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Lino n’en dira jamais trop

Toutes les photos sont de Romain Rigal

C’est cette semaine qu’est enfin sorti Requiem, le très attendu deuxième album solo de Lino, qui a marqué le rap français au fer rouge au tournant des années 90 et 2000 avec son groupe Ärsenik (dans lequel il évoluait aux côtés de son frère Calbo). Si on retrouve évidemment les rimes, la technique et l’inimitable voix nasillarde du MC de Villiers-Le-Bel, quelques morceaux peuvent dérouter, ce qui n’a pas empêché pour autant le disque de se hisser rapidement en tête des ventes. On est donc allés passer un long moment avec Monsieur Bors pour parler de Requiem, des limites du rap et de l’amour de l’écriture, mais aussi de Rocky, de Dieudonné, de la Schtroumpfette et de Nicki Minaj.

Noisey : Dans « Le Flingue à Renaud », tu fais référence à Renaud bien sûr, mais aussi à Brassens et à Trust. C’est des trucs qui t’ont marqué ?
Lino : Renaud, Brassens, Brel, Ferré, toute la clique… J’aime bien. C’est des auteurs et j’aime les auteurs. Ce sont des influences, autant directes qu’indirectes en fait. Ce qui m’intéresse dans la musique c’est les textes.

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Sur ce son t’as foutu un scratch de Joey Starr (« Donne-moi un flingue »), pourquoi ? Renaud c’était trop cher ou vous vous êtes plantés ?
Bah je sais pas… A la base il y avait carrément une interview de Renaud au début du titre. C’est ça qu’on avait samplé, mais pour une question de droits, impossible de l’utiliser. J’aurais même voulu avoir Renaud, moi, carrément. Mais bon, c’était vraiment compliqué.

Je voulais te remercier parce que dans la douzaine de sons que ton équipe m’a passés, il n’y avait pas le feat avec Youssoupha et Zaho, c’était cool.
Mais… [Rires] Mais qu’est-ce que t’as avec Youssoupha ? Faut m’expliquer ce que vous avez contre lui, je vois mais je comprends pas, j’ai jamais compris. C’est de l’extrémisme ! [Rires]

Mais non ! [Rires]
Ah si, vous êtes des extrémistes carrément. Pourquoi ?

Bah il me fait chier, je le trouve trop lisse et prévisible, tout le temps. Mais il a l’air très gentil avec ses cheveux, pas de souci.
Mais il en faut, il en faut. Tu préfères des mecs qui vont jouer les gangsters ? Le problème du rap c’est ça aussi : lui est trop lisse, l’autre est trop comme ça… Je trouve que Noir Désir est un des meilleurs albums de rap français de ces dernières années. C’est mon opinion. Après tu me donneras la tienne…

Non, ce sera coupé.
Après je juge les lyrics, je calcule pas les gens en fonction de « trop lisse » ou quoi. C’est pas mon problème, ce qui m’intéresse c’est la qualité de la musique.

Pareil pour Zaho ?
Zaho, mais j’adore Zaho, bordel de merde ! Qu’est-ce que vous avez avez Zaho aussi ? [Rires] Je trouve qu’elle a un truc, une voix, des bons refrains… Je suis pas trop fan des chanteuses françaises en réalité. Peu de meufs du RnB me plaisent. J’étais super fan de Wallen, j’adorais, pour ses textes et son univers. Je retrouve un peu de ça en Zaho, même si c’est moins revendicatif. Mais Zallen… Ah j’ai dit Zallen, je les ai fusionnées comme dans DBZ. Mais je trouve que y’a des similitudes : Zaho arrive à sublimer un morceau en posant sa voix. C’est quelque chose d’important pour moi dans la musique.

