Ces derniers temps, Massimo Bottura fait une fixette sur les fruits et légumes moches. « Je choisis toujours la banane la plus laide, a-t-il déclaré en novembre dernier en montrant une banane en décomposition dans un coin de la cuisine de MUNCHIES. C’est plus intéressant, plus stimulant. »
Massimo Bottura, 55 ans, est un géant de la gastronomie. Il est le chef du célèbre restaurant Osteria Francescana à Modène, en Italie, triplement étoilé au guide Michelin. En parallèle, il nourrit une obsession pour les aliments que certains pourraient qualifier de « laids à tendance hideuses » comme des bananes noircies et autres vilains petits canards de la nature.
Videos by VICE
LIRE AUSSI : L’appli anti-gaspi qui fouille les poubelles des restos
Ce sont souvent les aliments qui partent à la poubelle pour la seule raison que les humains sont conditionnés à confondre le goût et l’apparence, en somme. Sachant que la situation de la planète est de plus en plus préoccupante, le gaspillage alimentaire est un problème bien plus important que les gens le croient. Et Bottura compte bien changer les mentalités.
Quel est le meilleur moyen de lutter contre le gaspillage alimentaire selon lui ? Cuisiner.
C’est le principe de son dernier livre, Le Pain est d’or : ingrédients ordinaires pour repas extraordinaires, paru chez Phaidon. D’ailleurs, cet ouvrage n’est pas seulement le sien ; les plus grands chefs du monde, de René Redzepi à Alain Ducasse, y ont collaboré en présentant des recettes de repas trois services préparés à partir d’ingrédients souvent gaspillés. L’idée directrice ? Pour nourrir la planète, il faut d’abord lutter contre les déchets.
Et selon Bottura, c’est le livre le plus important de ces 30 dernières années. « Il n’en existe pas d’autre comme celui-ci, insiste-t-il. Nous y avons tous accordé notre temps, notre créativité et notre vision. »
Par exemple, une des recettes qu’il a imaginées est un pesto à la menthe et à la chapelure. Oui, de simples miettes de pain – celle qu’on trouve au fond des placards ou qu’on récupère à partir d’une vieille baguette. Bottura reconnaît que c’est un ingrédient peu orthodoxe à ajouter au pesto, mais c’est, selon lui, l’alternative idéale aux pignons de pin.
« C’est une variante, déclare-t-il. La chapelure est beaucoup plus légère que les pignons. » Variante née de la nostalgie de Bottura pour son enfance en Italie et une époque où il n’avait pas grand-chose à manger.
Parfois, quand on n’a rien d’autre, de simples miettes de pain suffisent, rappelle Bottura. Pour les trouver belles, il suffit simplement de les cuisiner.
« Une tasse de lait chaud avec de la chapelure et une petite touche de chocolat ou de café : c’était mon repas préféré quand j’étais petit, se souvient-il. C’est tout. Mon palais a été éduqué avec ça. » À l’époque, il n’avait pas le choix. Il n’y avait pas de « Cheerios ou de céréales sucrées ». Alors c’est devenu son encas préféré par défaut.
Il prend un blender et y met du basilic, du persil, des feuilles de menthe, de la chapelure , deux gousses d’ail et environ cinq glaçons. Il hache finement le tout et conseille de ne pas avoir la main trop lourde sur le basilic. Il ajoute aussi une pincée de sucre pour contre-balancer l’amertume des herbes. Puis un peu d’huile d’olive extra-vierge, du Parmigiano-Reggiano râpé et du sel de mer. Il mélange doucement le tout jusqu’à obtenir une pâte homogène.
« C’est le pesto de Brooklyn ! » lance-t-il avec un air sarcastique et victorieux après que la solution ait atteint la bonne consistance. « Le pesto de Brooklyn ! Le pesto de Williamsburg ! »
LIRE AUSSI : « Il n’y a pas de grande cuisine sans culture »
Le résultat est une substance visqueuse à la menthe avec un goût divin. C’est un pesto riche en saveur tout en étant souple, presque comme un poids plume. Il en met une louche dans un bol de fusilli – mais n’importe quelle pâte courte fait l’affaire tant qu’elle est cuite al dente.
Parfois, quand on n’a rien d’autre, de simples miettes de pain suffisent, rappelle Bottura. Peut-être que vous aussi, vous finirez par les trouver belles. Il suffit simplement de les cuisiner.
Cet article a été préalablement publié sur MUNCHIES US.
En plus d’être l’un des chefs les plus reconnus au monde, Massimo Bottura est à l’origine de l’ouverture du restaurant solidaire Refettorio Paris, un projet à la fois caritatif et culturel qui vise à lutter contre le gaspillage alimentaire au profit de la solidarité.