Société

Au Myanmar, les parents organisent de fausses funérailles pour protéger leurs enfants

Ces familles sont prêtes à tout pour empêcher leurs enfants d'être recrutés par les groupes rebelles du pays.
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Image : mcardec via Pixabay

Au Myanmar, les parents ont trouvé un nouveau moyen de protéger leurs enfants d’un conflit qui sévit dans le pays depuis plus de 60 ans : en organisant de fausses funérailles.

Le conflit, qui a débuté à la fin du régime colonial britannique, est le plus long du monde. Il s’agit d’une série d’affrontements qui opposent principalement les militaires aux groupes insurgés qui demandent leur autonomie. Les effets de la crise ont entraîné de nombreuses violations des droits de l'homme et ont touché les civils d'innombrables façons, forçant nombre d'entre eux à quitter leur foyer. En simulant ces funérailles, les parents mettent leurs enfants hors de portée des groupes rebelles, qui sont connus pour recruter de force des enfants, selon Al-Jazeera.

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Ake Xi, dont le nom a été modifié pour des questions de sécurité, était l’un de ces enfants. Aujourd’hui âgé de 18 ans, il a assisté à son propre enterrement sur Skype l'année dernière, alors qu'il se trouvait à des kilomètres de chez lui. « C’était tellement étrange. J’avais envie de crier : "Je ne suis pas mort" », a-t-il raconté à Al-Jazeera.

Sa famille vit dans l'État de Shan, dans le centre du Myanmar, frontalier de la Chine. Certains groupes armés de la région, comme l'Armée de l'État Shan-Sud (ASS-S), comptent jusqu'à 15 000 soldats. En juin 2017, les soldats de l'ASS-S ont donné le choix aux parents d’Ake Xi : soit ils remettaient leur fils au groupe, soit ils déboursaient 7 000 dollars pour trouver un remplaçant pour le poste. S'ils refusaient l'une ou l'autre option, ils seraient pris en otage. Ake Xi a ensuite été attaché à un arbre alors que des soldats l'interrogeaient à leur base. Au bout de trois jours, il leur remettait la totalité des économies de sa famille. « J’avais l’impression d’être dans un mauvais rêve », dit-il.

En simulant ses funérailles, Ake Xi n'était plus sur le radar de l’ASS-S, qui est connue pour fouiller les villages à la recherche de nouvelles recrues. Mais l’ASS-S n'est qu'un des nombreux groupes impliqués dans ce conflit qui a ravagé le pays.

Entre 2015 et 2016, 45 enlèvements d'enfants ont été commis par l’ASS-S et l'Armée de libération nationale Ta'ang, un autre groupe opérant principalement dans la région de Namhsan.

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En 2002, le Myanmar, alors connu sous le nom de Birmanie, comptait le plus grand nombre d'enfants soldats au monde. La grande majorité d'entre eux s'inscrivaient dans le cadre des vastes programmes de recrutement du pays.

Le recrutement forcé d'enfants soldats a été dénoncé pour la première fois en 2003 par les Nations Unies. L'Unicef cite les membres de l’ASS-S comme étant les « auteurs persistants » de ces recrutements. L'organisation signale en outre que 924 mineurs ont été libérés par l'armée au cours des sept dernières années.

Même avec des preuves de ces recrutements et d'autres formes de travail forcé, le pays n'a mené que très peu d'actions en justice. Dans un récent rapport sur les pratiques des droits de l'homme au Myanmar, le Département d'État américain a souligné que ces actes « aboutissent rarement à des enquêtes et des poursuites criminelles ».

Les parents font maintenant tout ce qu'ils peuvent pour protéger leurs enfants. Alors que certains ont recours à de fausses funérailles, d'autres envoient leurs enfants en Chine, loin du regard de ces groupes insurgés. C’est ce qu’a fait Yar San Taw.

« Personne ne veut que ses enfants rejoignent les rebelles, a-t-elle dit à Al Jazeera. Mon fils a pleuré quand on l'a envoyé en Chine pour travailler… mais il n'avait pas le choix, je ne l’aurais pas laissé rester ici. »

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