L’UE a un plan contre le trafic d’espèces sauvages

Derrière le trafic d’armes, d’êtres humains et de drogues, le trafic d’espèces sauvages est la quatrième activité illicite la plus lucrative au monde. Ce trafic représente un business annuel estimé entre 8 et 20 milliards d’euros. Et les affaires semblent aller bon train, sachant qu’aujourd’hui un kilo de corne de rhinocéros se négocie plus cher qu’un kilo d’or.

Depuis 2007, le commerce illicite de l’ivoire a été multiplié par deux. Le braconnage des rhinocéros a augmenté de 7 000 pour cent en Afrique du Sud sur la période 2007-2013. La population d’esturgeons a décliné de 98 pour cent dans les régions ouralienne et caspienne. Ces quelques statistiques alarmantes donnent une idée de l’urgence.

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Depuis quelque temps la lutte contre le commerce illégal d’animaux est devenue un cheval de bataille de l’Union européenne. Si beaucoup des animaux concernés par ce trafic ne viennent pas du Vieux continent, l’UE est l’un des marchés de destination de cette activité et sert de plaque tournante pour le transit vers d’autres régions du monde.

Ce jeudi, la commission de l’environnement du Parlement européen (ENVI) a adopté à l’unanimité un rapport d’initiative (un outil institutionnel qui permet de recommander à la Commission européenne d’agir sur un domaine précis) sur la lutte contre le trafic d’espèces sauvages.

Le rapport adopté ce jeudi est porté par la députée européenne britannique Catherine Bearder et reprend les grandes lignes d’un plan d’action de l’UE adopté en février dernier, qui dégageait trois axes prioritaires.

En premier lieu, l’UE souhaite agir à la source, afin de prévenir le trafic d’espèces sauvages, notamment en collaborant avec les communautés rurales des pays d’origine des animaux victimes du trafic, afin qu’elles participent à la conservation des espèces sauvages et « retirent des avantages de cette participation. »

Si de nombreuses règles existent déjà en matière de lutte contre ce type de trafic, les modalités de mise en oeuvre diffèrent considérablement d’un pays à l’autre de l’UE, d’où la volonté de l’union « d’assurer une application plus uniforme des règles », mais aussi de lutter plus efficacement contre les groupes criminels qui profitent du trafic.

Enfin, l’UE souhaite renforcer le partenariat mondial entre les trois types de pays impliqués : les pays d’origine des animaux, les pays de transit et les pays de destination. Pour ce faire, l’UE voudrait accroître le financement accordé aux pays en développement, pour les aider à lutter contre le trafic des espèces sauvages, et renforcer la collaboration entre les pays pour « maintenir la question du trafic des espèces sauvages au rang des grandes priorités mondiales. »

L’UE saisit déjà à ses frontières de nombreuses espèces sauvages ou produits issus des animaux. La majorité de ces saisies sont des produits médicinaux issus d’animaux comme les os de tigres ou les cornes de rhinocéros. Suivent ensuite l’ivoire, les mammifères, les coraux, les reptiles puis les oiseaux et les invertébrés.

Si le trafic d’espèces sauvages menace évidemment la biodiversité, il menace aussi la paix et la sécurité, comme tous les crimes contre l’environnement, note le rapport adopté ce jeudi.

« Partout dans le monde, un nombre croissant de crimes contre l’environnement sont commis par des groupes armés non étatiques, des groupes terroristes et d’autres groupes qui se développent grâce à l’exploitation de ressources naturelles, celles-ci étant plus faciles à exploiter que les revenus issus d’autres formes d’exploitation telles que le trafic de drogue, de cigarettes ou de migrants, » peut-on lire dans le rapport.

Plusieurs organisations criminelles ou terroristes profitent effectivement du trafic d’espèces sauvages pour se financer, notamment au Mali. En novembre dernier, des experts de l’ONU soupçonnaient des groupes armés terroristes du nord du Mali de tuer des éléphants pour revendre l’ivoire.

À lire : Des groupes terroristes suspectés de se financer grâce au braconnage d’éléphants dans le Nord du Mali

D’autres groupes armés oeuvrant en Afrique auraient aussi recours à cette méthode, notamment l’Armée de résistance du Seigneur (LRA), un mouvement rebelle qui s’oppose au gouvernement ougandais, et qui opère désormais à la frontière entre le Soudan du Sud, la Centrafrique et la RDC.

En Asie, Harkat-ul-Jihad-al-Islami et Jama’atul Mujahideen Bangladesh — deux groupes associés à Al-Qaida — braconneraient aussi des tigres, des éléphants et des rhinocéros dans la région pour faire fonctionner leurs organisations.


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Sources : Commision européenne, Document de travail sur le trafic d’animaux sauvages, Nations Unies, europarl.europa.eu

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