Tous les restaurateurs connaissent cette peur bien particulière qui apparaît dès qu’un critique gastronomique ou un « foodie influenceur » débarque en salle. Mais il en existe une autre spécialement réservée à un certain type de visiteur imprévu. Visiteur qui peut influencer bien plus drastiquement l’avenir d’un restaurant.
Face aux rapports de l’inspection sanitaire, la petite critique d’un Yelpeur snobinard ne fait évidemment pas le poids. En France, ces contrôles sont gérés par les directions départementales de la cohésion sociale (DDCS).
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Au Danemark – où cet article a été rédigé – il s’agit de l’Administration Danoise pour l’Alimentation. Et ne croyez pas que seuls les petits bouis-bouis douteux sont menacés de fermeture après le passage impromptu des inspecteurs. Les meilleurs restaurants gastronomiques peuvent eux aussi recevoir un smiley mécontent. Oui, au Danemark, la notation finale se fait avec ce genre de barème. Qu’est-ce que vous voulez qu’on y fasse ?
Kent Kirkegaard Jensen a longtemps été inspecteur sanitaire au sein de l’ADA. On est allé discuter le bout de gras avec lui pour savoir comment se passe un contrôle de propreté lambda.
MUNCHIES : Salut Kent ! Tu t’es déjà senti mal à l’aise pendant une inspection ?
Kent Kirkegaard Jensen : Personnellement, non. Je ne me suis jamais senti gêné et je n’ai jamais été menacé à cause de mon job. La plupart des restaurateurs savent que ça fait partie du boulot, de se faire inspecter. Donc ça se passe plutôt bien en général.
Mais il arrive qu’on soit obligé de refaire un contrôle parce que l’inspecteur précédent s’est senti agressé pendant sa visite. Certains restaurateurs pensent qu’ils peuvent tout régler en intimidant les gens. On fait en sorte que ce ne soit pas le cas.
On essaye d’être le plus juste possible – mais si le type joue au connard avec nous, on aura tendance à interpréter le code sanitaire de façon un peu plus stricte.
Je vois. Ce n’est pas le genre de visites que l’on attend avec impatience. C’est quoi le pire scénario possible ?
Une fois, le propriétaire du restaurant m’a vulgairement insulté pendant au moins dix minutes. J’avais relevé des températures trop élevées dans un frigo contenant du lait et de la viande. Il a eu un avertissement et on lui a demandé de détruire la barbaque. C’est très banal comme décision. En plus, il n’y avait pas une grande quantité de nourriture à jeter. Mais il s’est déchaîné contre moi. Il n’aurait vraiment pas dû parce qu’on se trouvait à un endroit où toute la salle pouvait l’entendre s’égosiller. Je suis plutôt baraque donc je n’avais pas peur de lui. J’avais presque pitié en fait. Il se tapait la honte devant ses clients.
Mais il y a des histoires plus horribles que ça. On m’a raconté qu’une collègue s’est fait enfermer dans une chambre froide par un restaurateur mécontent de ses critiques. Heureusement, elle avait son portable avec elle et il y avait un peu de réseau dans la salle donc elle a pu appeler à l’aide.
Comment réagissent-ils en vous voyant arriver ?
J’ai déjà vu des gens courir pour tenter de tout nettoyer à toute vitesse. On est vu comme une figure d’autorité donc certains ont vraiment peur de nous. C’est pour ça qu’on essaye autant que possible de faire notre inspection calmement, avec un bon esprit.
Quelles sont les infractions les plus fréquentes ?
L’erreur la plus répandue est celle de couper des légumes sur la même planche que celle qui vient de servir à couper de la viande crue : un vrai bouillon de culture de salmonelles. Ce n’est qu’un exemple parmi d’autres.
Il y a plein d’infractions possibles en cuisine. Il faut faire attention à la façon dont on gère les denrées alimentaires, ne pas faire proliférer des bactéries ou créer de déséquilibre microbiologique. La préparation culinaire doit éliminer les bactéries naturellement présentes dans les aliments et la cuisine elle-même ne doit pas être remplie d’autres bactéries. Il faut aussi garder une trace écrite de tout ce qui rentre en cuisine, c’est de la paperasse. C’est mon monde.
Tu as dû en voir pas mal, des tas de trucs crades. C’était quoi le plus dégueu ?
À part les souris mortes, les saletés laissées par les rats et ce genre de trucs, j’ai évité le pire.
Une fois, je devais inspecter un restaurant qui avait déjà reçu des avertissements pour manque de documentation. En cuisine, il y avait une pièce avec quatre ou cinq congélateurs-coffre alignés contre un mur. De l’autre côté, il y avait un sofa et une table basse. Un groupe de potes était là. Ils fumaient tous en regardant la télé. Déjà ça, ce n’est pas super. Mais en plus quand on est entré dans la pièce ils se sont tous enfuis par la porte de derrière. Comme si on ne venait pas de les voir. C’était assez comique.
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Ce genre de job doit laisser des traces, je suppose…
C’est le cas ! C’est à la fois une bonne chose, mais c’est aussi relou. Tout devient un danger potentiel si c’est mal préparé. Ce n’est qu’un exemple parmi d’autres mais je ne commande plus rien qui contient des glaçons sortis d’une machine à glaçons. Comme il y a une ouverture entre l’intérieur et la salle, ce sont de vraies bombes à bactéries. Si je suis dans une bodega ou ailleurs, je ne consomme jamais de boissons glacées. Voir l’intérieur d’une machine à glaçons plein de moisissures noires, ça te traumatise un homme.
Est-ce que tu lis systématiquement le rapport des services d’hygiène avant d’aller dans un restau ?
Oui, à chaque fois. C’est plus fort que moi. Un jour, je suis carrément parti quand j’ai vu que le resto avait reçu plusieurs avertissements quant à leur gestion de la viande. Je ne voulais pas prendre le risque. La meilleure garantie, c’est quand tu veux tester un restaurant après l’avoir inspecté ou carrément quand un collègue qui vient d’inspecter une cuisine te conseille d’y aller de toute urgence. Là, tu sais que tout est parfait.
Cette interview a été éditée pour des soucis de clarté.
Cet article a été préalablement publié sur MUNCHIES Denmark.