Le morceau « Peuple qui danse » : j’aime beaucoup le texte, mais l’instru, c’était Bisso na Bisso qui te manquait ou quoi ?
Non mais toi t’es un extrémiste ! [Rires] C’est pas possible ! Tu veux que de la violence… En vrai, la musique appelle le refrain et vice-versa. Sur ce morceau il fallait autre chose. Je suis un rappeur avec une voix assez agressive. Limite c’est un grincement de porte ou une craie sur un tableau ! Il me faut donc un équilibre, un contraste. Du coup, j’utilise des instruments qui permettent d’aller ailleurs. Surtout sur les morceaux un peu plus posés, poétiques. C’est pour ça que Fally Ipupa est là, pour un côté un peu plus light. Lui et l’instru, ça contribue à élever le morceau.

Tu dis « l’esprit malade à la Lex Luthor ». Mais Luthor c’est un génie richissime, il est mégalo mais pas fou.
Si, il est fou. Après, ça dépend comment on voit les choses : la folie n’est pas une tare pour moi. Kanye West, il est fou. Il est complètement malade. Mais qu’est-ce qu’il a du talent, cet enculé ! Que ce soit son 1er solo, le suivant, même l’autre avec le cœur bizarre là et l’auto-tune partout : même quand il part là-dedans, c’est un génie. Mais il est malade. Ou alors il a pété les plombs à un moment donné. Mais la folie n’est pas gênante. J’ai aucun problème avec un génie fou.

Tu rentres dans cette catégorie d’après toi ?
Ouais… Tous les génies sont fous de toute façon. Mais non, moi je suis juste un escroc de génie [Rires] .

Y’a quelques mois on s’est vus et t’as réagi à des commentaires d’internautes pour notre rubrique The People vs. C’est ça qui t’a inspiré quelques passages sur l’album où tu parles de ceux qui « se branlent sur leur forum » ?
Non, c’était déjà écrit. Parce qu’en réalité, j’ai à un moment cherché à savoir ce qui se disait sur moi. J’ai suivi le délire internet, mais j’ai très vite arrêté parce que j’ai très vite vu la limite. T’as pas envie de savoir ce que les gens pensent de toi. Je te jure que c’est pas un truc que t’as envie de savoir. Si tu savais ce que tes potes pensent de toi, tu serais mal. En réalité en tant qu’être humain on n’a pas envie d’entendre ça. Les gens veulent savoir ce qu’on pense d’eux, mais c’est de la flagellation ! Je regarde plus ce qui se dit sur moi, pour ma santé mentale. Sur les autres, ouais, parce que ça me fait marrer [Sourire]. La violence des commentaires, pour de la musique, c’est disproportionné.

« On me dit : “Bors t’es le meilleur, t’es pas à ta place, ramène nous un peu de foudre”, j’réponds “Moi, j’suis là où j’veux être et d’ailleurs qu’est-ce ça peut t’foutre ? » Tu me l’avais déjà dit en interview, ça.
Ouais, c’est toujours ce truc où les gens parlent pour toi en s’imaginant où tu « devrais » être. J’ai jamais voulu être le roi du rap, j’en ai rien à foutre [Rires]. Je suis là, c’est déjà bien. Imagine : moi j’ai foiré mon BEP, j’ai qu’un CAP, frère ! Donc les mecs qui sont là « oui mais la plume, blablabla »… J’ai eu une bénédiction énorme. Le fait que les gens apprécient mon écriture, c’est important pour moi, parce que rien ne me destinait à ça. Si les gens comprennent l’exigence lyricale, tant mieux. Par contre y’en a qui me sortent « mais tu devais être une tête à l’école » [il éclate de rire] T’es fou, j’étais une bite, ouais ! Pas parce que j’étais con, mais parce que je foutais rien, l’école ne me plaisait pas spécialement. On est pas tous faits pour faire des études, je pense.

Outre cette « exigence lyricale » on sent un peu le besoin de rappeler ce dont t’es capable sur cet album.
Bien sûr. C’est aussi le problème du rap, faut se positionner, dire « c’est moi qui fais ça ». Mais en réalité je m’en fous un peu. Mon seul problème c’est la qualité de ce que je peux donner. Le rap est une musique très compétitive, on est forcés de dire « j’ai fait ça, je suis fort » mais plus tu grandis moins ça t’intéresse en vrai. Je le fais parce que je respecte les codes mais sans plus.

