Migrants de Calais : Pourquoi le Brexit ne devrait rien changer à leur situation

VICE News regroupe ses articles sur la crise migratoire mondiale sur son blog « Migrants ».


Depuis vendredi et l’annonce de la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne, le Brexit agite tout le continent européen — et la France n’y échappe pas.

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Coté français, ce n’est pas tant le futur des accords de libre-échange ou les changements en matière de visas de travail qui font le plus de remous, mais bien la situation des migrants à Calais. La question est notamment de savoir si la France doit continuer d’empêcher les migrants, qui sont coincés dans la Jungle dans des conditions sordides, de passer en Angleterre.

Le débat avait été lancé dès le mois de mars, quand le ministre de l’Économie français, Emmanuel Macron avait annoncé dans le Financial Times que « la France ne retiendrait plus les migrants à Calais » au cas où le Royaume-Uni déciderait de quitter l’Union européenne.

Puisque c’est désormais chose faite, le président de région des Hauts-de-France, Xavier Bertrand, a relancé le débat quelques heures après les résultats du référendum britannique en postant sur Twitter : « Les Anglais ont voulu reprendre leur liberté, ils doivent reprendre leur frontière. »

Poker menteur

Mais depuis mars, Macron a un peu revu sa position comme le prouve l’échange que le ministre a eu ce lundi matin avec Bertrand lors d’une visite à Calais.

Si Macron admet ce lundi que le Brexit oblige la France à être « plus exigeante » avec le Royaume-Uni sur le sujet des migrants, il ne dit pas non plus que les autorités françaises ne retiendront plus les migrants qui souhaitent traverser la Manche.

Bertrand reprend alors le ministre et lui rappelle ses propos de mars dernier. « J’adorais les positions du ministre début mars qui était plus clair en disant « S’ils sortent, le camp de migrants sera en Angleterre », » fait remarquer Bertrand.

Des accords bilatéraux

Si Macron et Bertrand jouent ce lundi une partie de poker menteur, les accords qui contraignent la France de retenir les migrants en France n’ont en réalité pas grand-chose à voir avec le Brexit ou l’Union européenne, même s’il s’agissait d’une thématique de campagne centrale pour le référendum britannique, puisqu’il s’agit d’accords bilatéraux.

Ces accords signés en 2003 au Touquet pour faire progresser la coopération policière entre la France et le Royaume-Uni quant au contrôle de leurs frontières respectives ne sont aucunement remis en cause — du moins juridiquement — par le Brexit.

« Le problème est que ces accords du Touquet sont déséquilibrés, » estime Francois Gemenne, spécialiste des flux migratoires à Sciences Po. « Le Royaume-Uni se défausse de ses responsabilités et la France se retrouve chargée de retenir les migrants à Calais, » nous dit-il.

Un camp à Douvres ?

Cet état de fait motive donc une bonne partie de l’opposition française à profiter du Brexit — synonyme pour certains de manque de solidarité européenne — pour remettre en cause les accords du Touquet.

« Si tel est le cas, les migrants pourraient alors passer en Angleterre et les Anglais pourraient ne plus être capables de renvoyer les migrants dans le pays par lequel ils entrent dans l’UE comme le prévoient les accords de Dublin, » explique Gemenne. Ces accords s’appliquent en effet aux membres de l’UE, ce que le Royaume-Uni ne sera sans doute bientôt plus.

« Ainsi, les migrants pourraient se disperser dans la nature en Angleterre ou les autorités anglaises pourraient créer un centre d’internement à Douvres [Ndlr, la ville d’entrée en Angleterre], » prédit Gemenne. « Paradoxalement, alors que le Brexit a été motivé par une logique isolationniste, le Royaume-Uni pourrait accueillir plus de migrants qu’auparavant, » fait remarquer le spécialiste.

« Leur objectif numéro 1 est de passer en Angleterre »

Du côté de Calais, il n’y a bien que les personnalités politiques qui s’agitent autour du Brexit, nous explique Stéphane Duval, le directeur du centre d’accueil Jules-Ferry qui jouxte la Jungle.

« Les migrants sont dans un situation très spontanée, ils ne sont pas dans la prévision à se demander si le Brexit va changer quelque chose pour eux, » explique Duval. « Leur objectif numéro 1 est de passer en Angleterre, » Brexit ou non.

Duval note que certains migrants posent des questions quant aux conséquences du Brexit sur le Royaume-Uni et pas tant sur la frontière franco-britannique. « Ils sont persuadés de rejoindre l’Angleterre, donc ils sont en quelque sorte en droit de savoir ce qu’il va s’y passer. »

Pendant ce week-end post-Brexit, ce sont encore 3 300 migrants qui ont été secourus par les garde-cotes et la marine italienne au large de la Libye. Selon les chiffres du ministère de l’Intérieur italien, 60 000 migrants sont arrivés en Italie depuis janvier. Beaucoup ont l’Angleterre en point de mire.

À lire, notre reportage : Calais, une journée dans la classe des enfants migrants.


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