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Le sort des femmes laissées pour compte dans la guerre contre la drogue a longtemps été ignoré. Photo Martin San Diego
Drogue

Dans l’enfer de la guerre contre la drogue aux Philippines

Alors que la politique anti-drogue du président Duterte a fait des milliers de morts, le sort des femmes et des enfants laissés pour compte a longtemps été ignoré.

Jocelyn était là quand son grand-père, Marcelo Garganta, a été abattu de sang-froid. Dans les bidonvilles de Navotas, où vit la famille, dans la baie de Manille, la capitale, les gens se bousculent à toute heure du jour et de la nuit, de sorte que les portes sont toujours ouvertes. Il était une heure du matin quand des hommes masqués ont fait irruption dans la maison.

Jocelyn, neuf ans, dormait sur le canapé du petit magasin familial. Sa grand-mère est allée réveiller Marcelo qui dormait en slip. Le ventilateur électrique tournait. C'était une soirée chaude et humide. Les hommes ont dit à Marcelo qu'ils étaient là pour l'emmener au poste de police. « Attendez, leur a-t-il dit. Laissez-moi m'habiller. »

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Sur les masques des hommes, il y avait des crânes. Ils ont laissé Marcelo mettre son short, puis ils ont ouvert le feu. Ils lui ont tiré dans la tête, la poitrine et différentes parties du corps.

Jocelyn a été réveillée par le bruit des balles et les éclaboussures de sang sur son visage. Lorsqu'elle a ouvert les yeux, son grand-père était allongé dans une mare de sang. Sa grand-mère était hystérique. Les hommes leur ont dit de partir, mais la grand-mère de Jocelyn tenait Marcelo dans ses bras, le tirant vers elle, convaincue qu'il pouvait encore être sauvé si on l’emmenait à l'hôpital. Jocelyn a couru dans les rues, terrifiée.

Dehors, des policiers rassemblaient les hommes du quartier. Un raid anti-drogue, ont-ils dit. Ils ont forcé les hommes à monter dans des voitures, en leur disant qu'ils allaient au quartier général de la police pour vérifier s'ils avaient des affaires en cours ou des mandats d'arrêt les concernant. Parmi les personnes arrêtées, il y avait les deux fils adolescents de Marcelo. Jomar, étudiant en criminologie de 19 ans, a fondu en larmes en parlant à un journaliste de la télévision. « Ils ont tiré sur mon père cinq fois. Ils n'avaient pas l’intention de l'épargner. Ce qu'ils ont fait est mal. Je sais ce que la police est censée faire dans ces cas-là… Je l’ai appris à l'école. »

Quelques semaines seulement après l'entrée en fonction du président Rodrigo Duterte, la police a commencé à tuer des trafiquants de drogue présumés dans tout le pays. Photo publiée avec l'aimable autorisation de Martin San Diego.

Quelques semaines seulement après l'entrée en fonction du président Rodrigo Duterte, la police a commencé à tuer des trafiquants de drogue présumés dans tout le pays. Photo publiée avec l'aimable autorisation de Martin San Diego.

Le père de Jocelyn et le fils aîné de Marcelo, Joseph, 27 ans, étaient également à l'extérieur. Aucun des membres de la famille n'a été autorisé à approcher le corps de Marcelo avant l'arrivée des enquêteurs sur la scène du crime. « C'est mon père ! criait Joseph aux flics. C'est mon père ! »

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Ils ont aussi emmené Joseph. Mais au lieu de le faire monter dans la voiture avec les autres hommes, ils l'ont mis sur une moto, en sandwich entre deux hommes en civil. Ils ont dit qu'ils l'emmenaient aussi au quartier général.

C'était le 21 juillet 2016, les premiers jours de la guerre contre la drogue, trois semaines seulement après l'investiture du président philippin Rodrigo Duterte. En deux jours, sept trafiquants de drogue présumés sont morts dans la ville, dont Marcelo. Cette nuit-là, une vingtaine d'hommes ont été emmenés au quartier général de la police de Navotas pour y être interrogés, ce qui allait devenir une pratique courante des policiers dans les opérations anti-drogue à travers le pays.

Dans une interview télévisée, le commissaire de police de Navotas, Dante Novicio, a défendu son équipe. Il a affirmé que Marcelo était un trafiquant de drogue présumé et que ses policiers avaient frappé à la porte, mais au lieu de coopérer, Marcelo s'était mis en colère, a sorti un pistolet et a commencé à leur tirer dessus. Lorsqu'on lui a demandé pourquoi ses hommes avaient choisi de tuer Marcelo au lieu de simplement le neutraliser, le visage de Novicio est resté stoïque. « Des portes leur bloquaient la vue et ils avaient du mal à tirer avec précision puisqu'ils évitaient ses balles », a-t-il répondu.

