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Marc Dorcel veut faire des films pour adultes 100% africains

Marc Dorcel

Dans l’essentiel des pays de ce vaste continent qu’est l’Afrique, vous ne trouverez pas de sex-shop ayant pignon sur rue, pas d’offre d’abonnements à la VOD pour du contenu pornographique et encore moins de chaîne spécialisée dans la diffusion de films pour adultes. Là-bas, où les gens sont souvent pudibonds et où les mœurs sont teintées par les religions, les traditions et l’occultisme, l’industrie du X est une industrie fantôme. Pourtant aucun de ces privatifs n’a réussi à dissuader Grégory Dorcel lorsqu’il s’est investi dans la création de Dorcel TV Africa, la toute première chaîne pornographique 100 % africaine, lancée le mois dernier. Le PDG de la marque au sceau de cire rose le reconnaît, ce n’était pas un pari facile. D’ailleurs, « personne ne pensait que c’était possible ». Mais quand on est à la tête d’un empire qui, depuis 40 ans, peut se targuer d’avoir révolutionné la façon dont on regarde du porno, on n’a pas peur de relever des défis.

Avec véhémence, il l’affirme : « L’Afrique, comme tous les autres continents a une consommation et une envie d’entertainement sexuel ». Mais faute d’organisation et d’environnement professionnel où développer le marché, les productions en circulation sont souvent vaseuses, voire carrément pêchées ailleurs (en Jamaïque ou au Brésil souvent), puis faussement libellées africaines. Réguler et remanier le cinéma pornographique à l’africaine, Dorcel y avait pensé. C’est donc naturellement qu’ils ont répondu à l’appel d’offres lancé dans le monde entier par Canal+ International, « qui constatait qu’aujourd’hui en Afrique il était proposé soit du contenu occidental, soit du contenu afro-américain, ce qui ne correspond pas du tout aux goûts ni à la culture africaine ».

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« Autant imposer le port du préservatif ça a été très facile avec certains, autant pour le dépistage on a dû mettre en place une rémunération des acteurs pour qu’ils y aillent »

Une fois la machinerie lancée, l’idée était de parvenir à établir le profil de ce qui existait déjà sur place. « On a découvert qu’il existe de la pornographie dans quasiment chaque pays d’Afrique subsaharienne, mais soit de façon un peu ghetto, soit de façon plutôt sympathique, soit de façon un peu dark et illégale. Mais il y a quand même des gens qui travaillent ça et là avec les moyens du bord ». Pendant six mois, Dorcel a rencontré ces personnes et développé un réseau de producteurs locaux dans trois pays : le Nigéria, la Côte d’Ivoire et le Cameroun. « On travaille avec sept producteurs, sur les vingt/trente avec qui on a échangé, à qui on a donné les moyens financiers ». En données chiffrées ? Ça donne des budgets de production allant de 1500 à 2500 euros la scène – un film-type comprenant environ cinq scènes–, contre une moyenne de 3 000 euros à l’international. Et des salaires pour les acteurs fixés à 350 euros, contre une fourchette européenne variant de 250 à 750 euros pour une scène. Des montants loin d’être stratosphériques sans pour autant être négligeables, si on prend on compte le niveau de vie sur place.

En plus du financement et sans éléments logistiques à disposition sur le terrain, il a fallu établir des contrats de travail pour les acteurs, une charte éditoriale, et surtout des mesures de prévention obligatoires. « On est en train de déployer le dépistage obligatoire, mais c’est long et difficile. Autant imposer le port du préservatif ça a été très facile avec certains, autant pour le dépistage on a dû mettre en place une rémunération des acteurs pour qu’ils y aillent. On se confronte à une réalité de terrain qui est complexe ». Contrairement à l’Europe ou à l’Amérique où ces méthodes sont entrées dans l’usage, en Afrique « tout reste à construire ».

Les bases techniques posées, le géant du porno français s’est intéressé à ce qui excite les Africains. Compte tenu du fait que la conception de l’esthétisme varie d’un pays à l’autre, les fantasmes aussi, et que la culture joue un rôle prépondérant dans la conception du plaisir, la question ne pouvait que se poser. Pour proposer au spectateur béninois, congolais, sénégalais, ou gabonais quelque chose qui lui ressemble et à quoi il serait susceptible de s’identifier, il fallait savoir en amont ce qui lui plaît.

