Deux manifestations simultanées ont eu lieu vendredi dernier à Lomé, la capitale du Togo. Elles ont été suivies de pourparlers ce samedi pour éviter que la tension politique ne déborde dans la rue. La première manifestation soutenait le président Faure Gnassingbé, au pouvoir depuis 2005. La seconde, violemment dispersée, était celle de l’opposition, regroupée autour du courant Combat pour l’Alternance Politique (CAP 2015). CAP 2015 demande entre autres une limitation du nombre de mandats présidentiels, dans un pays marqué par la rareté de ses changements de présidence.
RFI rapporte que la marche de l’opposition de vendredi a été violemment stoppée par les forces de l’ordre à son arrivée devant l’Assemblée nationale, à grand renfort de gaz lacrymogène. On compte deux blessés graves. Eric Dupuy est le secrétaire national à la communication de l’Alliance Nationale pour le Changement (ANC), un parti d’opposition qui a participé à la manifestation. La radio l’a interviewé lors de la marche : « Chaque fois que la population réclame des réformes avec le régime, le régime fait sortir l’armée, la police et la gendarmerie pour mater l’opposition. Ce qui s’est passé au Burkina Faso a créé une espèce de panique au sein du régime prêt à tout pour se maintenir au pouvoir. »
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Images de la manifestation de l’opposition publiées par Togovision
Pays frontalier du Togo, le Burkina Faso est dans toutes les têtes. Entre la fin du mois d’octobre et le début du mois de novembre derniers, l’ex-président du Burkina Faso Blaise Compaoré a fait face à un soulèvement populaire après qu’il a voulu modifier la constitution de son pays pour pouvoir briguer un énième mandat. Blaise Compaoré a été contraint à la fuite, et une transition militaire a remis le pouvoir entre les mains des civils en la personne de Michel Kafando le 17 novembre. Le Togo partage une frontière en commun avec le Burkina, au Nord.
Burkina Faso : Journée de chaos à Ouagadougou. À lire ici.
Un article du site internet Togosite rapporte que le gouvernement togolais aurait envoyé vendredi des véhicules blindés dans les rues de Lomé. Cette information n’est pas vérifiée par d’autres médias, mais certains tweets publiés vendredi indiquaient la même chose.
Cité par un autre article de RFI, le chargé de communication du parti présidentiel de l’Unir affirme que son parti est « favorable à la limitation des mandats », mais après cette élection. Les partisans du président craignent qu’une modification de la constitution effectuée avant les élections ne soit rétroactive, et empêche donc Faure Gnassingbé de se présenter aux élections de 2015. L’Unir a manifesté vendredi avec le slogan Touche pas à ma constitution pour protester contre une révision de celle-ci avant les élections présidentielles de 2015.
Le Togo, ancienne colonie allemande placée sous la tutelle de la France après la Première Guerre mondiale, a obtenu son indépendance en 1960. Le père de Faure Gnassingbé, feu Gnassingbé Eyadéma, avait été un des acteurs d’un coup d’État en 1963. Il a occupé la fonction de président du Togo pendant 38 ans, de 1967 à 2005, régnant sans partage sur un régime à parti unique, le Rassemblement du peuple togolais (RPT).
Le président Faure Gnassingbé a été élu au pouvoir en 2005, après la mort de son père. Le parti RPT a été dissous en 2012 par Faure Gnassingbé pour être remplacé par l’Unir, actuel parti présidentiel. La date de la prochaine élection présidentielle n’est pas encore arrêtée, mais devrait avoir lieu dans moins de six mois.
L’actuelle constitution de la quatrième République du Togo a été adoptée en 1992 et modifiée le 31 décembre 2002. Depuis la modification de 2002, le président est rééligible sans restriction quant au nombre de mandats effectués, et la fonction est accessible à partir de 35 ans contre 45 ans auparavant. Cette modification a permis à Faure Gnassingbé de succéder directement à son père en 2005, à l’âge de 39 ans. L’actuel président de la République du Togo a pour l’instant effectué deux mandats présidentiels de cinq ans.
Jean-Pierre Fabre, le chef du parti d’opposition ANC, a rencontré Faure Gnassingbe samedi matin. Les deux hommes devaient trouver un terrain d’entente. Un article de RFI rapporte qu’aucun accord n’a été trouvé entre les deux hommes au cours de leur entretien. Cité par RFI, Fabre aurait déclaré « Je n’ai pas envie de reculer et lui non plus. » Le leader de l’opposition a appelé à de nouvelles manifestations samedi prochain.
Dans un discours prononcé vendredi à Paris à l’occasion de la remise du prix de la fondation Chirac, le président de la République française François Hollande a fait allusion aux manifestations de Ouagadougou le mois dernier. En parlant de l’Afrique, le président français a déclaré que «La population du Burkina Faso a fait une belle démonstration, qui doit à mon avis faire réfléchir ceux qui voudraient se maintenir au-delà du temps nécessaire à la tête de leur pays en violant l’ordre constitutionnel […] »
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Photo via Flickr/Willem Heerbaart