Le morceau « Narco » avec Sofiane, Niro et une boucle d’Alpha 5.20 au refrain, t’as conscience que dans tes fans tu vas avoir des puristes qui vont te reprocher tes fréquentations ?
Ah ouais… « Il se rabaisse à poser avec ces gens-là ». C’est qui ces gens-là ? Les rappeurs de rue ? Mais nous quand on est arrivés avec Ärsenik, les gens nous prenaient pour des tarés ! On arrivait, avec le son Ball-trap, la 8°6, les survets Lacoste, les gens disaient qu’on faisait du rap de rue. Alors ça veut dire quoi ? Ce qui m’intéresse c’est le talent, pas le « rap de rue » ou je ne sais quoi. NWA c’est quoi ? C’est du rap de rue non ? C’est pas fort franchement ? Moi j’en ai rien à foutre des mecs qui connaissent pas. Ce qui m’intéresse c’est les gens qui cherchent, pas ceux qui jugent. « Pourquoi il pose avec Niro et Sofiane ». Niro a fait des très bons morceaux. Sofiane est un très bon artiste. Cherchez !

« La révolution sera pas facebookisée » elle est un peu forcée celle-là par contre, non ?
On nous a dit « la révolution sera pas télévisée ». Tu connais la référence. J’ai pas voulu simplement faire un jeu de mot pour actualiser la formule. Le truc c’est ça : on nous a vendu le Printemps Arabe en nous disant qu’il y avait eu une révolution Facebook. J’ai dit « ma bite ». Jamais de la vie y’a une révolution Facebook. C’est faux. Qui peut faire la révolution via un média où tout le monde sait ce que tu fais ? Quand je dis « la révolution sera pas facebookisée » c’est pour dire que tu feras rien via les réseaux sociaux. Tu vas faire quoi ? Dire aux gens « allez on va tous à Montreuil on va tout niquer, hashtag révolte je sais pas quoi » [Rires] Ça n’existe pas. C’est ça que je veux dire. Attention : dans ma naïveté que tu as sentie, il y avait quelque chose de très important. Tous les médias parlaient de révolution issue de Facebook, c’est d’la bite. Tu peux pas parler de révolution Facebook, ça n’a aucun sens. J’espère que je t’ai convaincu là-dessus. Retranscris-le bien [Rires], parce que c’est ça que je voulais dire.



Quand tu sors des trucs style « comme si j’écrivais ma lettre de suicide sur mon avis de décès », tu te rends compte que si t’avais un petit gilet et des lunettes de vieux à la place des lunettes noires, tu pourrais finir « poète urbain » à la télé ?
Ouais, carrément. Mais j’ai conscience de la limite du truc. J’aime beaucoup Solaar, je trouve que Prose Combat est un des albums majeurs du rap français. Mais il a une attitude qui peut correspondre à ce dont tu parles. D’ailleurs il est aux Enfoirés, je crois.

C’est vrai que je te vois mal là-dedans
« J’ai pas de cœur comme le fils à John Q ». Je le dis dans « Suicide Commercial » pour rigoler mais en réalité c’est un peu ça. Faut avoir conscience de ce qu’on fait en tant qu’artiste. J’ai jamais visé ça. Au-delà de ça j’ai même jamais voulu être là. J’ai envie de balancer mes rimes mais j’ai pas besoin que Laurent Ruquier kiffe ma musique, je m’en fous complètement. Il peut passer à côté, c’est pas grave. De la même manière que moi je peux passer à côté de plein d’autres musiques. C’est la vie.