Au cours de ce processus de découverte de l’autre et de ce qui l’anime (en tout cas en dessous de la ceinture), Gregory Dorcel a pu se pencher sur la notion de l’érotisme sur la terre des encens et des perles de hanches. En riant, il énumère ces différences notables et qui pour lui ont été marquantes. « Les canons de beauté sont différents. Étant donné que je suis un homme hétérosexuel, j’ai commencé par les femmes. De ce que j’ai pu constater, ce qui prédomine en Afrique, ce sont les formes, qui sont vraiment fondamentales. Pour ce qui est des hommes, notamment ceux qui apparaissent dans les productions, on n’a pas affaire à des étalons ou à des mecs bodybuildés aux dimensions anormales comme on en retrouve chez les Afro-Américains. Là c’est plutôt l’inverse, avec des mecs normaux. Après au niveau des situations, la vie quotidienne est hyper importante contrairement à l’occident où on part sur une vie complètement fantasmatique ».

« Pour la rentrée on a fait appel à des productrices africaines, donc exclusivement à des femmes, pour produire des émissions sexy qui traiteront de sexualité, de sensualité et de plaisir »

Résultat, si vous faites un tour sur le portail en ligne de Dorcel TV Africa, vous pourrez voir : des femmes en pagne dans un cadre rural ou un logement modeste, bassine à la main ou plateau sur la tête, dans des vidéos illustrant des scènes de vies avec des titres comme « La vendeuse de fruits » et « Adultère au village ». Des motifs purement africains que la chaîne a pris le parti de dépeindre, sans jamais au grand jamais prendre position. Et pour cause, « chez Dorcel, on estime qu’on a un rôle et une responsabilité de diffuseurs, mais on n’est pas éducateurs ».

À défaut d’instruire, la chaîne veut faire la promotion du « well-being et de l’« épanouissement sexuel ». Au programme donc : 150 films par an (70 ont déjà été produits pour l’année 2019), des séries, des stripteases et des émissions de télé. « Pour la rentrée on a fait appel à des productrices africaines, donc exclusivement à des femmes, pour produire des émissions sexy qui traiteront de sexualité, de sensualité et de plaisir ». S’il ne croit pas que le porno va révolutionner le monde, Grégory Dorcel estime tout de même qu’il peut jouer un rôle dans l’expression de la liberté des femmes à disposer de leur corps comme elles l’entendent. C’est dans cette ligne de pensée qu’il croit fortement en l’émergence, dans les années à venir, de stars du X issues d’Afrique noire. Une projection bien optimiste quand on sait que dans certains de ces pays on censure des chansons grivoises, accusées de porter atteinte aux bonnes mœurs. Mais de l’optimisme, Grégory Dorcel en a à revendre.

Dans cette entreprise de conquête du nu par et pour l’Afrique, il entrevoit avec liesse la possibilité de tout remodeler. « Ça nous permet de prendre du recul et de se demander comment on ferait si on avait pu, en Europe, repartir à zéro et maîtriser les choses. Comment on voudrait que la pornographie soit ? On a là l’opportunité de faire quelque chose d’organisé. On prend des risques, on s’expose, on travaille dans des conditions difficiles. Mais on pense que c’est nécessaire ».

Dorcel TV Africa est accessible au numéro 405 sur le bouquet Canal+ Afrique, avec en compléments la formule Premium Evasion + et l’option Charme. Pour la découvrir, il faudra débourser la modique somme de 70 000 FCFA (environ 105 euros). Un luxe pour l’Africain lambda, qui peut difficilement s’offrir du porno chic sur décodeur. À cette question de l’accessibilité, Grégory Dorcel répond qu’ils sont en train de travailler avec des opérateurs téléphoniques, afin de mettre en place des systèmes de distribution sur mobiles (avec des moyens de protection et de paiement adaptés) qui devraient voir le jour d’ici la fin de l’année.

Cela ne fait plus aucun doute, la révolution sexuelle en Afrique, ça commence maintenant. Après tout, qui a dit que la pornographie c’était seulement une affaire de blancs ?

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