Ayant grandi en Italie, j’ai passé une bonne partie de mon enfance à manger « in bianco » (en blanc), c’est-à-dire des aliments simples comme du riz ou des pâtes, censés être si faciles à digérer qu’ils vous remettent sur pied lorsque vous êtes malade.
La formule exacte de la bouffe « in bianco » change légèrement d’un pays à l’autre, mais en Italie, il s’agit la plupart du temps de pâtes ou de riz blanc cuit à l’eau avec un peu d’huile ou de beurre, et peut-être une pincée de parmesan par-dessus. On l’accompagne parfois d’une tranche de viande grillée ou de poisson maigre, avec des pommes de terre bouillies.
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Quels que soient les ingrédients, la principale caractéristique de ce genre de repas est sa fadeur et son manque de convivialité. Les enfants qui ont des problèmes d’estomac se voient généralement servir ce type de plats, non seulement à la maison, mais aussi à l’école, et beaucoup d’entre nous ont conservé cette habitude à l’âge adulte sans trop la remettre en question. Mais pourquoi exactement la nourriture insipide est-elle si bonne pour nous ? Et quand doit-on en manger ?
« Tout cela fait partie de notre héritage culturel, basé sur l’idée que faciliter le processus de digestion pendant une infection peut aider à la récupération. »
« Historiquement, on recommandait aux patients de se nourrir d’aliments simples pour réduire les symptômes associés à la gastro-entérite aiguë [grippe intestinale] », explique la Dr Valentina Paolucci, pédiatre à Rome. « Tout cela fait partie de notre héritage culturel, basé sur l’idée que faciliter le processus de digestion pendant une infection peut aider à la récupération. »
Le problème est que ces aliments simplissimes ne sont pas particulièrement nutritifs, ce qui fait que les adultes et les enfants malades « ne disposent pas du carburant nécessaire à leur rétablissement », ajoute Paolucci. Si on réfléchit un peu, les plats basiques peuvent également être assez lourds à digérer, surtout s’ils comprennent beaucoup de beurre, de fromage ou d’huile.
Lorsqu’on est malade, Paolucci recommande plutôt de suivre un régime sain, varié et léger, accompagné de beaucoup d’eau pour compenser la perte de liquides et de sels qui découle des vomissements et de la diarrhée. Outre les aliments gras et salés, les sucreries sont aussi à éviter, car elles peuvent affecter la répartition de l’eau dans l’organisme et affaiblir les contractions musculaires du système digestif.
« Il existe une croyance profondément ancrée qui consiste à présumer que pour prendre soin de soi et de son corps, il faut souffrir. »
Et pourtant, même si la bouffe fadasse n’est pas vraiment bonne pour la santé, on a l’impression qu’elle l’est. On éprouve un étrange sentiment de satisfaction à manger quelque chose d’ennuyeux quand on est malade, presque comme un acte de self-care rassurant pour soulager un corps en pleine crise.
« On a généralement tendance à penser que si on adore un certain plat ou un aliment riche, ça ne peut pas être bon pour nous. Et ça s’applique aussi à celles et ceux qui ne suivent pas de régime », explique le nutritionniste et auteur italien Marco Mereu. « Les régimes hypocaloriques, et l’idée de sacrifice qui leur est attachée, sont désormais considérés comme “bénéfiques” pour tout le monde. Il existe une croyance profondément ancrée qui consiste à présumer que pour prendre soin de soi et de son corps, il faut souffrir. »
Les régimes restrictifs qui se concentrent sur la réduction des repas ou l’élimination de certains groupes d’aliments sont de plus en plus normalisés sur le net. Mais cette obsession pour l’alimentation saine peut ironiquement devenir assez malsaine.
« Certaines personnes vont parfois supprimer intégralement les assaisonnements et le sel de leur alimentation, avec le risque de développer d’autres maladies », explique Mereu. « Ils pensent qu’en se privant, ils font preuve d’une grande prudence ». Mais « c’est une grossière erreur », conclut-il. « Ce faisant, vous renoncez au goût et à la saveur, des éléments fondamentaux pour entretenir une bonne relation avec la nourriture ».
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