La famille nie cette version de l'histoire. Marcelo avait effectivement été impliqué dans une affaire de drogue dans sa ville natale de Bicol il y a quelques années, admettent-ils, mais il avait cessé de consommer des substances illicites. Surtout, la police ne l'a même pas fouillé avant de lui tirer dessus.

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Dans les mois qui ont suivi, l'argument de Novicio, selon lequel ses policiers ont tiré en légitime défense et ont trouvé de la drogue sur le suspect, est devenu une sinistre justification pour les milliers de meurtres commis par des policiers. Les témoins et les familles réfutent ces affirmations.

Malgré le fait que Jocelyn et sa grand-mère aient été témoins du meurtre de Marcelo, Novicio a dit aux médias qu’aucun membre de la famille n’était présent à l'intérieur de la maison lorsque l’homme de 50 ans a été abattu.

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Les descentes de police dans les domiciles sont monnaie courante dans les quartiers pauvres. Photo publiée avec l'aimable autorisation de Martin San Diego.

Vers 7 heures du matin, quelques heures après le meurtre, la tante de Jocelyn est allée chercher le corps de Marcelo à la morgue. Elle s'est arrangée pour que le corps de son père soit ramené à la maison afin d’organiser une veillée. Aux Philippines, en particulier dans les communautés pauvres, les veillées sont souvent organisées dans la rue, devant le domicile du défunt, tant les services religieux sont onéreux.

Au même moment, un véhicule est venu déposer un autre cadavre qui avait été retrouvé quelques heures auparavant. Le corps était recouvert d'un drap blanc, seuls les pieds dépassaient. Ils étaient enveloppés dans du gros scotch. Elle a demandé à voir le corps. L'équipe a retiré le drap. Le corps était mouillé. Les yeux de la victime avaient été arrachés. Des dents manquaient. Son pénis était exposé parce que son pantalon était déboutonné. Ses ongles étaient noirs. Quand elle l'a vu, elle l'a tout de suite reconnu. Peu de temps après, elle a reçu un appel d'un membre de sa famille. « Nous sommes au quartier général de la police. Seuls deux de tes frères sont ici, lui a-t-on dit. Joseph a disparu. »

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Lorsque le service funèbre est arrivé chez eux plus tard dans la journée, il y avait deux véhicules. La famille attendait le corps de Marcelo. Le personnel a apporté le corps aux parents en pleurs. Puis, ils ont descendu un second corps. Le silence est devenu obsédant. C'est alors que la famille a réalisé qu'elle avait aussi perdu Joseph, le père de Jocelyn.

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Depuis que le président Rodrigo Duterte a déclaré sa guerre contre la drogue, les corps ont commencé à s'accumuler, en raison des meurtres commis par la police et les justiciers. Photo publiée avec l'aimable autorisation de Martin San Diego.

Le rapport officiel des autorités sur la mort de Marcelo parle d’une altercation avec la police. Celui sur la mort de Joseph dit simplement : « Homme trouvé. Cadavre. »

Aujourd'hui encore, la famille ne sait pas exactement ce qui est arrivé à Joseph. Peut-être a-t-il été puni pour avoir fait une scène dans la rue lorsque son père a été tué. Peut-être est-il devenu incontrôlable sur la moto. Peut-être les a-t-il simplement ennuyés. « Il ne prenait pas de drogue. Il n'avait pas un seul vice », dit la tante de Jocelyn.

« Si je suis élu président, je ferai comme j'ai fait en tant que maire. Vous, les dealers, les braqueurs et les vauriens, vous feriez mieux de partir. Parce je vais vous tuer » – Rodrigo Duterte avant son élection

La seule chose dont ils sont sûrs, c'est que dans les mois qui ont suivi la guerre contre la drogue, en plus des fusillades de la police, il y a eu une série d'exécutions imputables au vigilantisme. Des corps dans des états similaires ont été retrouvés dans toute la ville. Leurs têtes étaient attachées avec du ruban adhésif, tout comme les pieds de Joseph, et ils portaient également des marques de torture. Des pancartes en carton avaient été laissées : « Je suis un trafiquant de drogue. Ne faites pas comme moi. »

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Quant à Jocelyn, qui est fille unique et qui a été séparée de sa mère, elle a vu son grand-père et son père se faire assassiner le même jour.

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Le président Rodrigo Duterte mène depuis longtemps une guerre brutale contre la drogue aux Philippines. Photo de Noel Celis, publiée avec l'aimable autorisation de l'AFP

En mai 2016, l'ancien maire de Davao, Rodrigo Duterte, a remporté la présidentielle, élu par des Philippins privés de leurs droits qui en avaient assez de l'élite politique. Il a été élu sur la base d'un programme de répression de la criminalité et d'éradication de la drogue, en grande partie grâce à son succès dans le rétablissement de l'ordre public à Davao, une ville du sud des Philippines qui était autrefois en proie à la violence et aux insurrections communistes.