Ça te fait pas chier qu’à chaque fois en interview on te renvoie à ton statut d’ancien en te demandant ton avis sur le rap actuel ?
C’est casse-couilles [Soupir]. J’ai l’impression que c’est la figure imposée pour une interview de rap. D’ailleurs je disais ça au frère qui me parlait un peu comme ça dans l’entretien de tout à l’heure. Si Bénabar arrive, on va pas lui demander « hé, c’est quoi le statut de la pop actuelle ? ». Le rap a un problème de légitimité dans le temps on dirait… Toujours le côté « oui mais j’existe, hein, nanana ». Putain vous vendez des disques, vous êtes légitimes les mecs ! Vous vendez plus que la pop française, parfois 20 fois plus, vous n’avez pas à vous justifier. On s’en fout, vous avez votre public.

Je vais reprendre l’exemple de Michael Jackson, dont je suis un fan inconditionnel. Quand il fait Thriller, il sait qu’il veut faire le disque qui doit être le plus vendu au monde, dans l’idéal. Il sait qu’il est noir, c’est difficile à cette époque, etc. Il travaille sur sa musique, pour fédérer tout le monde. Si c’est ça ton objectif, tu veux que ta musique soit la plus ouverte possible. Mais nous c’est pas ce qu’on fait ! Je m’en fous que mon son ne plaise pas à la ménagère de moins de 50 ans. Si elle kiffe, tant mieux, mais j’ai pas cherché ça. J’ai conscience de ce que je fais et de la limite de ce que je fais. Si j’avais ouvert ma musique au max, et que je plafonne, là ok je pourrais être aigri genre « merde, j’ai fait toutes les concessions possibles, pourquoi ma musique passe pas ? ». Mais là non, je fais ma musique comme moi j’ai envie de l’entendre. Ça passe ou ça casse.

C’est cet état d’esprit qui a engendré « Suicide Commercial » ?
Oui et non. « Suicide Commercial » c’est vraiment un morceau d’emmerdeur. C’est pour faire chier le monde, c’est ça aussi le rap. Je trouvais que ça manquait un peu dans le rap actuel. Ce qu’on pouvait retrouver dans « Hardcore » d’Ideal J. Le côté « ooouuuuh, merde, il a vraiment dit ça ? ». Pas mal de mecs font les durs mais cet état d’esprit me manquait.

Dans ce morceau il y a 2 références à Dieudonné, voire 2 et demi si on compte le « cancer sournois ».
Celle-là n’est pas explicite parce que c’est plus inconscient. Mais j’adore le sketch du cancer, pour moi c’est son meilleur. La phrase sur les limites de la liberté d’expression qui s’arrête à la Main d’Or c’est par rapport à ce qui s’est passé avec Valls, qui a voulu interdire les spectacles. Moi j’ai grandi avec Michel Leeb. Le sketch auquel je pense tu le connais très bien : il imite les blackos, et ça finit en singe. « C’est pas mes lunettes, c’est mes narines ». Moi, politiquement, Dieudonné ne m’intéresse pas. Ce que je juge, c’est sa capacité à faire rire. Je sens les trucs que tout le monde trouve « antisémite ». Mais dans le pur contexte du rire, tu prends ses sketches sur les Pygmées, les Chinois, la fine équipe du 11, tu pisses de rire, vrai ou faux ? Quand Valls dit « il fait rire personne », mais tu déconnes ? Moi je suis personne ? [Rires] Et les milliers de gens qui vont voir ses shows ? Il me fait beaucoup rire mais son côté politisé ne m’intéresse pas. Mais « Sandrine », « Le Divorce de Patrick »… Si j’ai un seul truc à dire à Dieudonné, même si bon il est plus âgé que moi hein, ce serait : arrête tes conneries de politique, reviens à l’humour pur. C’est là où c’est un génie.

C’est un peu ça le sketch du cancer d’ailleurs.
Exactement. Je pense que dans la vie on a tous nos spécificités, et faire tout et n’importe quoi, je vois pas l’intérêt. Mais dans l’humour je trouve que c’est le plus fort, je vois personne d’autre.

