Clippy a 20 ans et il restera toujours l’assistant virtuel le plus chiant du monde

Que tu sois de la génération X ou Y, il y a fort à parier que tu as eu à subir une pseudo-complicité avec Clippy, l’assistant virtuel de Microsoft Office que tu aurais tant voulu déglinguer s’il avait existé en dehors de ton écran. Le mois dernier, le trombone aux yeux googly fêtait son anniversaire et, 20 ans après son apparition, on en est toujours à chercher des réponses plausibles à cette question existentielle : Comment l’assistant virtuel le plus chiant du monde s’est-il aussi bien démerdé pour marquer l’imaginaire de toute une génération? Justement en étant l’assistant virtuel le plus chiant du monde. « Je m’en contrefous de savoir si les gens l’ont aimé ou haï, tant qu’ils savent qui il est », me lance Kevan Atteberry, l’illustrateur pour enfant de Seattle qui a rendu le calvaire possible. « J’avoue que la plupart des gens me disent qu’ils le détestent, mais, dès que je leur dis que je l’ai créé, ils trouvent ça super cool. En tout cas, je continue de recevoir quantité de courriels de fans de Clippy chaque année. »

On se souviendra de sa générosité inégalée. Clippy était prêt à t’accompagner dans ton désarroi et à te prémâcher toutes tes tâches de bureautique super indigestes en échange de quelques clics et d’un peu d’attention. Word, Excel, PowerPoint et tous les autres composants de cette suite de logiciels pas très sexy n’avaient aucun secret pour lui.

Videos by VICE

Parmi toutes ses actions intempestives, un chouia intrusives, je me souviens notamment qu’aussitôt repéré, le moindre désir épistolaire était le meilleur des moyens pour que le bougre s’essaye dans son rôle improvisé de coach informatique. Un « Cher… » malencontreusement placé nous assurait un pop-up « Hey! It looks like you’re writing a letter! », chose qui nous proposait d’accéder à un processus d’aide un peu foireux et qui finissait souvent toujours par un : « Non, Clippy, je n’ai pas besoin de ton aide cette fois-ci. »

La version 2.0 de Clippy. En 3D svp.

« J’avais des objectifs et je connaissais le public auquel je m’adressais, affirme Atteberry. J’ai conçu environ 25 personnages, dont environ 20 ont été inclus dans le test mondial. Le premier produit livré en contenait 10 au choix, dont deux étaient les miens. » Finalement, Clippy est devenu le personnage par défaut. Pas compliqué pour lui de faire son trou parmi un Dot chelou , un globe supposé représenter la terre-mère, deux caricatures un peu moches de Shakespeare et d’Einstein, un chat origamiesque ou encore un chien superhéros mi-boiteux.

Cela étant dit, si l’on s’attarde sur certaines des autres fantaisies pondues par la compagnie, on se rendra vite compte que Clippy n’est pas le plus grand flop, mais seulement une petite « sortie de route ». Prémisse de Clippy et de la technologie d’aide computorielle pour les noobs de l’informatique, l’expérience Microsoft Bob avait été bien plus désastreuse. Doté d’une interface graphiquement bien plus lourde, Bob avait initialement été développé pour tenter de rendre le gestionnaire de programme dans Windows 3.1 et Windows 95 un peu plus user friendly – qui dit plus lourde et plus fournie dit forcément plus de déchets. D’ailleurs, et heureusement pour nous, on ne lui donnera pas l’opportunité de pourrir Windows 98 et sera abandonnée juste avant sa sortie. Plus tard en 2010, le magazine Time reviendra sur cet échec et n’aura aucun scrupule à hisser Bob au panthéon des inventions les plus merdiques de l’histoire. La brigade du style me dit, entre autres, que l’utilisation de la police Comic Sans MS serait aussi une faute de goût impardonnable.

Jeune et insouciant à l’époque, probablement appâté par l’opportunité créative assez shiny, mais aussi par la fame et par les bills qui étaient censés pleuvoir du ciel, Kevan n’est pas dupe pour autant. Il me laisse volontairement entrevoir sur un ton quasi ironique qu’il ne remet pas en cause son expérience, mais qu’il reste encore sceptique quant à la masse de thune qu’il était allé chercher avec ce contrat. « J’échangerais sans réfléchir le pactole que j’ai réussi à gratter juste pour un centime par ordinateur où Clippy s’est infiltré. » S’est-il fait fourrer? Possiblement, mais, dans son cas, je vois davantage un choix judicieux pour profiter de la situation offerte par l’industrie du tertiaire du début des années 90. Si tu travaillais dans la région de Seattle, les chances que Microsoft soit au top de ta liste de clients étaient relativement élevées. Les conditions de travail étaient également bien plus avantageuses. « Lorsque j’ai commencé à dealer avec Microsoft, les choses étaient bien différentes d’aujourd’hui, me confie-t-il. Un freelancer pouvait se trouver des plans bien cool tout seul et plus facilement, alors qu’en 2016, on doit quasiment se prostituer en passant par des agences. C’était une période super excitante pour moi. »

En ce qui concerne l’actualité de Kevan, il travaille actuellement sur plusieurs bouquins. « J’en ai un nouveau qui sort l’année prochaine et qui est appelé I Love You More than the Smell of Swamp Gas. Ce sera le premier livre que j’ai écrit en rime, et c’est super trippant. » Il termine en me disant que travailler dans l’illustration n’a pas toujours facile, mais que c’est ce qu’il a toujours voulu faire et que ça marche. #thefutureisbright

Cliquez ici pour en savoir un peu plus sur le travail de Kevan Atteberry.