Pendant la campagne présidentielle, Duterte a promis de reproduire ce qu'il avait accompli à Davao, mais à l’échelle du pays. « Si je suis élu président, je ferai comme j'ai fait en tant que maire. Vous, les dealers, les braqueurs et les vauriens, vous feriez mieux de partir. Parce je vais vous tuer », a-t-il déclaré un mois avant les élections.

Duterte a tenu sa promesse. Dès son arrivée au pouvoir, il a déclaré la guerre à la drogue. Il a également encouragé à plusieurs reprises la police à tuer les criminels associés au trafic de drogue. C'est une politique qui a gagné le soutien de personnalités comme le président américain Donald Trump, qui a félicité Duterte pour son « excellent travail ».

Bientôt, des milliers de corps ont commencé à s'empiler.

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Un rapport des Nations unies publié en juin – basé sur près de 900 dépositions, dossiers de police, documents judiciaires, photos et vidéos, entretiens avec des victimes et des témoins, et contributions du gouvernement – fait écho à d'innombrables articles de presse et autres enquêtes menées par des groupes de défense des droits de l'homme au cours des quatre dernières années. L'enquête de l'ONU documente des violations généralisées des droits de l'homme sous l'administration de Duterte, en particulier le « meurtre systématique de milliers de personnes soupçonnées de trafic et de consommation de drogue ». Une enquête distincte d'Amnesty International rapporte que les forces de police « ciblent systématiquement des personnes pauvres et sans défense dans tout le pays » et qualifie la guerre contre la drogue de « guerre contre les pauvres ».

Le gouvernement nie qu'il existe une politique visant à tuer les consommateurs de drogue et affirme que tous les décès surviennent au cours d'opérations de police légitimes. Pourtant, les deux rapports citent des descentes de police sans mandat dans des foyers privés et des rapports de police falsifiés. Les schémas suggèrent des victimes non armées et la présence persistante de preuves sur les scènes de crime, ce qui jette de sérieux doutes sur la cohérence du discours de légitime défense de la police.

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Personne ne sait exactement combien de personnes sont mortes depuis le début de la guerre contre la drogue. Les chiffres officiels du gouvernement indiquent qu'il y a eu 8 663 meurtres depuis le début de la répression en juillet 2016, mais selon des estimations indépendantes, le bilan pourrait être jusqu'à trois fois plus élevé : environ 27 000 personnes. Sur ce nombre, le rapport de l'ONU indique que 73 sont des enfants – dont un bébé de cinq mois – et 11 sont des femmes, bien que le décompte ne soit pas exhaustif.

En plus des décès sous surveillance policière, il y en a 29 000 autres classés en tant que « décès sous enquête », comme c’est le cas de Joseph. La Cour suprême des Philippines a exigé une explication pour la moyenne de près de 40 décès par jour de juillet 2016 à novembre 2017. Elle a aussi soulevé la possibilité que ces meurtres commis par des forces de l’ordre aient été commandités par le gouvernement en collusion avec la police. Les autorités affirment que seulement 9,4 % de ces décès étaient liés à la drogue, mais une étude précédente a révélé que souvent, la police ne signale pas ces cas.

Le plus inquiétant est peut-être « la profonde impunité » soulignée par le rapport de l'ONU. Les témoins et les proches, pour la plupart des femmes, craignent pour leur sécurité et se sentent démunis face à la justice.

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La guerre contre la drogue a été surnommée la guerre contre les pauvres. Photo publiée avec l'aimable autorisation de Martin San Diego.

Alors que la guerre contre la drogue dure depuis quatre ans, on a peu parlé de ces femmes et de leurs expériences. « Quand j'entends leurs histoires, la réalité me saute aux yeux : c'est l'enfer sur terre », dit le père Flavie Villanueva, qui a lancé un programme de l'Église pour aider les veuves et les orphelins de la guerre contre la drogue. « L'ère Marcos [Ferdinand Marcos, ancien présidents des Philippines, NDLR] nous a laissé des blessures et des cicatrices profondes, mais c'est bien pire en comparaison. C'est une guerre systématique et légitime qui se déroule sous nos yeux, 24 heures sur 24, 7 jours sur 7. »

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Le père Villanueva affirme que son programme d'intervention psycho-spirituelle, Paghilom, a aidé environ 150 femmes et 60 enfants et adolescents. « Ces cicatrices vont être transmises à la prochaine génération, dit-il. 99% des hommes tués survenaient aux besoins de leur famille. Multipliez chaque décès par cinq, car chaque famille a à sa charge au moins trois à cinq enfants, frères et sœurs ou neveux. »

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La guerre contre la drogue aux Philippines a tué environ 27 000 personnes, selon les estimations des groupes de défense des droits de l'homme. Photo publiée avec l'aimable autorisation de Martin San Diego.