Avec l’avalanche de phrases taquines sur ce morceau et sur d’autres (« ils me visent comme si j’avais giflé BHL avec un exemplaire de Mein Kampf » est pas piqué des hannetons) t’as voulu faire chier tes attachés de presse et rendre la promo impossible ?
On en a parlé. Mais dans la vie si tu veux qu’une personne comprenne une chose, comme disait John Doe dans Seven, « mets-lui un coup de batte de baseball dans le crâne, là tu as son attention ». Surtout cette génération, internet etc, on a besoin de ça.

Autre chose dont on avait parlé : ton image de poivrot. Tu continues totalement de jouer avec.
Là c’est pour désacraliser le délire. Des fois on a l’impression que je suis tout le temps sérieux, trop sérieux. Mais pas du tout, dans la vie de tous les jours faut pas se prendre au sérieux. Dans le travail oui, mais c’est tout. A la seconde où tu te prends trop au sérieux, tu pars en couilles sérieusement. Les mecs se branlent parce que j’ai fait une interview, genre « mais tu as eu des problèmes ? » [Rires] Je suis très très loin d’être alcoolique, mais j’aime déconner et en jouer. « Je suis peut-être aussi drogué que toi si ce n’est plus », c’est du jeu. C’est pour pousser le propos et éviter d’être trop consensuel. Si j’arrive avec le côté chevalier immaculé, le message passe bizarrement. Mais si je te le fais comme ça…

Les gens ne se sentent pas jugés.
Exactement. Après s’ils pensent que je suis un défoncé total, j’en rigole. Rien à foutre.

L’album est encore une fois relativement sombre, c’est ça ta couleur ?
C’est ce que j’aime entendre. Mais si tu compares avec Paradis Assassiné, bizarrement, à l’époque les mecs me disaient « mais c’est anxiogène », ils suffoquaient ! Mais bon, le titre avec Zaho et Youssoupha, celui avec Corneille, ils sont assez ouverts quand même. Après je suis un fan de Brel comme je t’ai dit : « Ces gens-là », c’est super sombre ! C’est mon délire. Y’avait même des morceaux encore plus ouverts qui ont été éjectés parce qu’ils s’intégraient pas. Les gens dans le rap veulent qu’on soit multi-cartes. Dansant, pour les meufs, pour les voyous… C’est pas ça un artiste. Tu es ce que t’es, tu peux plaire à certains et moins à d’autres, rien de grave, c’est la vie.

« C’est Rocky 1, Rocky 2, 3, 4, c’est Rocky 16, on lâche rien » T’es au courant que Rocky 5 est sorti ? Et qu’il était nul ?
Ah il était nase ! Avec Tommy Gunn ? [Rires] Rocky 6, enfin Rocky Balboa, est mieux. Le 5 j’ai pas aimé. Mais sinon j’adore Rocky, je suis un fan. Je peux te faire les dialogues de tête.

« Jeanne veut devenir Serge, Olive baise avec Tom, C’est quoi la vie après la mort, qui c’est qui fourre la Schtroumpfette ? » Toi t’es le genre de mec qui aime bousiller l’enfance des gens.
Un mec m’a dit « ah putain tu déconnes de dire des phrases comme ça ». Mais la schtroumpfette m’a été inspiré par un dialogue du film Donnie Darko. Il se demande qui baise la schtroumpfette, et il finit par dire à la fin que tout le monde est dessus et que le grand schtroumpf c’est celui qui fait les vidéos. Ça m’avait fait rire. Après cette rime est là pour souligner la perte de l’enfance. Quand j’étais gamin je me posais pas la question. Mais quand tu grandis, tu te dis : attends y’a que des mecs et une seule meuf, ils baisent quand les Schtroumpfs ? Tu commences à te poser ce genre de questions [Rires].

« Quand les modèles d’nos gosses deviennent des implants mammaires et des gros culs ». T’aimes pas ça ?
Ah non attention, je déplore le fait qu’on mette que ça en avant, c’est tout.

