vous les sacrifices auxquelles ces personnes ont consenti alors que vous vous permettiez de temps à autre de succulents desserts. Soyez impressionné par leurs efforts et reconnaissant de ne pas avoir à vous soumettre à un pareil régime.
Si vous avez repris du poids, rappelez-vous que ce n’est pas de la faiblesse, que vous vous êtes lancé dans une bataille inéquitable que peu remportent. Changez d’approche en améliorant votre santé par l’exercice (qui n’implique pas forcément une perte de poids) et prenez une autre résolution.
Traci Mann est professeure de psychologie à l’Université du Minnesota et auteure de Secrets from the Eating Lab.
A. Janet Tomiyama est professeure agréée de psychologie à l’Université de Californie à Los Angeles.
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