Marilyn Malimban se rappelle très bien ce que son compagnon faisait le matin de sa mort. Jessie Cule regardait des photos de sa famille sur Facebook.

C'est arrivé un dimanche. Marilyn, 45 ans, est partie travailler et a dit au revoir à Jessie, 37 ans, mais celui-ci est resté allongé sur le lit, dos à elle, sans un mot, absorbé par les photos de famille. Le couple vivait dans une petite bicoque à Payatas, un quartier pauvre de Manille, la capitale philippine.

Marilyn et Jessie étaient ensemble depuis environ neuf ans. Leur première rencontre datait de 2007. Après un mois d'échanges par SMS, Marilyn avait accepté de rencontrer Jessie dans un centre commercial voisin. A l'époque, il travaillait comme concierge dans une boutique de bric-à-brac. Elle l'avait vu de loin et avait été extrêmement déçue. Elle avait fait de son mieux pour être présentable, elle était maquillée et parée de ses plus beaux atours. Jessie, en revanche, portait des tongs en caoutchouc. Mais il était généreux et gentil. Trois mois après leur rencontre, ils emménageaient ensemble. Leur vie était simple, mais heureuse.

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Après la victoire de Duterte, Jessie s’inquiétait de l'augmentation du nombre de meurtres signalés aux informations. Quelques années auparavant, alors qu'il travaillait comme chauffeur de vélo-taxi, il consommait de la méthamphétamine, connue localement sous le nom de shabu. La drogue lui donnait de l'énergie pour continuer à conduire jusqu'à tard dans la nuit, ce qui lui permettait de gagner un revenu supplémentaire, a-t-il dit à Marilyn. Elle l'a supplié d'arrêter, ce qu'il a fini par faire. Il a trouvé un nouveau travail comme éboueur. « Il a changé, se souvient-elle. Chaque fois que je rentrais à la maison, il était là et le dîner était prêt. »

« Les blessures de Jessie Cule sont encore plus effrayantes. Non seulement elles prouvent qu'un meurtre a été commis, mais elles montrent aussi que les victimes ont été exécutées » – rapport d’autopsie de Jessie Cule

Quelques mois avant sa mort, Jessie a montré à Marilyn une vidéo sur son téléphone concernant la dernière victime de la guerre contre la drogue. « Bébé, regarde ça. Il dormait quand on lui a tiré dessus », lui a-t-il dit. Bientôt, des rapports indiquant que même d'anciens consommateurs de drogue étaient tués ont fait la une des journaux. Jessie a décidé de quitter Payatas. Il avait prévu de retourner dans sa ville natale en décembre, où vivait sa famille, et Marilyn devait le suivre. Mais Jessie n'est jamais rentré chez lui. Il a été assassiné en août.

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Le dimanche de sa mort, Jessie avait prévu d'acheter un sac de riz. Il avait du temps à tuer jusqu'à ce que Marilyn rentre, alors il s'est rendu chez un ami vers 14 heures pour jouer au billard avec trois autres connaissances. La cabane était au pied d'une colline, près d'un ravin. Elle était constituée d'un patchwork de contreplaqué, de plastique et d'autres matériaux légers.

Il était 15 heures quand ils sont arrivés. Cinq hommes en civil. L'un d'eux portait un panier en osier avec un coq à l'intérieur. D’autres étaient armés. Ils ont fait irruption et ont pointé leurs armes sur Jessie et ses amis. Ils ont crié : « Personne ne bouge ! » Jessie et ses amis ont levé les mains en signe de reddition.

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La cabane où Jessie Cule a été assassiné. Photo publiée avec l'aimable autorisation de Martin San Diego.

Les hommes armés les ont menottés, fouillés, puis les ont fait asseoir dehors sur un banc. Ils n'ont rien trouvé. Ils ont fouillé la cabane et ont saisi des téléphones, des bijoux et des appareils électroniques. En sortant de la maison, ils ont brandi un pochon en aluminium et un briquet, que Jessie et ses amis ne connaissaient pas. Ils ont nié. « Menteurs ! » ont crié les hommes, les accusant de consommer de la drogue.

Agacés, les hommes armés ont amené Jessie et deux de ses amis à l'arrière de la cabane. Ses deux autres amis ont été placés à l'intérieur. Des coups de feu ont retenti dans la maison, puis le bruit des corps tombant au sol.

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Dehors, Jessie et ses amis savaient qu'ils étaient les prochains. Ils ont été obligés de se mettre à genoux. Jessie a regardé les hommes tirer sur ses deux camarades qui étaient agenouillés à côté de lui. L'un d'abord, puis l'autre. Jessie était le dernier. Il a pleuré et supplié pour sa vie. Il s’est accroché aux jambes d'un des hommes et a demandé à être épargné.

L'autopsie a révélé que Jessie a reçu trois balles :

Les blessures de Jessie Cule sont encore plus effrayantes. Non seulement elles prouvent qu'un meurtre a été commis, mais elles montrent aussi que les victimes ont été exécutées.