C’est un clash contre Nicki Minaj ?
Nooooooon… C’est un constat sur l’époque. Quand j’étais gamin c’était Samantha Fox et Sabrina, « Boys Boys Boys », les gens étaient dingues dessus. Samantha Fox montrait rien, elle était en jean avec des gros seins c’est tout. Aujourd’hui elles sont en string à 4 pattes, elles font du twerk, c’est ça qu’on vend aux gamines. C’est cette sexualisation qui me gêne. Je suis pas un prêtre ni un pasteur, je m’en fous, c’est juste une observation. Ceci dit, j’ai jamais aimé Nicki Minaj. Sa voix me stresse. Rien à voir avec Lil Kim, Foxy Brown, MC Lyte, qui tu veux. Nicki Minaj je peux pas dire un seul morceau que j’aime bien. Si tu rajoutes les clips c’est catastrophique, c’est du strip club, ça n’a aucun sens.

Dans ce morceau tu redonnes aussi ta définition de la punchline dont on avait parlé, avec la comparaison sur la boxe.
C’est ce que je dis toujours. Une punchline est une phrase qui doit rester dans le temps. Le « I never sleep cause sleep is the cousin of death » de Nas, bon je te le dis en anglais façon-façon [Rires] mais ça m’est resté. C’est comme les citations de Shakespeareou de qui tu veux, ça a cette valeur une punchline pour moi. Aujourd’hui un mec va dire « si je suis sombre c’est parce qu’il fait nuit », « je les mets tous au courant, je suis EDF »… Mais c’est nul ! Enfin, tu peux en faire une comme ça de temps en temps, mais faut pas que tu t’imagines que t’es fort.

« Et je les entends essayer de miauler comme Drake ». Tu l’aimes pas ?
C’est pas ça. Je trouve qu’il a beaucoup de talent. Pour être honnête j’ai mis du temps à rentrer dans Drake… « Rentrer dans Drake », c’est balourd comme formule, sorti du contexte. Dégueulasse [Rires]. J’ai mis du temps à rentrer dans l’artis… Hum.

Dans son univers [Rires]
Voilà. En écoutant je trouve qu’il a beaucoup de talent en fait, l’enculé. Il fait son truc très bien. Mais la phrase « ils veulent miauler comme Drake », c’est parce que j’avais l’impression que du coup tout le monde voulait chanter, ça me saoulait un peu.

Ça fait quand même beaucoup de phases qui reprennent des réponses que tu m’avais faites y’a 6 mois. Tu peux pas dire à tout le monde que c’est mes questions qui t’ont inspiré tout ça ?
[Rires] Ah non, ça va pas le faire.

Très bien. Sur « Faute de français », tu penses que ça va marcher, que les jeunes vont prendre ton feat pour Maître Gims ?
Dokou ? Vocalement j’ai pas senti ça [Il fredonne pour lui-même une seconde du refrain] Non, je trouve pas. Après c’est du ressenti, mais ça m’a pas frappé. Mais pour le coup Gims me dérange pas, il fait son truc.

« J’écris des titres trop bavards, de peur de pas en dire assez ». Finalement c’est ça l’explication ?
Oui, il y a de ça. Mais il y a aussi le fait que je suis comme Usain Bolt. Quand il démarre t’as l’impression que c’est toujours le moins rapide, et sur la longueur il dépasse tout le monde. Moi c’est pareil je suis meilleur en longueur. J’estime que je suis meilleur quand j’en dis beaucoup plutôt que l’inverse. J’ai toujours un problème avec les 16 mesures : « j’ai pas dit assez, merde ». Bien sûr il y a aussi le kif : j’aime l’écriture depuis que je suis gamin. J’ai jamais forcé le truc, j’adore ça. C’est pour ça qu’aujourd’hui avec toutes ces tendances où y’a une négation de l’écriture, j’essaie toujours d’avancer là-dessus, parce que c’est ce que j’ai toujours aimé.


Yérim Sar est plus Rocket que Bolt, mais ça vous le saviez sans doute déjà. Il est sur Twitter – @spleenter