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Manger comme un condamné à mort ? Glauque, mais possible au Japon

ultima masa detinuti

James Edward Smith avait fait pas mal de petits métiers. Tour à tour cartomancien et chauffeur de taxi, il aimait se présenter comme prêtre vaudou. Mais tout ça, c’était avant de dépouiller et de tuer un agent d’assurances au Texas. Pour ce meurtre, Smith a été condamné à la peine de mort. Quelques jours avant son exécution, il réclamait comme dernier repas de la « rhaeakunda », une terre utilisée lors de certains rituels, persuadé qu’en l’ingurgitant, son esprit serait libre de passer dans l’au-delà plutôt que de traîner dans les couloirs de la prison à foutre les chocottes aux matons.

Sa demande incongrue a été rejetée par le Texas Department of Corrections. Six heures avant l’injection mortelle, Smith obtient un sursis. Il restera dans le quartier des condamnés à mort pendant deux ans avant d’être finalement exécuté le 26 juin 1990. Son deuxième dernier repas ? Un pot de yaourt nature.

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Il n’y a ni terre sacrée, ni yaourt au menu du restaurant Ningen ( « humain » en version originale) situé dans le quartier de Shinjuku à Tokyo. Par contre, on peut y trouver les derniers repas d’autres condamnés à mort plus ou moins célèbres.

Selon Spoon-Tamago, ce restau « pop-up » est l’œuvre d’un collectif d’artistes baptisés Chim↑Pom qui a prévu d’y exposer aussi des œuvres et d’y organiser des performances avant-gardistes. Le bâtiment qui l’accueille, le Kabukicho Book Center, est considéré comme un coin plutôt « malfamé » et devrait même être démoli avant la fin de l’année – l’« exécution » de l’immeuble aurait servi de source d’inspiration au menu du Ningen.

Parmi les repas proposés, on peut notamment citer celui du braqueur et double meurtrier Gary Mark Gilmore, qui aurait descendu (sic) un hamburger, une pomme de terre au four, un œuf dur et trois shots de Jack Daniels avant de passer devant un peloton d’exécution en 1977. Pour la petite histoire et une raison qui m’échappe, le Ningen a remplacé le Jack Daniels par du Maker’s Mark.

Pour ceux qui préfèrent manger plus sainement, Judy Buonoano, la « veuve noire » de Floride, a mangé une assiette de brocoli, d’asperges et de fraises avant la chaise électrique en 1998. Elle avait été reconnue coupable du meurtre de son mari, de son fils de 19 ans, partiellement paralysé, et quelques années après, d’une tentative de meurtre de son nouveau fiancé.

Le dernier repas de Joseph Paul Jernigan, voleur devenu meurtrier, est aussi dispo. Il est composé de deux cheeseburgers, de frites, d’une salade avec vinaigrette Mille-îles et d’un verre de thé glacé. (Jernigan aurait finalement refusé de le manger.)

Ningen propose aussi une version édulcorée de la commande de John Wayne Gacy – le clown le plus flippant devant Pennywise. Pour le director’s cut, il faut une douzaine de beignets de crevettes, un bucket de poulet KFC, des frites et 450 g de fraises. Au milieu des années 1960, Gacy dirigeait trois KFC à Waterloo, dans l’Iowa. Soit il n’en était pas dégoûté, soit il avait le pari que ça le tuerait avant l’État de l’Illinois.

Ningen n’est pas le premier à utiliser le concept des derniers repas de condamnés. En 2014, un groupe d’organisateurs anonymes avait tenté de lancer à Londres une soirée baptisée Death Row Dinners. Au menu : cinq plats à 50 £ (56 euros) inspirés des demandes de détenus du couloir de la mort. « Profitez de l’idée d’un dernier repas, sans l’exécution à la fin », suggéraient avec une certaine finesse les organisateurs.

L’événement est finalement annulé après le signalement de « comportements menaçants » à l’encontre des organisateurs. « Death Row Dinners avait été créé pour plaire à un public qui ne serait pas choqué par le concept », ont déclaré ces derniers dans un communiqué. « Et ce public existe puisque pas mal de billets avaient été vendus. »

Selon Reuters, les seules « démocraties avancées » du G7 qui exécutent encore des prisonniers sont les États-Unis et le Japon. Un sondage de 2015 indique que 80,3 % des citoyens japonais sont favorables à la peine de mort. Ce qui pourrait expliquer pourquoi le collectif d’artistes qui a eu l’idée du Ningen n’a pas été confronté aux mêmes critiques.


Cet article a été préalablement publié sur MUNCHIES US

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