On lui a tiré une balle dans le deltoïde droit, avec une blessure de sortie au niveau de la partie inférieure de la colonne vertébrale. Encore une fois, cela montre qu'il a été abattu à bout portant dans l'épaule droite alors qu'il était agenouillé.

Alors que Jessie était à genoux, sans vie, la poitrine contre le sol, Marilyn a reçu un appel au travail. C'était son propriétaire. « Il y a une urgence, a-t-il dit. Vous devez rentrer à la maison. »

Lorsque Marilyn est arrivée sur la scène du crime vers 16 heures, une foule s'était formée et la police avait bouclé la zone. Ils ne l'ont pas laissée identifier le corps. Ils ont récupéré les cadavres un par un. Il y avait cinq victimes, mais seulement quatre corps. L'un d'eux avait réussi à s'échapper.

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Efren Morillo, un vendeur de fruits et légumes de 29 ans, a simulé sa mort lorsqu’on lui a tiré dessus à l'intérieur de la cabane. Lorsque les flics sont sortis pour tuer Jessie et ses deux autres compagnons, Efren a réussi à s'échapper.

C'est grâce à lui que Marilyn a pu connaître les derniers moments de Jessie. Depuis, il a déposé une plainte contre la police. La déclaration sous serment du plaignant révèle des détails effrayant sur le déroulement des événements de cet après-midi du 21 août 2016.

Dehors, j'ai entendu beaucoup de coups de feu. J'ai entendu des voix s'élever : certaines en colère, d'autres en pleurs. J'ai entendu quelqu'un dire : « Débarrassez-vous d'eux et dites qu'ils ont riposté. Semez des preuves. »

Pendant que les hommes armés étaient dehors, j'ai rassemblé mon courage pour bouger. J'ai rampé hors de la pièce vers un ravin qui n'était qu'à trois mètres. J'ai appuyé ma main sur ma poitrine blessée et j'ai roulé dans le ravin. J'ai atterri au fond d’un ruisseau.

J'ai prié pour ma vie afin de voir mes enfants grandir et pouvoir demander justice pour mes camarades assassinés.

Le document indique également que ce n'est qu'aux alentours de minuit qu'Efren a finalement reçu un traitement médical approprié, environ neuf heures après avoir été blessé. Il est resté à l'hôpital pendant dix jours, où la police l'a retrouvé et a monté un dossier contre lui.

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Selon les policiers, j'ai résisté à mon arrestation et me suis défendu lors d'une opération anti-drogue. Ils ont même donné des interviews disant que nous avions été pris en train de consommer de la drogue, et que nous étions des suspects notoires du trafic de drogue, voire des tueurs à gages.

Efren a porté plainte auprès du Bureau du médiateur des Philippines contre quatre policiers et leurs complices pour tentative de meurtre, meurtre de ses compagnons, vol et fausses accusations de possession de drogue et d'armes à feu. Lorsque Marilyn a entendu l’histoire d’Efren, elle a également porté plainte.

Le meurtre de Jessie et de ses amis est devenu la première contestation juridique de la guerre contre la drogue menée par Duterte. Le 26 janvier 2017, dans une autre pétition, Efren, Marilyn et les familles des autres victimes ont demandé à la Cour suprême de suspendre les opérations controversées de lutte contre les stupéfiants du gouvernement. Le 30 janvier, Duterte a annoncé sa suspension et a ordonné que toutes les opérations anti-drogue soient transférées de la police à l'Agence philippine pour la lutte contre la drogue (PDEA), ce qui a entraîné une baisse du nombre de décès. Mais le 28 février, quatre semaines plus tard, Duterte a de nouveau autorisé la police à participer à la guerre contre la drogue.

Les résultats des expertises médico-légales et les rapports d'autopsie des enquêteurs indépendants appuient la déclaration sous serment d'Efren. Cela a donné à Marilyn la détermination de continuer à se battre pour Jessie. « Si Jessie s'était défendu, je n'aurais pas porté plainte. Mais ce n’est pas le cas, dit-elle. C'est pourquoi je me bats pour lui, même si cela va prendre du temps. Parce que tout ce qu'ils disent à son sujet est faux. »

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C'est la façon dont il a été exécuté qui blesse le plus Marilyn. L'image de Jessie agenouillé, en T-shirt et short noirs, terrifié et en pleurs, est gravée dans son esprit. Quitte à le tuer, elle aurait préféré qu’ils l’abattent instantanément, au lieu de le laisser supplier pour sa vie. « J'ai vu une photo de son corps retourné. C'est ce qui m'a donné de la force, dit-elle. J'ai pleuré, mais je me suis forcée à la regarder. Ses yeux étaient encore ouverts. » Il y a un autre détail qui la hante. « Il y avait des traces de larmes sur son visage. »

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L'assassinat de Kian de los Santos, 17 ans, a fait beaucoup de bruit au niveau national. Photo de Noel Celis, publiée avec l'aimable autorisation de l'AFP.

