Tech

L’imagination des corbeaux est sans limites

Les corbeaux sont probablement les oiseaux les plus intelligents de la planète. Une nouvelle étude montre d’ailleurs qu’ils sont capables d’imaginer la présence d’autres animaux dans leur environnement sans être en mesure de les détecter pour autant.

Cette étude, menée par une équipe de l’Université de Vienne, a découvert que les corbeaux étaient capables de réfléchir aux intentions de leurs congénères. Certes, on ne sait pas s’ils en sont devenus paranoïaques. Si l’expérience en question était reproduite, elle pourrait signifier que les corbeaux ont une théorie de l’esprit, et une intelligence encore supérieure à celle qu’on leur attribuait jusque là.

Videos by VICE

On sait depuis longtemps que les corbeaux cachent leur nourriture avant d’autant plus de soin qu’ils savent qu’un congénère rôde dans les parages, par exemple. Cependant, comme le notent les chercheurs, ce comportement est justifié par des indices visuels. Leur étude menée par Thomas Bugnyar, quant à elle, a permis d’observer les précautions prises des animaux dans une situation où ils ne voient pas d’autre oiseau à proximité.

Les chercheurs ont réalisé l’expérience suivante : ils ont divisé un espace en deux pièces séparées par un mur percé d’une fenêtre et d’un judas. Ils ont ensuite placé un corbeau dans chaque pièce. Quand la fenêtre était couverte, les corbeaux prenaient tout leur temps pour cacher la nourriture disponible. Quand la fenêtre était dégagée, ils se montraient plus rapides, et évitaient de retourner trop souvent dans le coin où la nourriture était dissimulée. Cela correspond au comportement que l’on connaissait jusque là.

Par la suite, les corbeaux ont appris à regarder par le judas lorsque la fenêtre était découverte afin de regarder à quel endroit les chercheurs cachaient la nourriture dans la pièce adjacente. Ils en ont déduit qu’ils pouvaient eux-mêmes être observés par un autre individu à l’aide du même dispositif.

Les chercheurs ont ensuite couvert la fenêtre et laissé le judas ouvert, avant de diffuser un enregistrement reproduisant des bruits de corbeaux pour faire croire à l’individu étudié qu’un oiseau se trouvait dans l’autre pièce.

Les sujets étudiés se sont comportés de la même façon que lorsque la fenêtre était dégagée, stockant les aliments presque deux fois plus vite d’ordinaire : 8 secondes contre 14 secondes. Cela suggère que les corbeaux sont capables de théoriser dans quelles circonstances on peut, ou non, les observer, même s’ils n’ont aucune certitude qu’un congénère est effectivement en train de le faire.

En ce sens, ils pourraient bien avoir une théorie de l’esprit, c’est-à-dire qu’ils seraient capables « d’attribuer des états mentaux et des capacités physiques à d’autres êtres vivants, comme la vue », résument les chercheurs.

On définit généralement la théorie de l’esprit comme la capacité d’assigner des pensées et des émotions à autrui, et de reconnaître qu’il existe quelque chose comme « un autre esprit. » Les scientifiques et les philosophes considèrent cette capacité comme un signe d’intelligence.

Pour tous ceux qui ont l’habitude d’observer des corvidés vaquer à leurs affaires courantes, les résultats de cette étude ne sont pas très étonnants. En juillet dernier, Motherboard avait évoqué l’intelligence des corneilles et des corbeaux ; pour ce faire, nous nous étions entretenus avec chercheur Kevin McGowan de l’Université de Cornell. Après avoir passé des années en compagnie de ces oiseaux à proximité du laboratoire d’ornithologie de Cornell (à leur distribuer des cacahuètes, leur nourriture favorite), les corneilles avaient appris à reconnaître son visage, mais aussi sa démarche. Ainsi, elles s’approchaient de lui lorsqu’il était de dos.

Elles avaient également mémorisé la forme de sa voiture. Une fois qu’elles l’avaient repérée sur le parking du laboratoire, « elles anticipaient tous mes mouvements et m’attendaient devant la porte » explique-t-il. McGowan est d’ores et déjà convaincu que les corvidés possèdent une théorie de l’esprit. « Elles se rappelaient nos interactions passées et pouvaient prédire tout ce que j’allais faire. »

Généralement, les humains assignent la vertu d’intelligence à des animaux qui leur ressemblent beaucoup. Les animaux décrits traditionnellement comme « intelligents » sont donc tous des mammifères : singes, dauphins, cochons, etc. Mais ces stars du règne animal devront bientôt s’incliner devant leurs concurrents ovipares.