Même avec un témoin oculaire et des preuves accablantes, les chances sont contre Marilyn. La guerre contre la drogue dure depuis quatre ans, et malgré les milliers de morts, une seule affaire a abouti à une condamnation des forces de l’ordre : le meurtre de Kian de Los Santos, 17 ans.

Le public philippin connaît en détail l'histoire de la mort de Kian, la première à déclencher l'indignation générale et des protestations nationales contre la guerre contre la drogue.

C'était une semaine d'examens pour Kian. Il l'avait dit à ses assassins, les suppliant juste avant qu'ils ne le tuent : « Arrêtez, s'il vous plaît. J'ai des examens demain. » Le rapport parle d’une opération de police officielle et d'une « fusillade » lors de laquelle les policiers auraient tué Kian en état de légitime défense :

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Le personnel de l'unité de lutte contre la drogue PCP-7, dirigée par l’agent PO3 Arnel Oares, ainsi que dix autres éléments, menaient l'opération One Time Big Time, lorsque le suspect susmentionné a remarqué la présence des agents qui s'approchaient…

Le suspect a sorti son arme à feu et a tiré directement sur les policiers, mais il a manqué son coup, ce qui a poussé l’agent PO3 Oares à riposter afin de repousser l'agression du suspect, car leur vie était en danger imminent. Il a tiré sur le suspect au niveau du corps, ce qui a entraîné sa mort instantanée.

Le rapport indique également que la police a retrouvé quatre douilles de cartouches, une arme de calibre 45 et deux sachets de méthamphétamine en sa possession.

Mais les témoins oculaires et les images de vidéosurveillance révèlent une toute autre histoire. Les images montrent que le 16 août 2017 vers 20h45, Kian traînait dans les rues près de chez lui, lorsque deux hommes en civil l'ont arrêté. Ils l'ont traîné à travers un terrain de basket à la vue de tous, puis dans des ruelles sombres et des rues sinueuses, jusqu'à arriver dans une impasse. Kian a essayé de se défendre, mais il avait les yeux bandés. Il a pleuré et supplié pour sa vie.

On a retrouvé son corps en position fœtale, vêtu d'un pyjama ; un t-shirt bleu et un caleçon imprimé. Il a reçu trois balles : une dans le dos, deux dans la tête. L'autopsie a révélé qu'il était face contre terre lorsque les deux premiers coups de feu ont été tirés. La troisième balle est entrée par son oreille gauche et est ressortie par le côté droit de sa tête. Il avait également un pistolet dans la main gauche. Sauf que Kian était droitier.

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Le rapport de l'ONU a identifié des rapports de police falsifiés suggérant la mise en place de preuves sur les scènes de crime. Photo publiée avec l'aimable autorisation de Martin San Diego.

Sa sœur aînée, Krizzhia de los Santos-Rosero, se souvient de l’appel qu’elle a reçu : « J'ai perdu la tête. »

Kian était un adolescent qui aimait le rap et rêvait de faire des battles. Il apprenaient les chansons par cœur et les récitait sans cesse à voix haute. Il adorait manger. Pas de la grande gastronomie, plutôt de la streetfood : siomai (raviolis de porc), kwek kwek (œufs de caille frits), boulettes de poisson.

Voilà les souvenirs que Krizzhia essaie de garder de son frère bien-aimé : ses passions, ses habitudes, ses manières, sa voix. Mais c'est difficile. Parce que quand elle pense à lui, l'image qui lui vient à l'esprit est celle d’un Kian effrayé et recroquevillé.

« Je peux imaginer le traumatisme et la peur qu'il a subis. Il déteste l'obscurité. Mais ils l'ont emmené dans un endroit où il faisait noir. Il ne pouvait même pas aller seul dans une pièce si les lumières étaient éteintes, dit-elle. Il s'est probablement demandé pourquoi ils l'avaient emmené. Pourquoi ils lui faisaient ça. Surtout qu'il avait un examen. »

Elle se met à pleurer. « Je sais qu'il était terrifié à ce moment-là. Quand je pense à lui dans ces conditions, je culpabilise de ne pas avoir été là quand il est mort. Pourquoi n'étais-je pas là pour lui à ce moment-là ? »

Voilà qui est Kian Delos Santos aux Philippines : l'adolescent qui a été assassiné par la police. Des centaines de sympathisants ont assisté à sa veillée funèbre et portaient des t-shirts sur lesquels on pouvait lire « Justice pour Kian ». Des avocats ont offert leur aide bénévolement. Les gens ont défilé dans les rues pour réclamer la fin de la guerre contre la drogue.

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« Nous maintenons que l'État de droit est respecté aux Philippines et que tout crime commis par les forces de l'ordre ou d'autres parties sera traité conformément à une procédure régulière » – Harry Roque, porte-parole de Rodrigo Duterte

Les manifestations ont un peu aidé. Le 29 novembre 2018, un peu plus d'un an après la mort de Kian, trois policiers, Arnel Oares, Jeremias Pereda et Jerwin Cruz, ont été condamnés pour son meurtre à des peines allant de 20 à 40 ans de prison sans possibilité de libération conditionnelle. Ils ont cependant été acquittés des accusations de falsification de preuves.

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Jerwin Cruz et Arnel Oares, deux des trois policiers accusés d'avoir tué Kian de los Santos, un étudiant de 17 ans, lors de leur audience à Manille le 24 août 2017. Photo de Ted Aljibe, publiée avec l'aimable autorisation de l'AFP.

Quant à leurs supérieurs, non seulement ils sont restés en service, mais ils ont également été promus.

Selon Krizzhia et sa famille, il y a eu méprise sur l’identité de Kian. « Il n'a même jamais essayé la drogue, j'insisterai toujours sur ce point », dit-elle.

Krizzhia n’a pas seulement perdu Kian. Son père Saldy et sa mère Lorenzana – qui travaillait comme employée de maison à Riyad, en Arabie Saoudite, lorsque Kian est mort – vivent maintenant dans un endroit tenu secret, dans le cadre du programme de protection des témoins de l'État. Elle leur parle de temps en temps au téléphone, mais ne les a pas vus depuis 2017. Krizzhia, qui a deux enfants et un mari, a décidé de quitter ce programme dans l'espoir d'avoir une vie un peu plus normale. « Il avait vraiment hâte de décrocher son diplôme, dit-elle au sujet de son frère. Il voulait être policier. »

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Un garçon présent à la veillée d'une autre victime de la guerre contre la drogue aux Philippines. Photo de Martin San Diego.

La guerre contre la drogue de Duterte continue, malgré l’indignation de la communauté internationale. En réponse au rapport de l'ONU, le porte-parole présidentiel Harry Roque a déclaré que le gouvernement « rejette fermement ces conclusions ». « Nous maintenons que l'État de droit est respecté aux Philippines et que tout crime commis par les forces de l'ordre ou d'autres parties sera traité conformément à une procédure régulière », a-t-il déclaré dans un communiqué. Il a également noté que l'engagement du gouvernement Duterte « dans la campagne contre les drogues illégales est renforcé… par le soutien continu du public au président, qui a réussi à entrer en fonction grâce à son programme de lutte contre les stupéfiants ».

Sur ce dernier point, Roque a raison. Malgré le nombre croissant de décès, Duterte bénéficie d'un large soutien et d'une grande popularité. Les résultats d'un sondage effectué en décembre 2019 par Social Weather Stations ont montré que 82 % des Philippins sont satisfaits de Duterte, un record pour sa présidence. Son mandat ne se termine pas avant 2022.

Mais les répercussions de la guerre contre la drogue s'étendront bien après le départ de Duterte et l'arrivée d'un nouveau président.

« Les enjeux sont énormes, dit le Dr Nicole Curato, sociologue et professeure à l'université de Canberra. Cela a pour effet de corroder la confiance dans des institutions comme la police, qui sont censées nous protéger. Cela affaiblit également le tissu de la vie communautaire : au lieu de se soutenir mutuellement, les voisins se retournent maintenant les uns contre les autres pour dénoncer les trafiquants de drogue présumés. Il est difficile de réparer ces relations. »

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Selon le Dr Curato, qui a mené des recherches sur la guerre contre la drogue aux Philippines, celle-ci laissera beaucoup de cicatrices dans la vie des femmes. « Certaines choisissent de se taire et de se reconstruire, tandis que d'autres décident de prendre la parole, de raconter leur histoire et de demander justice. Ces deux impacts sont lourds pour les femmes. Il faut beaucoup de force émotionnelle pour faire son deuil et surmonter une expérience traumatisante, que l'on reste silencieux ou que l'on parle, dit-elle. Mais cela permet aussi aux femmes d'affirmer leur identité, non pas en tant que victimes, mais en tant que survivantes. Il est crucial de se réapproprier le récit. »

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Marilyn a juré de rendre justice à Jessie. Photo publiée avec l'aimable autorisation de Martin San Diego.

Pour les enfants, l'inquiétude est encore plus grande. « Chaque génération est définie par un moment historique critique. Ce qui m'inquiète, c'est que nous sommes témoins d'une génération d'enfants qui grandissent dans une société où le meurtre et la violence parrainée par le gouvernement sont la norme. »

C'est aussi la raison pour laquelle les interventions psychologiques sont tout aussi importantes, selon Curato : car les familles vivent souvent leur deuil dans la solitude. « Leurs voisins ne veulent pas leur être associés, tandis que les autres membres de la famille se tiennent à l'écart pour éviter d'être impliqués. Les interventions de l'Église et des groupes de bénévoles sont indispensables à la guérison de ces familles. »

Mais il y a une limite à ce que des programmes de l'Église comme celui du père Villanueva peuvent accomplir, surtout avec des ressources financières limitées. Les décès changent intrinsèquement la vie des femmes et des enfants, qui sont obligés de naviguer entre des émotions de tristesse, de vengeance, de colère, de culpabilité et d'impuissance alors qu'ils tentent d'aller de l'avant.

Pour Krizzhia, qui a bénéficié d'un large soutien après la mort de Kian, l'emprisonnement des meurtriers de son frère ne met pas fin à sa souffrance. Des rumeurs constantes continuent de peser sur sa famille et elle concernant l'implication de Kian dans le milieu de la drogue ; des rumeurs colportées par les partisans de Duterte sur Internet et sur les réseaux sociaux. Les commentaires sont durs : ils disent que Kian a mérité de mourir, que le monde se porte mieux sans lui, que ses proches doivent être eux aussi des trafiquants de drogue. « Ma famille s'est effondrée. Nous sommes en deuil. Nous avons perdu l'un des nôtres. Et ils nous accusent ? dit Krizzhia. Ce n'est pas juste. »

Depuis, Krizzhia a changé de carrière pour devenir assistante sociale. « Je veux vraiment aider », dit-elle. Et bien qu'elle affirme avoir trouvé une certaine paix grâce à sa foi, il y a un désir qui reste intact.

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Krizzhia se rend sur la tombe de son frère Kian à l'occasion de l'anniversaire de sa mort. Photo publiée avec l'aimable autorisation de Martin San Diego.

« J'espère pouvoir parler à ses assassins et leur demander pourquoi, dit Krizzhia. À quoi pensiez-vous cette nuit-là ? Qu'a dit mon frère dans ses derniers instants ? Quand il suppliait pour sa vie, n'avez-vous pas vu les visages de vos enfants ? De vos frères et sœurs ? N'avez-vous pas pensé que cela aurait pu être votre enfant, à sa place ? Et surtout, pourquoi Kian ? »

Le but de Marilyn a également changé : sa vie entière tourne désormais autour de la recherche de la justice pour Jessie. Elle a déménagé pour se rapprocher du Bureau du médiateur, afin de pouvoir assister aux audiences chaque fois qu'elle est convoquée par le tribunal, même si sa dernière audience remonte à plus de deux ans. Depuis, elle n'a reçu aucune information sur l'évolution de son dossier.

« J'attendrai aussi longtemps qu’il faudra, dit-elle, déterminée à blanchir le nom de son compagnon. Jessie était quelqu'un de bien. »

Marilyn se dit prête à abandonner l'affaire si les policiers admettent qu'ils ont menti sur ce qui s'est passé. Elle veut juste qu'ils arrêtent de prétendre que leurs victimes se sont défendues, et qu'ils arrêtent de tuer des gens. « Je compatis avec ceux qui ont été laissés derrière, dit-elle. Surtout les enfants. »

Les enfants comme Jocelyn. Elle a maintenant 11 ans et est en CM2. Avant sa mort, son grand-père l'accompagnait tous les jours à l'école. C'est sa tante qui s'occupe d'elle maintenant ; une autre bouche à nourrir, en plus de trois autres enfants.

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Jocelyn a perdu son grand-père et son père dans la guerre contre la drogue. Photo publiée avec l'aimable autorisation de Martin San Diego.

Les proches de Jocelyn ont choisi de ne pas porter plainte, vu le harcèlement subi par les familles des autres victimes, ainsi que la lenteur et le coût élevé des procès aux Philippines. Ils s'efforcent plutôt de mettre de la nourriture sur la table, maintenant que leur seule source de revenus n'est plus là.

La scolarité de Jocelyn est financée par une bourse de l'Église pour les orphelins, mais lorsqu'elle n'est pas en classe, elle aide sa tante à gagner de l'argent. Elles vont à des manifestations et à des rassemblements où elles vendent du café et des boissons à base de pandan. Elle participe également aux veillées du rosaire, où elle prie avec d'autres orphelins pour que cesse la guerre contre la drogue. C’est une enfance que personne ne mérite.

Jocelyn voulait être policière, mais elle a changé d’avis depuis. Elle veut maintenant être avocate, afin de pouvoir aider les gens. Elle est toujours en colère. Elle veut que les assassins de son grand-père et de son père aillent en prison. Lorsqu'on lui demande si elle leur a pardonné, elle secoue la tête.

« Il y a de mauvais flics dehors. Je n'ai plus confiance en eux », dit-elle en détournant le regard. Les larmes lui montent aux yeux. « Je veux qu'ils s'excusent pour ce qu'ils ont fait. Mais même ça, ça ne ramènera pas mon père. »

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